Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

different de celui d'aujourd'hui. Outre que les Ecrivains facrez étoient affés peu ftilez 'dans l'art d'écrire felon la methode du monde, avec lequel ils n'avoient point de commerce; adjoûtés la difficulté & la grandeur de la matiere, qui n'avoit point encore été maniée; & l'inexactitude que ces auteurs facrez ont laiffé couler dans leur ftile, étant fi fort attachez aux chofes qu'ils ont negligé les paroles.

Outre ces fources d'obfcuritez que cette Epître peut avoir communes avec les autres écrits des Apôtres, il y en a de particulieres; & la principale de celles-ci eft, que cette Epître eft un de ces écrits qu'on appelle polemiques; Ces fortes d'ouvrages deviennent facilement obfcurs, tant à caufe que les matieres controverfées qu'on y agite font naturellement difficiles, que parce que la queftion eft fouvent embaraffée & la veri. té obfcurcie par les fubtilitez des contredifans. La veritable & la principale clef qui nous ouvre ces fortes d'écrits polemiques, c'eft la jufte connoiffance de l'état de la controverfe. Car fi on examine bien toutes les difputes qui paroiffent être, ou qui font veritablement embaraffées, on découvrira que l'embarras, ou de l'auteur, ou du Lecteur ne vient que de ce que, ou l'auteur en compofant n'a pas compris l'état de la controverfe qu'il veut traiter, ou que le Lecteur en lifant ne comprend pas l'état de la con

troverfe, felon qu'il a été pofé par l'au

teur.

Nous avons deffein, s'il eft poffible d'ouvrir le fens de l'Epître aux Romains, & l'on peut dire que l'intelligence de cette Epître dépend de l'intelligence du verfet 27. du troifiéme chapitre, car c'eft la conclufion de toute la difpute de l'Apôtre : comme il paroît même par les termes de cette conclufion: Nous concluons donc que l'homme est ju ftifié par foi fans les œuvres de la Loi.

Or il eft certain que de l'intelligence de la conclufion dépend l'intelligence des preuves, comme de la force des preuves dépend l'évidence de la conclufion. Nous ferons donc deux chofes fur ce Texte, la premiere c'eft que nous verrons le fens de cette Thefe, l'homme eft juftifié par foi fans les œuvres de la Loi: La feconde, c'eft que nous examinerons de quelle maniere & par quelle methode l'Apôtre prouve cette Thefe dans toute fon Epître.

Comme nous avons remarqué que l'intelligence d'une difpute dépend abfolument de l'intelligence de l'état de la controverfe, c'est la premiere chofe que nous avons à faire & à examiner, fçavoir quel eft l'état de la controverfe que l'Apôtre traite ici. Il faut donc remarquer d'abord que tous ceux-là fe trompent qui fe font imaginez que l'Apôtre avoit en vue des controverfes à peu prés femblables à celles qui s'agitent aujourd'hui

fur la matiere de la juftification; par exemple, fil'homme eft precifement juftifié par l'habitude & par l'acte de la foi, ou fi c'est par la vertu & par le mérite des œuvres. L'Apôtre n'a point eu deflein d'entrer dans ces queftions qui divisent aujourd'hui l'école Romaine de la Proteftante. Ce n'eft pas qu'il n'ait dit beaucoup de chofes, & pofé des principes generaux qui font d'un trésgrand fecours pour vuider ces questions. Il eft certain que les ennemis que l'Apôtre avoit en vûe c'étoient ces Pharifiens, ces zélateurs de la Loi dont il eft fi fouvent parlé dans le livre des Actes, & qui traverferent de tant de façons l'établiffement de l'Evangile que Saint Paul prêchoit entre les Nations. Voions precisement quel étoit le fentiment de ces gens-là, & nous aurons trouvé la Thefe que Saint Paul combattoit. Ces gens-là foûtenoient que l'economie de Moïfe devoit durer eternellement, que cette alliance legale étoit la feule & l'unique voye du falut, que le Meffie n'étoit point venu pour détruire cette alliance, mais afin de la faire obferver; en un mot que la Loi de Moïfe étoit celle qui mettoit les hommes en état de grace, & qui les établiffoit dans la difpofition prochaine, comme on parle, pour la vie éternelle, en leur donnant la vraie & falutaire juftice. Voilà precisement le fentiment que Saint Paul combat, c'est à dire, qu'il établit que ce n'eft point la Loi

de Moife qui eft capable de mettre les hommes en état de grace, qu'elle ne confere point la vraye justice falutaire, laquelle conduit neceffairement à la vie eternelle, & rend les hommes agreables à Dieu, mais que ce privilege de fauver les hommes & de les rendre veritablement juftes appartient à l'Evangile exclufivement, 1. à l'Alliance de Nature, 2. à l'Alliance Legale. Cela étant pofé, il faut prefentement voir le fens de nôtre These Nous concluons que l'homme eft juftifié par foi fans les œuvres de la Loi. Elle eft compofée de trois termes, le premier c'eft d'être justifié, le fecond c'est la foi, le troifiéme c'eft les œuvres de la Loi.

Les Interpretes par juftifier, entendent être abfous & déclarez juftes; par la foy, ils entendent la vertu de la foy en habitude & en acte ; & enfin par les œuvres de la Loi, ils entendent toutes les œuvres par lefquelles l'homme rend obéiffance aux Commandemens de Dieu, qui font contenus tant dans la Loi morale, que dans toute l'Ecriture du Vieux Teftament: & felon cela, le fens ordinaire qu'on donne à cette propofition, c'eft: l'homme eft déclaré jufte & abfous devant Dieu de tous fes péchez par la vertu & l'efficace de la foi, comme caufe inftrumentelle qui s'applique les promeffes juftifiantes de l'Evangile, & cela en excluant toutes les bonnes oeuvres faites dans la grace ou hors de la grace, comme ne contri

*

buant rien à la juftification. Je ne fçai fi cette These ainfi expliquée n'a point quelque chole d'incommode, mais je fuis affuré que ce n'eft point l'intention & le but de l'Apôtre. Je dis que cette These ainsi expliquée, pourroit bien avoir quelque chofe d'incommode; car je doute qu'on doive abfolument exclure toute forte d'œuvres de l'affaire de la juftification. Il eft vrai qu'il faut bannir abfolument tout merite des oeuvrès, car il eft certain que cette proposition, l'homme eft fauvé & juftifié gratuitement, eft le fondement de toute la doctrine de la grace. Mais il faut obferver que quelques bonnes œuvres peuvent intervenir dans la juftification de deux manieres, ou par voye de merite, ou par voye de condition. La premiere eft neceffairement excluë comme nous l'avons dit, mais je ne voi rien qui excluë la derniere. Au contraire toute l'Ecriture la favorife, car il eft certain qu'elle demande la repentance & l'amandement de vie, comme un préliminaire d'une abfolue neceffité pour recevoir la juftification. L'Ecriture Sainte crie par tout, Amendezvous, & vous convertiffez, & vos péchez vous feront pardonnez; ainfi la converfion & la repentance font des conditions d'une égale neceffité avec la foi pour recevoir la juftication. Or la converfion & la repentance

*Voy les Eclairciffemens.

« VorigeDoorgaan »