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donna et se voua uniquement à la littérature. Il publia des œuvres de tous genres, poëmes, romans, histoire. Tous ces ouvrages attestent sinon beaucoup de talent, du moins une remarquable facilité; et Durdent aurait sans doute obtenu une place distinguée dans la littérature si des excès de boisson ne l'avaient conduit à une fin prématurée, après une existence misérable. Il fournit de nombreux articles à la Gazette de France, au Mercure étranger, à la Biographie Michaud, à la Biographie des Jeunes Gens. Quant à ses ouvrages, au nombre de plus de trente, ils sont fort médiocres, et ne méritent pas d'être cités.

Rabbe, Boisjolin et Sainte-Preuve, Biographie universelle des Contemporains.

nèque. A cette époque, sa maison était le rendezvous de tous les écrivains les plus distingués. Delille s'y rencontrait chaque jour avec D'Alembert, La Harpe, Marmontel, Champfort, Suard. La révolution et les désastres de Saint-Domingue détruisirent en grande partie l'opulent héritage de Dureau de La Malle. A l'émigration de son fils aîné se joignit l'accusation d'avoir marché lui-même contre la Convention nationale, le 13 vendémiaire an IV. Ses biens furent séquestrés et sa tête menacée; la plupart de ses parents périrent sur l'échafaud, et lui-même fut réduit pendant deux ans à vivre de la vente de quelques objets précieux dont il se défaisait pièce à pièce. Rentré dans une partie de ses biens, il reprit, avec la sécurité de l'existence, le goût de ses travaux littéraires. A la traduction de Tacite succéda celle de Salluste, œuvre posthume comme celle de Tite-Live, que la mort l'empêcha même de terminer, et qui a été continuée par Noël. Ces travaux lui ouvrirent, en 1804, les portes de l'Académie Française, où il remplaça le cardinal de Boisgelin, archevêque d'Aix. Dès 1802 il siégea au corps législatif.

Biographie des Contemporains.

DUREAU DE LA MALLE (Jean-Baptiste-Joseph-René), littérateur français, né à Saint-Domingue, le 21 novembre 1742, mort dans le Perche, le 19 septembre 1807. Son grand-père avait été nommé gouverneur de Saint-Domingue par Louis XIV, en récompense de ses services militaires. Orphelin à sept ans, il fut envoyé seul, à cet âge, de Saint-Domingue en France. On le recommanda au capitaine du vaisseau, qui, en débarquant,│[Berger de Xivrey, dans l'Enc. des G. du M. ] le confia au conducteur de la diligence pour le mettre au collège du Plessis à Paris. Pendant sa traversée, le vaisseau avait soutenu un combat et essuyé une forte tempête; ces deux scènes, jointes aux souvenirs d'une nature aux grands contrastes comme celle de la contrée équatoriale où il était né, et où il ne retourna jamais, firent sur l'imagination du jeune enfant une impression ineffaçable. Aussi y puisa-t-il son premier ouvrage, Tourville, tragédie en prose, où la scène est sur un vaisseau. Il étudia au collége du Plessis, et remporta le prix d'éloquence sur La Harpe, et celui de poésie latine sur Delille; il contracta avec ce dernier une amitié durable. Au moment de publier sa traduction des Géorgiques, Delille la lut à Saint-Lambert, l'auteur des Saisons; celui-ci le détourna de cette publication, par le motif que Delille n'était pas propre au genre descriptif. Découragé par cette décision sévère, Delille fut rassuré par son ami, qui, en lui faisant apercevoir la partialité de Saint-Lambert, ajouta : « Ta traduction sera immortelle; les Géorgiques verront mourir les Saisons. » Dureau de la Malle est auteur du Discours préliminaire et des Notes de cette traduction, et l'intérêt qu'il prit à l'ouvrage de son ami est ce qui l'engagea à traduire les historiens latins. C'est par là surtout qu'il s'est fait connaître du public, et si des travaux plus récents paraissent avoir porté plus loin la perfection dans la manière de comprendre et de rendre Tacite, certainement c'est à la traduction de Dureau de La Malle qu'il faut reporter encore le mérite de cette perfection. La première édition de cette traduction parut en 1790. Dureau de La Malle avait donné dès 1776 une traduction du traité Des Bienfaits, de Sé

