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complie en ce que Dieu a justifié les Gentils par la foi. Dans le quatorziéme verset du même chap. l'Apôtre dit, afin que la benediction d'Abraham avint aux Gentils par Jefus-Chrift. Cette benediction d'Abraham eft fans doute la juftification. Si nous fuppofons encore ceci, que le mot de juftifier & celui de benir dans cette dispute font de même fignification, il paroîtra clairement que le terme de juftifier doit embraffer & la remiffion des pêchez & l'infufion de la juftice inherente. Car le terme de benir comprend l'un & l'autre, puis qu'un homme ne feroit pas veritablement beni de Dieu qui n'auroit que l'une ou l'autre de ces deux chofes.

4. Voici une nouvelle raifon qui nous perfuade cela même que juftifier fignifie conferer toute la juftice evangelique, c'eft que dans le 5. chap. de cette Epître aux Romains l'Apôtre faittune oppofition de la maniere dont le peché eft defcendu d'Adam fur les autres hommes, à la maniere dont la juftice de Jefus-Chrift paffe de lui à fes fideles." Or le peché d'Adam eft communiqué à fes defcendans par deux voyes, l'une eft l'imputation, foit qu'on la pofe mediate ou immediate; l'autre eft la propagation des foüillures inherentes. Afin que l'oppofition foit jufte & raisonnable, elle doit être parfaite dans toutes fes parties : & par confequent afin que l'opposition qui eft ici entre

le pêche d'Adam & la juftice de Jefus Chrift foit jufte, il faut que la juftice de Jesus Chrift paffe fur les fideles par deux voyes. La premiere eft celle de l'imputation qui fait la remiffion des pechez, l'autre est la communion de la juftice inherente par la vertu du Saint Efprit. Et il eft clair que le terme de juftifier dans l'intention de Saint Paul comprend l'une & l'autre de ces parties, puis qu'il oppofe toûjours la juftification que nous recevons par Jefus Christ à la corruption que nous heritons d'Adam, la coulpe, dit il, eft d'une feule offenfe en condamnation, mais le don eft de plufieurs offenfes en juftification, & peu aprés: comme donc par une fente offen/e la coulpe eft venue fur tous hommes en condamnation, ainfi auffi par une feule justice nous juftifiant, le don eft venu fur tous hommes en juftification de vie. Il y a d'avantage, c'eft que l'Apôtre Saint Paul explique le terme de juftifier par celui de rendre jufte, & il ajoûte: Comme par la defobeiffance d'un feul homme plusieurs ont été rendus pecheurs, ainfi par l'obeiffance d'un feul plufieurs feront rendus juftes, Or nous ne fommes rendus juftes que par cette double juftice, la juftice imputée & la justice inherente, & par confequent le terme de juftifier comprend le don de l'une & de l'autre juftice.

5. Ajoûtons à tout cela que l'Apôtre S. Paul comprend evidemment la fanctifica

cion, ou l'infufion de la juftice inherente, fous le don de la juftification dans le huitiéme chapitre de cette Epître au 29. verfet où il dit, ceux qu'il a predeftinez, il les a auffi appellez; & ceux qu'il a appellez, il les a auffi justifiez; & ceux qu'il a juftifiez, il les a glorifiez. L'Apôtre dans ces paroles fait la chaine du falut, c'eft à dire, qu'il fait l'énumeration de toutes les graces par lefquelles Dieu nous conduit à la gloire. Mais entre les graces il oublie celle de la fanctification, car il ne met rien entre juftifiez & glorifiez. Or il n'y a point d'apparence que P'Apôtre cût negligé une grace fi effentielle que celle de la fanctification, & de laquelle il dit ailleurs, que fans elle nul ne verra le Seigneur. C'eft pourquoi nous ne pouvons pas douter que fous le terme de juftifier, il ne comprenne l'infufion de la juftice inherente; & Beze qui étoit grand défenfeur du fens du barreau, eft pourtant demeuré d'accord de cette verité, qu'ici le terme de juftifier comprend le don de la juftice evangelique dans toute fon étendue. Il eft encore tresremarquable que l'Apôtre attribue la juftification au S. Efprit: c'eft dans ce paffage de l'Epître à Tite que nous avons déja cité; où nous lifons ces paroles Par le lavement de la regeneration & par le don du Saint Efprit, lequel il a épandu abondamment en nous par Jefus Chr. nôtre Sauveur,afin qu'étant juftifiez par lagrace d'icelui nous foyons heritiers

Il dit que nous avons reçu le Saint Efprit afin que nous foyens juftifiez; C'eft donc au S.Efprit qu'il attribue la juftification. Or fi nous prenons le terme de juftification, in fenfu forenfi, ce n'eft point le Saint Efprit qui nous juftifie, car la juftification en ce fens eft un acte de Dieu le Pere, par lequel il nous relâche la peine de nos pechez en nous imputant la fatisfaction de fon Fils. De forte qu'il faut neceffairement que le terme de juftifier fe prenne ici pour la communication de la juftice evangelique dans toute fon étendue, & en ce fens il eft certain que le Saint Esprit nous juftifie, parce que c'eft lui qui nous communique la juftice. On ne me doit pas objecter que dans cette difpute l'Apôtre S. Paul oppose le mot de justifier à celui de condamner: Qui eft-ce qui intentera accufation contre les élus de Dieu? Dieu est celui qui justifie, qui fera celui qui condamner a ? Car même dans ce paffage & dans les autres femblables, s'il y en a. le mot de justifier fe prend tres-commodement pour la communication de toute la juftice evangelique. Qui eft-ce qui intentera accufation contre les Elûs de Dieu; puifque Dieu eft celui qui juftifie les fideles, c'est à dire, qui les rend juftes & faints, & par voye d'imputation, & par voye de fanctification. Il est même neceffaire qu'ici lajuftification fignifie l'un & l'autre, afin que le raifonnement de l'Apôtre demeure abfolument en fon entier.

Car

Car fi Dieu en juftifiant les fideles leur pardonnoit fimplement leurs pechez, & ne les fantifioit pas, il y auroit encore lieu d'intenter accufation contr'eux, & le Demon pourroit dire qu'ils ne feroient pas juftes devant Dieu, puifqu'ils ne feroient pas juftes en eux-mêmes. Au lieu que fi l'homme par le benefice de la justification est delivré du peché à tous égards, & pour la foüillure, il eft clair qu'on peut dire d'un ton ferme, qui eft-ce qui intentera accufation contre les Elûs,, Dieu eft celui qui juftifie. On me dira peutêtre encore, que hors de cette difpute, le mot de juftifier fe prend plus ordinairement in fenfu forenfi, pour l'abfolution & la remiffion des pechez. J'en tombe d'accord, & je dis que ce n'eft pas fans raifon que l'Apôtre, pour nous exprimer l'action qui nous communique la juftice evangelique, s'eft fervi d'un terme qui fignifie ordinairement abfoudre & déclarer jufte. C'est pour nous fignifier que la principale partie de cette juftice evangelique confifte dans nôtre abfolution, comme l'a remarqué en quelques endroits Saint Auguftin: Que nôtre juftice confifte plus dans la remiffion de nos pechez que dans nos vertus. C'est une maxime du bon fens auffi bien que de la Philofophie, que, res denominanda eft à potiori parte; ainfi, comme l'abfolution & la remiffion des offences eft dans l'affaire de nôtre falut ce qu'on appelle pars potior, il ne faut pas s'é

B

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