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a veillé sur leur premier âge, au prix de nombreuses insomnies, d'incessantes fatigues, de privations et d'angoisses multipliées. La nature le leur dit de sa voix persuasive et touchante, la gratitude leur en fait une obligation rigoureuse, la religion chrétienne, dans laquelle nous avons le bonheur d'être nés et de vivre, les y oblige par ses préceptes, tout empreints d'amour et de charité! Aussi beaucoup de familles indigentes seraient heureuses de pouvoir conserver, près d'elles, leurs vieux parents; et elles ne consentent à s'en séparer que contraintes par une nécessité impérieuse.

C'est que, en effet, en dehors même des motifs que je viens d'exposer, la présence du vieillard, au milieu des siens, est aussi utile qu'elle est morale. Elle devient un centre naturel et comme irrésistible de réunion, d'échange de bons procédés, de témoignages réciproques de dévoûment et de sympathie, moyens puissants de resserrer, entre tous les membres, les liens et les rapports que des causes si nombreuses tendent sans cesse à relâcher et à rompre. Elle est un enseignement plein de force, celui de l'exemple que se rappelleront plus tard les jeunes enfants, si impressionnables et si affectueux, qui s'habitueront, de bonne heure, à respecter, eux aussi, et à chérir avec tendresse un père ou une mère qu'ils auront vus entourer d'amour et d'égards, la vieillesse de leurs grands parents.

Et c'est ainsi que se réalise le plus souvent, même dès ce monde, la promesse implicitement contenue dans le précepte divin: « Père et mère tu honoreras, etc. >>

Permettre, au contraire, l'abandon trop facile des vieillards pauvres aux soins des administrations hospitalières, c'est encourager, sans le vouloir, peut-être sans s'en douter, l'indifférence et la froideur, c'est aider les enfants à enfreindre les lois les plus sacrées de la nature, c'est compromettre les bonnes mœurs par l'oisiveté, c'est

ouvrir la porte à de grandes calamités, privées et publiques.

Et, en effet, si le jeune enfant, comme cela est trop commun de nos jours, voit ses proches manquer d'égards pour leur propre père, lui refuser les choses dont il a besoin, dans l'âge des infirmités ou d'extrême vieillesse, ou bien ne les lui donner qu'avec humeur et comme à regret, l'éloigner avec empressement comme un objet inutile et ennuyeux, il sera porté naturellement à imiter cet exemple et peut-être à l'exagérer !

Châtiment terrible, sans doute, mais juste cependant, d'une conduite toute d'égoïsme et essentiellement contraire aux préceptes de la religion et de la morale!

Est-il permis, d'ailleurs, au simple point de vue chrétien et charitable, de priver le vieillard de sa liberté (1), de lui ôter la satisfaction si douce et si consolante de vivre au milieu des siens, d'en recevoir à tout instant les témoignages d'affection et de respect, d'aller où bon lui semble, de conserver ses relations sociales, etc.; est-il permis de le reléguer au milieu de vieillards inconnus, quelquefois dépravés et trop souvent maussades; en un mot, est-il juste de le priver de l'aliment du cœur pour lui donner le seul aliment matériel (2)?

Il me semble qu'il y a mieux à faire, du moins pour le

(1) Quelques membres de la Commission administrative des Hospices, m'ont affirmé que les vieillards de Saint-Jacques supportent avec beaucoup de peine la privation de leur liberté, et le leur expriment avec une affliction profonde.

(2) Et quels aliments! Au dire des mêmes administrateurs, les pauvres vieillards confiés à leurs soins, s'en plaignent avec amertume et non sans quelques motifs. Cet ayeu, quasi-officiel, est assurément un argument bien fort à l'appui de ma proposition.

plus grand nombre des vieillards, et que l'Administration charitable doit s'efforcer de restreindre de plus en plus le placement dans les hospices, et de faciliter au contraire, par tous les moyens en son pouvoir, le séjour du père et de la mère pauvres, au milieu de leurs enfants, afin de procurer à tous, en même temps, les avantages si précieux de la vie de famille.

Sans doute, une impossibilité matérielle, pécuniaire, par exemple, pourrait devenir un empêchement légitime à l'adoption de cette mesure : c'est vrai; mais ici rien de semblable ne peut être objecté, car le secours d'hospice, que nous venons de montrer, si avantageux sous le rapport moral, ne l'est pas moins au point de vue économique, comme un simple rapprochement va le faire comprendre.

