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CORRESPONDANCE

DE LOUIS XIV

Avec le Marquis AMELOT, son Ambassadeur en Portugal,

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J'ay encore receu par cet ordre une lettre du sieur de Saint-Romain du 31e juillet, et côme je ne doute point qu'il ne soit à présent parti de Lisbonne et que vous n'ayez déjà commencé à faire les fonctions de mon Ambassadeur, je vous adresse cette lettre seulement, pour vous informer que j'aprens par celle dudit sieur de SaintRomain, qu'on ne peut faire aucun fondement certain sur ce qu'on dit de la santé du Roy de Portugal, et comme je ne doute pas que dans la juste apréhension qu'elle doit donner, on ne fasse beaucoup de réflexion sur les mesures qu'on pourroit prendre pour empescher que la couronne de Portugal ne retombe sous la puissance du Roy catolique; vous deuez aporter tous vos soins à pénétrer quelles sont

les vues des Portugais sur ce sujet, et il est bon de leur insinuer qu'ils ne peuvent rien faire de mieux pour se garantir de ce malheur, que de marier l'Infante à un Prince qui n'ait aucun attachement aux intérests de la maison d'Autriche. Observez bien cependant tout ce qui se passera sur ce sujet, pour m'en rendre un compte exact. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, M. Amelot, en sa sainte garde.

Ecrit à Chasteaudun, le 6e septembre 1685.

Le 20 septembre 1685, le marquis Amelot arriva à Lisbonne et fut reçu avec le cérémonial convenu.

No VII.

LETTRE de M. Amelot au Roy.

SIRE,

J'arriuay en cette ville le 20 de ce mois. Auant que d'entrer dans la riuière, je receus par une chaloupe de Cascais, un billet de M. de Saint-Romain, par lequel il m'informait de la manière dont il estoit demeuré d'accord auec cette Cour, que les saluts seroient doresnauant receus et rendus par les Ambassadeurs de France, venant icy dans les vaisseaux de Vostre Majesté, et suivant cela, le sieur Audiffredi qui commande l'Emerillon, sur lequel j'estois, enuoya auertir le commandant du fort SaintJulien, qu'il amenoit à Lisbonne le nouvel Ambassadeur de France, et ensuite il salua le fort de sept coups, et on lui en rendit deux moins. Incontinent après, le fort salua de treize coups l'Ambassadeur de Votre Majesté, le fort de Bougis qui est vis à vis en fit autant, et nous rendismes pour tous les deux un seul salut de treize coups. Après estre entrez dans la riuière qui fut le 19° après midi, nous vinsmes mouiller un peu en de là de la tour de Belem ou le mesme ordre fut pratiqué à l'égard de cette forteresse et de la tour vieille qui est vis à vis.

Le soir du mesme jour, un mestre de camp nommé Gonsalvo da Costa, vint me faire un compliment sur mon arriuée, de la part du roy Dom Pedro; le lendemain le comte da Ponte vint au nom du mesme Roy me prendre dans ses brigantins, me mena jusqu'au port de la ville d'ou il me conduisit dans les carosses de Sa Majesté portugaise, jusques à la maison de M. de Saint-Romain, qui est présentement la mienne. Dans le vaisseau de Vostre Majesté et dans ma maison, je donnay toujours la main à l'un et à l'autre de ces deux fidalgues, et le dernier me fit aussi les honneurs dans les brigantins et dans les carosses du Roy son maistre.

C'est de cette manière, Sire, que le cérémonial est à présent établi pour la réception de vos Ambassadeurs en cette Cour. Le lendemain de mon arriuée, j'enuoyay suiuant l'ordre accoutumé en donner part au Nonce, à l'Ambassadeur d'Espagne, à l'envoyé d'Angleterre et aux residens de Hollande et de Parme, qui me sont tous venus voir le jour mesme ou le lendemain. Le duc de Cadaual, le comte de Ribera et plusieurs autres fidalgues me sont aussi venus rendre visite, et j'ay déjà commencé à en rendre quelques-unes des principales.

