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cette dignité révolutionnaire étoit respectueusement saluée.

Arrivée chez moi, Manuel me dit qu'on m'expédieroit un nouveau passe-port sans qu'il me fût permis d'emmener aucune autre personne pour me suivre que ma femme de chambre. Un gendarme devoit me conduire jusqu'à la frontière. Le lendemain Tallien, le même qui délivra vingt mois après la France de Robespierre au 9 thermidor, vint chez moi, chargé par la commune de m'accompagner jusqu'à la barrière. A chaque instant on apprenoit de nouveaux massacres. Plusieurs personnes, trèscompromises alors, étoient dans ma chambre; je priai Tallien de ne les pas nommer, il s'y engagea et tint sa promesse. Je montai dans ma voiture avec lui, et nous nous quittâmes sans avoir pu nous dire mutuellement notre pensée; la circonstance glaçoit la parole sur les lèvres.

Je rencontrai encore dans les environs de Paris quelques difficultés dont je me tirai; mais, en s'éloignant de la capitale, le flot de la tempête sembloit s'apaiser, et dans les montagnes du Jura rien ne rappeloit l'agitation épouvantable dont Paris étoit le théâtre. Cependant on entendoit dire partout aux François qu'ils vou

loient repousser les étrangers. Je l'avouerai, dans cet instant je ne voyois d'étrangers que les assassins, sous les poignards desquels j'avois laissé mes amis, la famille royale, et tous les honnêtes gens de France.

CHAPITRE XI.

Les étrangers repoussés de France en 1792.

LES prisonniers d'Orléans avoient subi le sort des prisonniers de Paris, les prêtres avoient été massacrés au pied des autels, la famille royale étoit captive au Temple; M. de la Fayette, fidèle au vou durable de la nation, la monarchie constitutionnelle, avoit quitté son armée plutôt que de prêter un serment contraire à celui qu'il venoit de jurer au roi. Une convention nationale étoit convoquée, et la république fut proclamée en présence des rois victorieux, dont les armées n'étoient qu'à quarante lieues de Paris. Cependant la plupart des officiers françois étoient émigrés; ce qu'il restoit de troupes n'avoit jamais fait la guerre, et l'administration étoit dans un état affreux. Il y avoit de la grandeur dans une telle résolution, prise au milieu des plus grands périls; bientôt elle fit revivre dans tous les cœurs l'intérêt que l'on prenoit à la nation françoise; et si, rentrés dans leurs foyers, les guerriers vainqueurs eussent renversé les révolutionnaires, encore

une fois la cause de la France étoit gagnée.

Le général Dumourier montra, dans cette première campagne de 1792, un talent qu'on ne peut oublier. Il sut mettre en œuvre avec habileté la force militaire, qui, fondée par le patriotisme, a depuis servi l'ambition. A travers les horreurs dont cette époque étoit souillée, l'esprit public de 1792 avoit quelque chose de vraiment admirable. Les citoyens, devenus soldats, se dévouoient à leur pays; et les calculs personnels, l'amour de l'argent et du pouvoir n'entroient pour rien encore dans les efforts des armées françoises. Aussi l'Europe elle-même éprouva-t-elle une sorte de respect pour la résistance inattendue qu'elle rencontra. Bientôt après la fureur du crime s'empara du parti dominateur; et, depuis, tous les vices ont succédé à tous les forfaits : triste amélioration pour l'espèce humaine!

CHAPITRE XII.

Procès de Louis XVI.

QUEL sujet! Il a été traité tant de fois, que je ne me permets ici de retracer qu'un petit nombre d'observations particulières.

Au mois d'octobre 1792, avant que l'horrible procès du roi fût commencé, avant que Louis XVI eût nommé ses défenseurs, M. Necker se présenta pour être chargé de cette noble et périlleuse fonction. Il publia un mémoire que la postérité recueillera comme un des témoignages les plus vrais et les plus désintéressés qu'on pût rendre en faveur du vertueux monarque jeté dans les fers (1). M. de Malesherbes fut choisi par le roi pour son avocat auprès de la convention nationale. L'affreuse mort de cet homme admirable et de sa famille l'emporte sur tout autre souvenir; mais la haute raison et la sincère éloquence de l'écrit de M. Necker pour

(1) L'on séquestra la fortune de M. Necker en France, å compter du jour même où parut son Mémoire justificatif de Louis XVI.

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