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CHAPITRE XIV.

Guerre entre la France et l'Angleterre. M. Pitt et M. Fox.

PENDANT plusieurs siècles les rivalités de la France et de l'Angleterre ont fait le malheur de ces deux pays. C'étoit un combat de puissance, mais la lutte causée par la révolution ne peut être considérée sous le même rapport. S'il y a eu, depuis vingt-trois ans, des circonstances où l'Angleterre auroit pu traiter avec la France, il faut convenir aussi qu'elle a eu pendant ce temps de grandes raisons de lui faire la guerre, et plus souvent encore de se défendre contre elle. La première rupture, qui éclata en 1793, étoit fondée sur les motifs les plus justes. Si la convention, en se rendant coupable du meurtre de Louis XVI, n'avoit point professé et propagé des principes subversifs de tous les gouvernemens, si elle n'avoit point attaqué la Belgique et la Hollande, les Anglois auroient pu ne pas prendre plus de part à la mort de Louis XVI que Louis XIV n'en prit à celle de Charles Ier. Mais, au moment où le

ministère renvoya l'ambassadeur de France, la nation angloise souhaitoit la

guerre plus vivement encore que son gouvernement.

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Je crois avoir suffisamment développé, dans les chapitres précédens, qu'en 1791 pendant la durée de l'assemblée constituante, et même en 1792 sous l'assemblée législative, les puissances étrangères ne devoient pas accéder à la convention de Pilnitz. Ainsi donc, si la diplomatie angloise s'est mêlée de ce grand acte politique, elle est intervenue trop tôt dans les affaires de France, et l'Europe s'en est mal trouvée, puisque c'est ainsi qu'elle a donné d'immenses forces militaires aux François. Mais, au mo nent où l'Angleterre a déclaré formellement la guerre à la France en 1793, les jacobins s'étoient tout-àfait emparés du pouvoir, et non-seulement leur invasion en Hollande, mais leurs crimes et les principes qu'ils proclamoient, faisoient un devoir d'interrompre toute communication avec eux. La persévérance de l'Angleterre, à cette époque, l'a préservée des troubles qui menaçoient son repos intérieur, lors de la révolte de la flotte et de la fermentation des sociétés populaires; et de plus elle a soutenu l'espoir des honnêtes gens, en leur montrant quelque part sur cette terre la morale et la liberté

réunies à une grande puissance. Si l'on avoit vu la nation angloise envoyer des ambassadeurs à des assassins, la vraie force de cette ile merveilleuse, la confiance qu'elle inspire, l'auroit abandonnée.

Il ne s'ensuit pas de cette manière de voir que l'opposition qui vouloit la paix, et M. Fox qui par ses étonnantes facultés représentoit un parti à lui seul, ne fussent inspirés par des sentimens très-respectables. M. Fox se plaignoit, et avec raison, de ce que l'on confondoit sans cesse les amis de la liberté avec ceux qui l'ont souillée; et il craignoit que la réaction d'une tentative si malheureuse n'affoiblit l'esprit de liberté, principe vital de l'Angleterre. En effet, si la réformation eût échoué il y a trois siècles, que seroit devenue l'Europe? Et dans quel état seroit-elle maintenant, si l'on enlevoit à la France tout ce qu'elle a gagné par sa réforme politique?

M. Pitt rendit à cette époque de grands services à l'Angleterre, en tenant d'une main ferme le gouvernail des affaires. Mais il pen-, choit trop vers l'amour du pouvoir, malgré la simplicité parfaite de ses goûts et de ses habitudes; ayant été ministre très-jeune ; il n'avoit pas eu le temps d'exister comme homme privé,

et d'éprouver ainsi l'action de l'autorité sur ceux qui dépendent d'elle. Son cœur ne battoit pas pour le foible, et les artifices politiques, qu'on est convenu d'appeler machiavélisme, ne lui inspiroient pas tout le mépris qu'on devoit attendre d'un génie tel que le sien. Néanmoins son admirable éloquence lui faisoit aimer les débats d'un gouvernement représentatif: il tenoit encore à la liberté par le talent, car il étoit ambitieux de convaincre, tandis que les hommes médiocres n'aspirent qu'à commander. Le ton sarcastique de ses discours étoit singulièrement adapté aux circonstances dans lesquelles il s'est trouvé; lorsque toute l'aristocratie des sentimens et des principes triomphoit à l'aspect des excès populaires, l'énergique ironie de M. Pitt convenoit au patricien qui jette sur ses adversaires l'odieuse couleur de l'irréligion et de l'immoralité.

La clarté, la sincérité, la chaleur de M. Fox pouvoient seules échapper à ces armes tranchantes. Il n'avoit point de mystère en politique, parce qu'il regardoit la publicité comme plus nécessaire encore dans les affaires des nations que dans tout autre rapport. Lors même qu'on n'étoit pas de son avis, on l'aimoit mieux que son adversaire ; et, quoique la force de l'ar

gumentation fût le caractère distinctif de son éloquence, on sentoit tant d'âme au fond de ses raisonnemens, que l'on en étoit ému. Son caractère portoit l'empreinte de la dignité angloise, comme celui de son antagoniste; mais il avoit une candeur naturelle, à laquelle le contact avec les hommes ne sauroit porter atteinte, parce que la bienveillance du génie est inaltérable.

Il n'est pas nécessaire de décider entre ces deux grands hommes, et personne n'oseroit se croire capable d'un tel jugement. Mais la pensée salutaire qui doit résulter des discussions sublimes dont le parlement anglois a été le théâtre, c'est que le parti ministériel a toujours eu raison, quand il a combattu le jacobinisme et le despotisme militaire; mais toujours tort et grand tort, quand il s'est fait l'ennemi des principes libéraux en France. Les membres de l'opposition, au contraire, ont dévié des nobles fonctions qui leur sont attribuées, quand ils ont défendu les hommes dont les forfaits perdoient la cause de l'espèce humaine; et cette même opposition a bien mérité de l'avenir, quand elle a soutenu la généreuse élite des amis de la liberté qui, depuis vingt-cinq ans, se dévoue à la haine des deux partis en France,

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