* DUREAU DE LA MALLE (Adolphe-JulesCésar-Auguste), poëte, archéologue et géographe français, fils du précédent, né à Paris, le 2 mars 1777. Il reçut une éducation très-soignée, et dès l'âge de cinq ans il expliquait Horace. Le goût qu'il avait pour le dessin lui fit entreprendre en 1792, avec trois amis, le long des côtes de Flandre, de Normandie et de Bretagne, un voyage d'artiste, à pied et le sac sur le dos. Mais l'époque était peu favorable à ces studieuses excursions. Pris pour des émigrés ou des ingénieurs anglais qui levaient le plan des côtes, les touristes furent tout près d'être pendus sommairement à Touques; déjà même ils avaient la corde au cou, et c'en était fait d'eux si le jeune Dureau de La Malle, avec son éloquence de quinze ans, n'eût obtenu un sursis. Garrotté avec ses compagnons, et conduit, à travers les malédictions de la populace, jusqu'au tribunal du district, ils eurent le bonheur d'y être délivrés. Devenu assez bon paysagiste, Dureau de La Malle trouva dans son talent les moyens d'exister pendant les deux années du séquestre des biens de son père. Regardant tout ce qu'il savait déjà comme une simple préparation au savoir, il se traça un vaste plan d'études qui embrassait les sciences d'observation, l'érudition et la poésie. Ses essais poétiques étaient encouragés par Delille; l'épisode de Françoise de Rimini, traduit de Dante, fut le premier morceau de poésie que M. Dureau de La Malle livra au public: il fut inséré dans le journal La Décade, en 1798. Le succès de ce début lui fit bientôt prendre un essor plus hardi. Il voulait, d'après le conseil de Delille, traduire en vers l'Odyssée; mais son père, frappé des

beautés de l'Argonautique de Valerius Flaccus, regarda comme plus glorieuse une traduction qui appellerait l'attention sur ce poëte, trop peu connu, et il imposa en quelque sorte ce travail à son fils. Celui-ci s'en tira à son honneur, et joignit même à ses vers élégants et corrects un commentaire érudit. Cet ouvrage ne fut publié qu'en 1811, 2 vol. in-8°. En 1803, le Magasin encyclopédique de Millin avait reçu de M. Dureau de La Malle un mémoire Sur la position des villes et des pays qu'habitait Phinée, fils d'Agénor; en 1804, le IVe vol. des Annales du Muséum d'Histoire naturelle publia un Mémoire sur les espèces de frênes connus des anciens, et en 1807 (Paris, in-8°) parut la Géographie physique de la mer Noire, de l'intérieur de l'Afrique et de la Méditerranée.

Un voyage dans les Pyrénées, pendant l'été de 1807, fut l'occasion du poëme intitulé Les Pyrénées, que Dureau de La Malle fit précéder du récit en prose de son Voyage à Viguemale et d'une Description des vallées d'Azun, de Cauterets et de Lectoure, et de la traduction littérale de deux chansons languedociennes (Paris, 1808, in-8°). Ce petit ouvrage n'était qu'un prélude à la composition plus importante qu'il publia en 1823 (Paris, 2 vol. in-18), sous le titre de Bayard, ou la Conquête du Milanais, poëme en douze chants et de neuf à dix mille vers, précédé d'une Préface où l'auteur expose son système poétique. Nommé correspondant de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, M. Dureau de La Malle y lut en 1816 deux Mémoires, l'un sur la topographie du mont Capitolin, sous le titre de Mémoire sur la position de la roche Tarpéienne, in-8°, accompagné d'une carte, et l'autre Sur la prononciation ancienne du grec et du latin. Admis au nombre des membres de l'Académie en remplacement de Millin, le 16 octobre 1818, il publia la Poliorcétique des Anciens, ou de l'attaque et de la défense des places avant l'invention de la poudre; Paris, F.-Didot, 1819, in-8°, avec atlas in-4° de 7 planches. Ce volume ne traite que de la poliorcétique des Égyptiens et des Hébreux; dans ses lectures faites à l'Académie en 1821 et 1822, M. Dureau de La Malle a continué le même sujet en ce qui concerne les Grecs et les Romains. Il a enrichi les Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres d'un grand nombre d'autres travaux, dont quelques-uns, comme le Mémoire sur la population de la France au quatorzième siècle (1827), appartiennent à l'histoire et à la statistique. Parmi ses travaux archéologiques, on remarque: Mémoire sur l'origine et la patrie des céréales, lu en 1819, et publié en 1826 dans les Annales des Sciences naturelles; Description du Bocage Percheron; et De l'Agriculture de M. de Beaujeu; 1823, in-8°;- Note pour prouver que le chameau n'a dû être établi en Afrique que du quatrième au cinquième siècle, lue à l'Institut

