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jeune reine Marie, qui seule, dit-on, ne fut pas iolée, fut enfermée au château de Brupa. Quelue temps après, elle vengea la mort de sa mère, t fit périr Horwath et ses complices dans les lus cruelles tortures. A. DE L.

Jo. Lucius, De Regno Dalmatiæ et Croatia, lib. V, p. II. — Istuanf, Historia Rerum Hungaricurum, III, Joh. de Thwrocz, Historia Caroli Parvi, cap. III, 74 à 214. Joh. de Kikullew, Chronic. Hungaror., I, ip. LV. — Bonfinius, Ungarische Chronic.

ÉLISABETH de Pologne, reine de Hongrie de Transylvanie, née en 1518, morte le 20 sepmbre 1558. Elle était fille de Sigismond Ier, ɔi de Pologne, et de Bonne Sforce. Elle épousa, a 1539, Jean Zapolski, voïvode de Transylvanie troi de Hongrie. Élisabeth accoucha le 10 juillet 540 d'un fils, nommé par les historiens Jeanigismond, quoiqu'il eût reçu au baptême le nom Étienne, et perdit onze jours après son mari. lle était disposée à céder la Hongrie à Ferdiand fer, archiduc d'Autriche; Georges Marnusius, évêque de Waradin et régent du yaume, s'y opposa: il implora les secours du altan Soliman pour résister aux Autrichiens. ean-Sigismond fut couronné sur les fonts de aptême, sous la tutelle de sa mère; mais le 30 illet suivant Soliman ordonna à Élisabeth de e retirer en Transylvanie avec son fils, et s'emara de la majeure partie de la Hongrie. En 551, Élisabeth, se voyant près de succomber ou ous la puissance de la maison d'Autriche ou ous celle du sultan, lassée d'ailleurs des fréquentes altercations que suscitait la fierté inolente de Martinusius, se détermina à échaner avec Ferdinand la Transylvanie pour les rincipautés de Ratibor et d'Oppeln en Silésie. e traité passé, la reine et son fils se retirèrent Cassovie; mais Ferdinand refusa de leur livrer es territoires promis. En 1554 les Transylvains appelèrent Élisabeth, et avec l'aide des Turcs hassèrent Ferdinand et les Autrichiens. Élisabeth mourut à l'âge de quarante ans. Les historiens présentent cette princesse comme un modèle de résignation et de courage.

Istuanf, Historia Rerum Hungaricarum, lib. XIII. Neugebaver, De Rebus Poloniæ, liv. VII.

X. Élisabeth duchesse de Lorraine.

* ÉLISABETH-CHARLOTTE d'Orléans, duchesse de Lorraine et princesse de Commercy, née le 13 septembre 1676, morte à Commercy, le 24 décembre 1744. Elle portait le nom de Mademoiselle de Chartres, et était fille de Philippe, duc d'Orléans, frère de Louis XIV, et de Charlotte-Elisabeth, connue sous le titre de princesse palatine. Le 13 octobre 1698 elle épousa, par procuration, à Fontainebleau, Léopold, duc de Lorraine, dont elle eut treize enfants; l'ainé, François-Étienne, épousa Marie-Thérèse d'Autriche, et devint plus tard empereur d'Allemagne. Élisabeth-Charlotte, devenue veuve le 27 mars 1729, dut se charger de la régence dans des circonstances très-difficiles, et en l'absence de son fils; elle s'en tira avec adresse. En 1736, NOUV. BIOGR. GÉNÉR, -T. XV.

lors de la cession de la Lorraine au roi titulaire de Pologne, Stanislas Leczinski, elle prit le titre de princesse souveraine de Commercy. C'était une femme d'esprit et de résolution. Sa bienfaisance la fit sincèrement regretter de ses sujets.

Chronologie historiqué des Ducs de Lorraine, dans l'Art de vérifier les dates, XIII, 424.

XI. Élisabeth duchesse de Milan.

* ÉLISABETH ou ISABELLE de France, duchesse de Milan, née à Vincennes, en 1348, morte le 11 septembre 1372. Elle était fille de Jean II, dit le Bon, roi de France, et de Bonne de Luxembourg. Elle épousa, en 1360, Jean-Galéas Visconti, prince milanais. Galéas acheta la princesse moyennant six cent mille florins, dont le monarque français avait besoin pour solder sa rançon. Élisabeth apporta en dot le comté de Vertus (Champagne); son mari prit le nom de ce domaine, et le porta jusqu'à la mort de son père, auquel il succéda dans la seigneurie de Milan. Élisabeth mourut à vingt-quatre ans, et fut enterrée dans l'église Saint-François de Pavie. Trunci, Annales. Muratori, Ann., IX, 9. — Corio, Storia Milan. - Le père Anselme, Hist. généalog.