M. de Saint-Romain a commencé à m'informer de toutes les choses qui peuuent m'esclaircir du véritable estat de cette Cour, et qui regardent le service de Vostre. Majesté. Il m'a fait voir le dernier billet de la dame Du Verger mais comme il l'envoye à Vostre Majesté et qu'il lui rend compte de la santé du roy Dom Pedro, il ne me reste qu'à assurer Vostre Majesté, du zèle extrême et du profond respect avec lequel je suis,

SIRE,

De Vostre Majesté,

Le très humble, très obeissant, et très fidele

serviteur et sujet.

No VIII.

7 OCTOBRE 1685.

IIe LETTRE de Louis XIV à M. Amelot.

MONSIEUR AMELOT,

J'apprens par vostre lettre du 28e aoust que vous auez recu à vostre arriuée à Lisbonne, les mêmes honneurs et traitemens dont on est convenu auec ceux qui vous ont précédé, et que le sieur de Saint-Romain vous a instruit de tout ce qui peut faciliter vostre négociation. Il me paroist aussi par le compte qu'il me rend de ce qui s'est passé dans ses audiences de congé que le Roy n'a pas encore pensé sérieusement à de secondes noces pour lui ni mesme à marier l'Infante. Mais comme Dom Antonio de Freitas, son envoyé est à présent à la Cour de Neubourg, il y a bien de l'apparence que le penchant du Roy sera plustost du costé de cette maison, quoique fort attachée aux intérests de la maison d'Autriche, que pour aucune autre qui ait des liaisons auec moy. Il m'assure néantmoins que vous employerez tous vos soins et toute vostre adresse pour détourner la Cour ou vous estes, d'entrer dans des engagements qui puissent troubler la bonne correspondance que je désire entretenir auec cette couronne. Sur ce, etc.

A Fontainebleau, le 7 octobre 1685.

No IX.

LETTRE de M. Amelot au Roy.

SIRE,

M. de Saint-Romain s'embarca le 5e de ce mois, et mit dès le lendemain matin à la voile. Il m'a fait part de ses lumières auec beaucoup d'ouuerture, et j'ay tasché dans les entretiens que j'ai eus avec lui de ne rien oublier de toutes les choses sur lesquelles j'ay crû nécessaire d'auoir

ses auis. Je l'ai particulièrement pressé de me dire ainsi que mon instruction le porte, son sentiment sur la conduite que je dois garder touchant l'affaire des mariages, et nous sommes conuenus ensemble, que dans l'estat ou sont les choses dont Vostre Majesté est très informée et après tout ce qui a esté dit et redit icy sur cette matière, il seroit inutile de marquer beaucoup d'empressement : mais qu'il est plus à propos dans les commencemens d'escouter ce qui se dira, et de parler des auantages qui se trouuent pour le Portugal dans les alliances de France, seulement dans les occasions, et lorsque le silence de votre Ambassadeur pourroit faire croire que Vostre Majesté n'y prend plus de part. C'est aussi la conduite, Sire, que je crois deuoir suivre, à moins que Votre Majesté ne m'en prescriue une autre; et j'apporteray cependant toute l'application dont je suis capable, à estre informé de ce qui se passera.

Par tout ce que j'ai appris depuis mon arriuée il me paroist, et M. de Saint-Romain mesme, et le père Pommereau sont conuenus ensemble devant moy, que le roy Dom Pedro, n'a point encore pris de résolution quoy qu'on ait cru qu'il penchoit pour les mariages de Neubourg: mais qu'il est très possible que ce Prince qui ne fait rien que par caprice, passe tout d'un coup, des irrésolutions dans lesquelles il est depuis si longtemps à une volonté déterminée de prendre l'un des partis qu'on lui propose: en sorte que ses Ministres mesme auxquels il a fort peu de confiance, n'en seront pas plustost instruits que le public. Sa santé est toujours au mesme estat, il ne se laisse voir à personne et ne signe point les expéditions ordinaires. Il a fait cependant l'effort samedi 1er de ce mois, de donner une audience particulière à M. de SaintRomain, dans laquelle il fit de grandes honnestetés à ce Ministre, et l'assura auec les plus belles paroles du monde

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