en 1823; - Recherches sur la patrie et l'origine des animaux domestiques et des plantes usuelles (1825); — Mémoire sur la patrie du chat et sur l'époque où il a été réduit en domesticité (même année). Une série de dissertations sur l'ancienne civilisation romaine ont été insérées dans les tomes X et XII des Mémoires de l'Académie des Inscriptions; en voici les titres: Mémoire sur les progrès et la décadence du luxe chez les patriciens romains et sur la diminution des produits et de la population de l'Italie dans les derniers siècles qui ont suivi l'époque de notre ère (1825); Sur l'étendue et la population de Rome (même année); — Sur la population libre de l'Italie sous la domination romaine (1826);

Sur les produits de l'Italie pendant les huit premiers siècles de Rome (même année);

Sur l'agriculture romaine depuis Caton le Censeur jusquà Columelle ( 1827 ) ; — Sur le système des poids et mesures des Romains (même année); — Sur les lois agraires et les lois sur les céréales (1828); · De l'administration romaine en Italie et dans les provinces pendant les deux derniers siècles de la république (même année); Nouveaux éclaircissements sur la question relative à l'intérêt de l'argent chez les Romains ('même année); - Mémoire sur l'état de l'agriculture chez les Romains (1829); Examen des causes générales qui chez les Grecs et les Romains durent s'opposer au dévelop pement de la population et en favoriser l'ac croissement dans l'empire persan; imprimé dans les Mémoires de l'Académie de Turin (1832); — Sur les finances de la république romaine et de l'empire (1833) ; — Sur l'extension du droit de cité, depuis Jules César jusqu'à Auguste (même année); Sur la distribution, la valeur et la législation des eaux dans l'ancienne Rome; dans les Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, 13 février 1843. Deux dissertations Sur la Topographie de Carthage, lues en 1834, ont donné lieu à l'ouvrage détaillé que M. Du reau de La Malle a publié sur ce sujet, en 1835, in-8°, avec des notes de M. Dusgate; Paris (F. Didot). En 1833, le ministre de la guerre ayant demandé à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres des renseignements sur la colonisation de l'Afrique par les Romains, l'Académic, après avoir arrêté le plan de ce travail, nomma en 1834, pour son exécution, une commission composée de MM. Walckenaër, Hase, Dureau de La Malle, auxquels on adjoignit en 1835 MM. Étienne Quatremère et Amédée Jaubert. M. Dureau de La Malle, chargé de rédiger | première partie, relative à la détermination géographique, publia à la fin de cette même année, comme début des recherches de la commission, l'ouvrage intitulé: Recherches sur l'histoire de la partie de l'Afrique septentrionale con

e sous le nom de régence d'Alger et sur =dministration et la colonisation de ce pays l'époque de la domination romaine, par e commission de l'Académie des Inscripns et Belles-Lettres, publiées par ordre = ministre de la guerre ; Paris, 1837, in-8°. à a encore de M. Dureau de La Malle: Peysnnel et Desfontaines, Voyages dans les gences de Tunis et d'Alger; Paris, 1838, vol. in-8°, avec carte et 6 planches; Écomie politique des Romains; Paris, 1840, vol. in-8°;- Histoire de Carthage jusqu'au mmencement de la deuxième guerre puque; dans l'Univers pittoresque (Afrique annne); Paris, Firmin Didot, 1847, in-8°; futation de l'ouvrage du docteur Fuster itulé Sur les changements dans le climat la France; dans les Comptes-rendus de l'Adémie des Sciences, XXII; Répartition un subside en 1328; dans la Bibliothèque de École des Chartes, II, 169; Note sur les nstructions romaines découvertes à Arcisse Orne); dans les Mémoires de la Société des itiquaires de Normandie, VIII, 431;¡— Letes sur les départements de la Sarthe et Indre-et-Loire; dans Le Globe, 6 janvier 1827. . Dureau de La Malle a collaboré aux Noulles Annales des Voyages.