D'après les renseignements qui m'ont été fournis par M. Vié, chef de la division des secours à domicile, la dépense annuelle d'un indigent, dans un hospice de Paris, est de 400 fr. environ.

L'entretien de cent vieillards y coûte donc 40,000 fr. D'un autre côté, le secours ou pension d'hospice s'y élève à 195 fr. pour les femmes et à 253 fr. pour les hommes moyenne, 224 fr. C'est une dépense de 22,400 fr. pour cent vieillards, au lieu de 40,000 fr. Différence 17,600 fr.

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Pour les 853 nécessiteux admis à ce secours dans la capitale depuis 1850, c'est donc une économie annuelle de 140,000 fr. Cette économie relative doit même s'élever aujourd'hui beaucoup plus haut par suite de l'annexion de la banlieue, qui a fait porter le nombre de ces secours de 853 à 1,137 (427 hommes et 710 femmes).

Quant au Loiret, où le prix du placement dans les familles ne dépasse jamais 150 fr., tandis qu'il est moitié

plus élevé dans les hospices, la différence entre ces deux modes d'assistance n'est pas moins sensible, toute proportion gardée.

En 1857, par exemple, il y avait douze vieillards dans les hospices du Loiret et quatre-vingt-dix chez les particuliers.

Les douze pensionnaires de la 1re catégorie ont coûté à l'Administration 3,600 fr., soit 300 fr. l'un.

Les quatre-vingt-dix de la 2e ont coûté, pour leur pension, 11,889 fr. 40 c., ou 121 fr. 32 c. en moyenne pour chacun.

Evidemment les frais de maladie, quels qu'ils aient pu être, n'ont point rétabli l'équilibre entre les dépenses nécessitées par l'un et l'autre mode d'assistance.

Ces chiffres parlent assez haut pour me dispenser d'insister davantage sur la question économique.

Ajoutons, toutefois, que le plus souvent, des amis, des parents, quelques personnes charitables viennent grossir la somme fournie par l'Administration, qui s'efforce ainsi de provoquer et d'encourager la bonne volonté des familles.

Mesure excellente, combinaison aussi ingénieuse que sage de la charité privée et de l'assistance légale, moyen essentiellement utile et moralisateur de venir en aide aux familles nécessiteuses sans se substituer complètement à elles dans l'accomplissement d'un devoir que leur imposent tout à la fois la religion, la loi et la nature, et dont elles doivent s'acquitter personnellement dans la limite de leurs ressources.

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Au reste, le succès et la popularité de cette institution

charitable ne sauraient être révoqués en doute. Ils ressortent clairement des documents officiels qui m'ont été communiqués avec une bienveillance extrême par M. le baron de Girardot, secrétaire général de notre département, et par M. Vié, chef de la division des secours à domicile de la Seine, documents dont j'essaie de donner ici une rapide analyse.

A Paris, le secours d'hospice est une récompense >> accordée aux familles honnêtes, et, depuis plus de dix >> ans qu'il y fonctionne, il n'a cessé d'être très apprécié » des administrations et des pauvres... >>

L'économie, réalisée par ce système de secours, a cela de très-utile d'ailleurs, qu'elle permet de soulager un plus grand nombre d'infortunes sans augmenter les charges du budget.

Dans le Loiret, au milieu de conditions un peu différentes, ce mode d'assistance n'est pas moins apprécié. La proportion toujours croissante des placements` dans les maisons particulières, «< conformément aux désirs des » vieillards eux-mêmes » (Rapport du Préfet, 1852, p. 28.), en est une preuve incontestable. Aussi, les inspecteurs «< se » plaisent à reconnaître que les vieillards, placés dans les familles, n'ont que des paroles de reconnaissance pour » l'Administration, à laquelle ils doivent ce bien-être. » (Id., p. 28).

De son côté, le Conseil général « s'applaudit du bon » résultat que le service des pensions de vieillards produit » dans tout le département,» résultat « dont les popula» tions indigentes apprécient de plus en plus l'utilité... » Les quatre Conseils d'arrondissement « sont unanimes >> aussi « pour constater les avantages de ces nouvelles créa» tions. » (Procès-verbal du Conseil général, août 1853, p. 138.)

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