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CHAPITRE IX.

Révolution du 10 août 1792. Renversement de la monarchie.

L'OPINION publique se montre toujours, même au milieu des factions qui l'oppriment. Une seule révolution, celle de 1789, a été faite par la puissance de cette opinion; mais, depuis cette année, presque aucune des crises qui ont eu lieu en France n'a été désirée par la nation.

Quatre jours avant le 10 août, on voulut porter dans l'assemblée un décret d'accusation contre M. de la Fayette, et quatre cent vingtquatre voix, sur six cent soixante-dix, l'acquittèrent. Le vœu de cette majorité n'étoit certainement pas pour la révolution qui se préparoit. La déchéance du roi fut demandée; l'assemblée la rejeta: mais la minorité, qui la vouloit, eut recours au peuple pour l'obtenir.

Le parti des constitutionnels étoit néanmoins toujours le plus nombreux; et, si d'une part les nobles n'étoient pas sortis de France, et que, de l'autre, les royalistes qui entouroient le roi se fussent réconciliés franchement avec

les amis de la liberté, on auroit pu sauver encore la France et le trône. Ce n'est ni la première, ni la dernière fois que nous avons été, et que nous serons appelés dans le cours de cet ouvrage, à montrer à montrer que le bien ne peut s'opérer en France que par la réunion sincère des royalistes de l'ancien régime avec les royalistes constitutionnels. Mais, dans ce mot de sincère, que d'idées sont renfermées!

Les constitutionnels avoient en vain demandé la permission d'entrer dans le palais du roi pour le défendre. Les invincibles préjugés des courtisans les en avoient écartés. Incapables cependant, malgré le refus qu'on leur faisoit subir, de se rallier au parti contraire, ils erroient autour du château, s'exposant à se faire massacrer pour se consoler de ne pouvoir se battre. De ce nombre étoient MM. de Lally, Narbonne, La Tour-du-Pin Gouvernet, Castellane, Montmorenci, et plusieurs autres encore, dont les noms ont reparu dans toutes les circonstances honorables.

Avant minuit le 9 août, les quarante-huit tocsins des sections de Paris commencèrent à se faire entendre, et toute la nuit ce son monotone, lugubre et rapide ne cessa pas un instant. J'étois à ma fenêtre avec quelques-uns de mes

amis, et de quart d'heure en quart d'heure, la patrouille volontaire des constitutionnels nous envoyoit des nouvelles. On nous disoit que les faubourgs s'avançoient, ayant à leur tête Santerre le brasseur, et Westermann, militaire, qui depuis s'est battu contre la Vendée. Personne ne pouvoit prévoir ce qui arriveroit le lendemain, et nul ne s'attendoit alors à vivre au-delà d'un jour. Il y eut néanmoins quelques momens d'espoir pendant cette nuit effroyable; on se flatta, je ne sais pourquoi, peut-être seulement parce qu'on avoit épuisé la crainte.

Tout à coup, à sept heures, le bruit affreux du canon des faubourgs se fit entendre; et, dans la première attaque, les gardes suisses furent vainqueurs. Le peuple fuyoit dans les rues avec autant d'effroi qu'il avoit eu de fureur. Il faut le dire, le roi devoit alors se mettre à la tête des troupes et combattre ses ennemis. La reine fut de cet avis, et le conseil courageux qu'elle donna dans cette circonstance à son époux l'honore et la recommande à la pos

térité.

Plusieurs bataillons de la garde nationale, entre autres celui des Filles-Saint-Thomas, étoient pleins d'ardeur et de zèle ; mais le roi, en quittant les Tuileries, ne pouvoit plus

compter sur cet enthousiasme qui fait la force des citoyens armés.

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Beaucoup de républicains pensent que, Louis XVI eût triomphé le 10 août, les étrangers seroient arrivés à Paris, et y auroient rétabli l'ancien despotisme, devenu plus odieux encore par le moyen même dont il auroit tenu sa force. Il est possible que les choses fussent arrivées à cette extrémité; mais qui les y avoit conduites? L'on peut toujours dans les troubles civils rendre un crime politiquement utile; mais c'est par les crimes précédens qu'on parvient à créer cette infernale nécessité.

On vint me dire que tous mes amis qui faisoient la garde en dehors du château, avoient été saisis et massacrés. Je sortis à l'instant pour en savoir des nouvelles ; le cocher qui me conduisoit fut arrêté sur le pont par des hommes qui, silencieusement, lui faisoient signe qu'on égorgeoit de l'autre côté. Après deux heures d'inutiles efforts pour passer, j'appris que tous ceux qui m'intéressoient vivoient encore ; mais que la plupart d'entre eux étoient contraints à se cacher, pour éviter les proscriptions dont ils étoient menacés. Lorsque j'allois les voir le soir à pied dans les maisons obscures où ils avoient pu trouver asile, je rencontrois des

hommes armés couchés devant les portes, assoupis par l'ivresse, et ne se réveillant à demi que pour prononcer des juremens exécrables. Plusieurs femmes du peuple étoient aussi dans le même état, et leurs vociférations avoient quelque chose de plus odieux encore. Dès qu'on apercevoit une patrouille destinée à maintenir l'ordre, les honnêtes gens fuyoient pour l'éviter; car, ce qu'on appeloit maintenir l'ordre, c'étoit contribuer au triomphe des assassins, et les préserver de tout obstacle.

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