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1. Berger de Xivrey, dans l'Encl. des Gens du Monde. Journal des Débats du 21 mars 1887. - Letronne, urnal des Savants, nov. 1837. Louandre et Bourclot, La Littérature française. DURELL (Jean), controversiste anglais, né 1626, à Saint-Hélier, dans l'île de Jersey, mort 11683. Élève du collège de Merton à Oxford, se prononça avec chaleur pour la cause royale, fut obligé de se réfugier en France, où il heva ses études. Il fut quelque temps ministre l'Église protestante à Caen, et ensuite chalain du duc de La Force. A l'époque de la Resuration, il revint en Angleterre, et contribua à iger dans ce pays l'Église épiscopale de Savoie. ommé en 1663 prébendaire de la cathédrale › Salisbury et chapelain ordinaire de Charles II, devint chanoine et ensuite doyen de Windsor. na de lui: Theoremata Philosophiæ ratioalis, moralis, naturalis et supernaturalis; 544, in-4o; — Liturgie de l'Église anglicane, ermon préché dans la chapelle de l'Église de avoie à Londres, et traduit en anglais sous ce tre: Liturgy of the Church of England aserted; Londres, 1662, in-4°; A view of he Government and public Worship of God in he reformed Church of England, as it is stablished by the act of uniformity; Lonres, 1662, in-4°; — Apologia pro ministris in Anglia vulgo non conformistis; 1669, in-4°. Chalmers, Gen. biog. Dict.

DURER, ou plus exactement DÜRER (Albert), élèbre fondateur d'une nombreuse école de peinres allemands, né à Nuremberg, le 20 mai 1471, nort dans la même ville, le 6 avril 1528. Il était ils d'un habile orfèvre de Hongrie, qui, ayant reNOUV. BIOGR. CÉNÉR. - T. XV.

marqué ses heureuses dispositions, l'instruisit dans son art. A l'âge de quinze ans il avait déjà fait de grands progrès, lorsque, entraîné par son goût pour la peinture, il entra chez Michel Wohlgemuth, qu'il surpassa bientôt (1), quoique ce maître fût le meilleur peintre de ce temps à Nuremberg. Après trois ans d'un apprentissage où il fut en butte à une foule de tracasseries de la part de ses camarades, il fit, en 1492, le tour de l'Allemagne; l'Alsace à cette époque en faisait partie : le jeune Dürer la visita en dernier lieu, et il retourna par Colmar et Båle dans sa ville natale, où il arriva en 1494. C'est à cette période de la vie du peintre nurembergeois qu'appartient le fameux dessin d'Orphée, qui passe pour son chef-d'œuvre. Son père lui fit épouser la fille du mécanicien Jean Frey, dont il eut une dot de 200 florins; mais cette femme, par son humeur acariâtre, l'abreuva de chagrins, et contribua sans doute à abréger ses jours. C'est du moins l'opinion de son ami Georges Hartman, qui s'exprime ainsi à ce sujet : « Elle lui avait si bien rongé le cœur, elle lui avait fait endurer de telles souffrances, qu'il semblait avoir perdu la raison. Elle ne le laissait jamais interrompre son travail, l'éloignait de toutes les sociétés, et par des plaintes continuelles, répétées le jour et la nuit, le tenait rigoureusement enchaîné à l'œuvre, afin qu'il amassåt de l'argent pour le lui laisser après sa mort. Elle avait sans cesse la crainte de périr dans la misère, et cette crainte la torture encore maintenant, quoique Dürer lui ait légué près de six mille florins. Elle est insatiable: elle a donc été vraiment la cause de sa mort, etc. (2). »

Parmi les premiers travaux d'Albert Dürer, il faut citer son propre portrait, où il est encore sans barbe (1498); il fait partie de la galerie des peintres à Florence. On y voit l'artiste à micorps, assis devant une fenêtre. Il est vêtu d'habits de fête; ses cheveux tombent en anneaux, soigneusement bouclés. Le ton des carnations tourne légèrement au bronze; l'expression du visage a de la noblesse et de la simplicité; elle ne manque pas cependant, dit Michiels, d'un certain contentement naïf de soi-même, ce qui ne doit point surprendre en cet artiste, vu que dans la correspondance qu'il eut huit ans plus tard avec Pirckeimer ce sentiment se montre assez ouvertement. Il a peint un autre portrait de lui, dans un âge plus avancé: il est dans la galerie de Munich; le modelé est un peu roide, quoique excellent; de légères teintes d'azur donnent aux ombres des carnations une transparence presque vitreuse. Il est daté de 1500. La même année, on a de lui un portrait de jeune homme connu sous le nom de frère Jean. Une esquisse peinte, représentant, sous les traits d'une bourgeoise, une Vierge allaitant Jésus-Christ, datée de 1503, est

(1) Le portrait de son père, qu'il fit alors, et qui se trouve dans la galerie de Florence, donne une idée de son talent dès cette époque.

(2) Alf. Michiels, Études sur l'Allemagne, t. II, p. 377, 15

à la galerie du Belvédère à Vienne. En 1504 Dürer peignit le tableau de Marius sur les ruines de Carthage. « Il est assis près d'une colonne; l'expression de la figure n'a pas la majesté convenable, mais le dessin du torse et des jambes annonce une grande connaissance de l'anatomie : chaque muscle ressort, chaque veine se dessine. Les lignes du vêtement se brisent en une multitude de petits plis; la couleur est fine et intense: mais partout on regrette la présence de l'idéal (1). » En 1505, un patricien de Nuremberg, Willibald Pirckeimer, ayant avancé à Dürer une certaine somme d'argent, cet artiste alla à Venise pour se perfectionner dans son art; son talent y excita l'envie en même temps que l'admiration. Sa correspondance avec Pirckeimer contient des détails intéressants sur son séjour en cette ville. En 1506 il peignit aussi à Venise, pour la Société allemande, le Martyre de saint Barthélemy, que l'empereur Rodolphe acheta et fit transporter à Prague. La brillante couleur de ce tableau réduisit au silence les envieux d'Albert Dürer, qui prétendaient qu'il maniait mieux le burin que le pinceau. Il peignit aussi à Venise un tableau qui orne à Prague le monastère des Prémontrés de Strahow. Ce tableau représente une Vierge couronnée par les anges, et entourée de l'empereur, du pape, de plusieurs religieux et de plusieurs princes. On croit qu'il exécuta aussi en Italie le tableau qui est maintenant au palais Barberini à Rome, représentant le Christ avec les Pharisiens, tous à mi-corps. L'inscription mise par Albert Dürer sur le tableau dit qu'il fut terminé en cinq jours. Les têtes sont vulgaires et la couleur est terne.

La galerie du Belvédère de Vienne possède, daté de 1507, le portrait d'un jeune homme au visage rose et d'une extrême beauté; il est plein de naturel et de finesse. Dans la galerie de l'empereur Rodolphe II, on voyait un tableau daté de la même année, représentant Adam et Eve au milieu du paradis. Une vieille épigramme dit au sujet de ces deux figures :

Angelus, hoc cernens, miratus dixit: Ab horto Non ita formosos vos cgo depuleram. Malheureusement ce tableau est perdu ; à Mayence on en voit une copie postérieure et retouchée.

Ces productions, dit M. Michiels, marquent le commencement de la plus belle époque d'Albert Dürer. Une de ses principales peintures est le Martyre des dix mille Saints, exécuté pour le duc Frédéric de Saxe. Elle passa ensuite dans la galerie de l'empereur Rodolphe, et se trouve maintenant dans la galerie du Belvédère à Vienne. On voit au milieu du tableau Albert Dürer luimême et son ami Pirckeimer, tous deux vêtus de noir, et considérant ce triste spectacle. Le manteau du peintre est jeté sur l'épaule, à la manière italienne; son attitude est hardie; il croise les mains, et tient une petite bannière sur

(1) Michiels, t. 11, p. 385. Ce tableau, qui représente plutôt le Repentir de saint Pierre, appartenait à M. de Périgny. Il est resté en France,

| laquelle on lit: Iste faciebat anno Domini 1508, Albertus Dürer, Alemanus. L'exécution, très-délicate, se rapproche de la miniature, la couleur est brillante, et les accessoires d'un fini précieux, mais la composition manque d'ensemble; la douleur y est bien rendue, par exemple dans l'avant-dernier martyr, que l'on conduit sur la montagne, et qui chancelle au milieu des angoisses de la mort.

En 1509, Dürer peignit pour Jacob Heller, de Francfort, la fameuse Ascension de la Vierge, ou il se représente au second plan, appuyé sur une table qui porte son nom et son inillésime. Cetableau périt au dix-septième siècle, dans l'incendie du château de Munich, où il avait été transporte.

Dürer se rendit aussi à Bologne pour approfondir l'art de la perspective. Ce voyage en Italie n'influa pas d'une manière notable sur son style. C'est de son retour, en 1507, que date principalement la gloire de ce grand maître. Dans la tribune des offices de Florence est une Adoration des Mages, avec le monogramme de Dürer et la date 1509. Cette toile est soigneusement finie; on y remarque, comme dans plusieurs de ses peintures, des teintes bleuâtres dans les ombres. Il ya de la sécheresse dans la conception, qui cepen. dant ne manque pas de naturel; mais les têtes ont un aspect bizarre. Le tableau qui représente Dieu le Père pressant le Sauveur dans ses bras et entouré des anges, puis d'un côté la Vierge con duisant un chœur de saintes, et de l'autre JeanBaptiste un chœur de saints, porte cette inscription: Albertus Durerus, Noricus, faciebat anno a Virginis partu 1511. Dans ce tableau, exécuté pour une église de Nuremberg, la nature humaine est reproduite sans choix, mais l'exécution en est délicate. Il est maintenant au Belvédère, ainsi qu'un tableau de La Vierge et l'Enfant-Jésus, daté de 1512. A Schleissheim on voit trois tableaux d'Albert Dürer représentant La Vierge, Sainte Anne et l'Enfant endormi, et une Ma ter dolorosa. L'exécution du premier est vigoureuse, le second est une œuvre simple, digne et belle, le troisième est un retable avec ailes, et dont le milieu retrace la naissance du Christ. Les donateurs sont peints sur les ailes. A Nuremberg, dans la chapelle Moritz, on voit un Christ qui se tord les mains; le modelé en est soigné, mais les formes du corps et de la tête manquent d'élévation. Nuremberg possède encore de lui: Her cule tuant les Harpies à coups de flèches ;Un Christ descendu de la croix et pleuré des siens; et au château sont les portraits en buste de l'empereur Charles et de l'empereur Sigismond. Le dessin en est énergique; malbeureusement ces toiles ont été très-retouchées.

Dürer visita encore une fois les Pays-Bas, en 1520. Sa réputation s'était répandue au loin: Maximilien lui conféra le titre de peintre de la cour impé riale; Charles-Quint le confirma dans cette dignité, et lui accorda en outre les armoiries propres aux peintres un champ d'azur à trois billettes d'ar

gent. Dürer jouit de l'estime et de l'amitié des grands et de tous les savants et artistes de son temps. Il mourut à l'âge de cinquante-sept ans, et fut enterré avec pompe dans le cimetière de Saint-Jean. Son tombeau a pour inscription :

QUICQUID ALBERTI DURERI MORTALE FUIT
SUB HOC CONDITUR TUMULO.

La maison d'Albert Dürer se voit encore à Nu*emberg.

Ce qui caractérise particulièrement ce grand rtiste, c'est un soin et une habileté extrêmes lans tout ce qui tient aux choses mécaniques et in remarquable talent de rendre un sujet conormément à la nature. Il donna à l'art allemand ne nouvelle direction, en mêlant au style simle de l'école de Van Eyck (Jean de Bruges), à aquelle appartenait son maître Wohlgemuth, ne expression plus vive, mais parfois exagéée et un peu commune, dont son école se resentit, les élèves exagérant toujours les défauts u maître. Pour la gravure, où tout d'abord il urpassa ses devanciers, non-seulement il se ervit du burin, mais le premier il fit usage de 'eau-forte et de la pointe. La hardiesse de son urin et sa délicatesse avancèrent l'art de graer. Parmi ses meilleures gravures on cite: Juda t Thamar; Les quatre Femmes nues; 1497 a Fortune; La Mélancolie; Adam et Eve 'ans le Paradis; La Mort, et Le Diable chealier; 1513;-La Modération; Saint Hubert; aint Jérôme; 1514;-La Petite Passion, en 16 lanches; Saint Eustache; 1513;- Le Chevalier e la Mort: c'est peut-être l'œuvre qui dénote emieux le génie fantastique de l'Allemagne ; — Le oueur de Cornemuse. Parmi les gravures sur ois qui lui sont attribuées, les plus remarquables ont: La Grande Passion; Nuremberg, 1511, 1-fol,; L'Apocalypse; Le Martyre de saint ean l'évangéliste; Le Jugement de Paris; Un tomme et une Femme qui s'embrassent au ied d'un arbre; L'Arc de triomphe de l'emereur Maximilien, 1515; et le Char triomphal e Maximilien; 1522; immenses sujets, compoés d'un grand nombre de planches en bois, desinés avec hardiesse et énergie; La Vie de Marie: elle se distingue des autres œuvres de Dürer par le sentiment et la grâce. C'est entre les nnées 1507 et 1513 qu'il exécuta la nombreuse érie de ses charmantes gravures sur cuivre. Une érie de planches nous représente pour la troiième fois la Passion de Jésus-Christ. La plus grande partie de ces gravures fut exécutée en 512. Elles réunissent à la naïveté et souvent à élévation du style une finesse de burin qui st l'un des caractères principaux du talent si arié de ce grand artiste. Il grava aussi un grand ombre d'armoiries, parmi lesquelles les siennes ropres (1). Cependant, Bartsch a presque réussi (1) Un jour, dit M. Jules Janin, que Dürer dessinait juelques figures sur la muraille du palais de Maximilien, elui-ci ordonna à l'un de ses gentilshommes de tenir echelle sur laquelle se tenait le grand peintre, et qui

à accréditer l'opinion que Dürer ne gravait pas lui-même sur le bois : il n'aurait fait que les dessins sur des tablettes en bois, que taillaient ensuite les graveurs ou imagiers, et il en existait alors de fort habiles. En 1515 il orna de beaux dessins toutes les pages du magnifique livre d'Heures que l'empereur Maximilien fit exécuter à Augsbourg par son imprimeur Schonsperger. Cet exemplaire, malheureusement incomplet, est à Munich.

Mais ce fut comme peintre de portraits que Dürer brilla avec plus d'éclat, par la ressemblance frappante qu'il savait donner à ses personnages et par son talent de représenter toutes les passions et émotions de l'âme. Au nombre des personnages dont il reproduisit les traits se trouvent Érasme, Mélanchthon, Albert, électeur de Mayence, Pirckeimer, l'empereur Maximilien. Il ne réussit pas moins dans le paysage. Les dernières peintures importantes exécutées par Dürer sont deux tableaux, datés de 1526, représentant les apôtres Jean, Pierre, Marc et Paul. Il les destinait pour l'hôtel de ville de sa patrie, afin d'y entretenir le souvenir de son talent et contribuer à l'ornement de l'église. Ils sont exécutés de grandeur naturelle et avec autant de perfection que de vigueur : Colmar conserve plusieurs tableaux de ce grand maître, et nous en avons un, que personne ne va visiter, dans l'église de Saint-Gervais à Paris. Dürer, à qui tous les arts étaient familiers, inventa un procédé pour imprimer en deux couleurs les gravures sur bois, et le carreau à copier. Il se distingua aussi comme mathématicien et comme écrivain d'architecture, et publia sur ces matières les ouvrages suivants; Unterweisung der Messung mit dem Zirkel und Richtscheyt in Linien Ebenen und ganzen Koerpern (Démonstration sur la manière de mesurer avec le compas et l'équerre les lignes, l'espace et les corps); Nuremberg, 1525, in-fol., et Paris, 1535; Unterricht zur Befestigung der Stett, Schlosse und Flecken (Instruction sur la manière de fortifier les villes, les châteaux et les bourgs); Nuremberg, 1527, avec dix-neuf gravures sur bois, dues sans doute à Albert Dürer lui-même; Hierinnen sind begriffen vier Bücher von menschlicher Proportion (Quatre livres sur la proportion humaine); Nuremberg, 1528: œuvre posthume. Cet artiste allemand, vraiment national, fut en même temps un homme pieux. Comme écrivain, il s'efforça d'ennoblir et de châtier la langue allemande, tâche dans laquelle il fut assisté par son ami Willibald Pirckeimer. Voici comvacillait quelque peu. A cet ordre, le gentilhomme hésite, et, se retirant en arrière, il fit signe à l'un de ses domestiques de tenir l'échelle. Ce que voyant l'empereur, il tint l'échelle lui-même; puis quand Albert Dürer en fut descendu, il le fit gentilhomme...; il lui donna des armoiries : trois écussons d'argent, dans un quartier bleu...; ajoutant qu'il pouvait faire tant de gentilhommes qu'il voudrait, mais que, dans tout son pouvoir, il ne ferait jamais un peintre comme Atbert Dürer. » - La même anecdote est racontée pour d'autres peintres,

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