XII. Élisabeth reine de Navarre.

* ÉLISABETH ou ISABELLE de France, reine de Navarre, née le 2 mars 1241, morte à Hières (Provence), le 27 avril 1271. Elle était fille de saint Louis, roi de France, et de Marguerite de Provence. Elle épousa à Melun, en avril 1255, Thibaud II, dit le Jeune, comte de Champagne et roi de Navarre. Cette union fut contractée par les soins du sire de Joinville; mais elle ne fut pas heureuse. En 1270, Thibaud et sa femme suivirent saint Louis en Afrique. Après la mort de ce monarque, ils revinrent en Europe; mais ils emportaient les germes de la contagion qui avait moissonné un si grand nombre de Français. Thibaud II mourut à Trapani (Sicile), le 5 décembre 1270, et Élisabeth succomba trois mois après en débarquant en Provence. Ils n'avaient pas d'enfants.

Joinville, Chronique, 139. Le père Anselme, Hist. généalogique. Sismondi, Hist. des Français, VIII,

8-217.

XIII. Élisabeth gouvernante des Pays-Bas. *ÉLISABETH OU ISABELLE-CLAIRE-EUGÉNIE d'Autriche, infante d'Espagne, duchesse de Brabant et comtesse de Flandre, née en 1566, morte à Bruxelles, le 1er décembre 1633. Elle était fille de Philippe II, roi d'Espagne, et d'Élisabeth de France. Son père, qui l'aimait tendrement, lui transporta, le 8 mai 1598, la souveraineté des Pays-Bas, du comté de Charolais et de la Franche-Comté, et annonça en même temps son mariage avec le cardinal-archiduc Albert VI, qui venait de quitter l'état ecclésiastique. L'infante associa aussitôt son futur époux au gouvernement des Pays-Bas. Mais Philippe réserva aux rois d'Espagne la suzeraineté de ces provinces. Le mariage de l'infante Isabelle se consomma à

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Valence, le 18 avril 1599. Le règne de cette princesse ne fut qu'un long combat contre les Hollandais. Elle montra dans ses actes beaucoup de douceur et de piete, et mourut sans enfants.

Van Meteren, Historia Rerum in Belgio. - Bentivoglo, Della Guerra di Flandra. — Cerisier, Tableau de Thistoire generale des Provinces-Unies, IV, 491. — La Neuville, Histoire de Hollande, 1, 27.

XIV, Élisabeth reine de Pologne. *ÉLISABETH d'Autriche, reine de Pologne, morte à Wilna, en 1545. Elle était fille de Ferdinand Ier, empereur d'Allemagne, et d'Anne Jagellon de Hongrie. Elle épousa, le 21 avril 1543, Sigismond II, dit Auguste, roi désigné de Pologne, et mourut sans postérité.

Chronologie historique des empereurs d'Occident et des Rois de Pologne, dans l'Art de vérifier les dates, VII, 382, et VIII, 120.

XV. Elisabeth reines de Portugal. ÉLISABETH ou IZABEL d'Aragon (Sainte), reine de Portugal, née en 1271, morte à Estremos, le 4 juillet 1336. Elle était fille de Pierre III, roi d'Aragon, et de Constance de Souabe. Elle épousa (à peine âgée de douze ans), en 1282, Denis dit le Libéral, roi de Portugal. Cette princesse fut aussi distinguée par sa beauté que par sa sagesse. Elle sut acquérir un grand crédit sur l'esprit de son époux, et contribua beaucoup à maintenir la bonne intelligence entre les rois d'Aragon, de Castille et de Portugal. Elle obtint, en 1300, la grâce de son beau-frère don Affonso, révolté contre Denis et cerné dans Port-Alègre. En 1317 elle eut aussi à s'entremettre en faveur de son propre fils, l'infant Alfonse, qui avait pris les armes contre son père, et trois fois elle réussit à réconcilier Denis avec ce fils. Après la mort de son mari, arrivée en 1325, Élisabeth prit l'habit de Sainte-Claire, et fonda le monastère des Clarisses de Coïmbre, où elle mourut. Le pape Urbain VIII la canonisa le 25 mai 1625. L'Église l'honore le 8 juillet.

Perpiniani, De Vita et moribus B. Elisabetæ Lusitanæ. Hilarion de Coste, Eloges des Dames illustres. Sponde, Annales, année 1626, no 10. Zurita, Anales de Aragon. Don Jose Barboza, Catalogo das Rainhas de Portugal. - Duarte Nunnez de Léon, Chronicas dos Reis de Portugal. Brandão, Monarchia Lusitana. Vasconcellos, Anucephaleosis. Ferreras, Historia de España, IV, 162. Le Quien, Histoire générale de Portugal, I, 154. — La Clède, Histoire generale de Portugal. Baillet, Vies des Saints, II. - Richard et Giraud, Bibliothèque sacrée. - Prud'homme père, Biographie des Femmes célèbres, II.

* ÉLISABETH OU IZABEL de Portugal, reine de Portugal, morte à Evora, le 2 décembre 1455. Elle était fille de don Pèdre, due de Coïmbre et régent de Portugal. Elle épousa, en 1447, son cousin Alfonse V, dit l'Africain, roi de Portugal. En 1449, elle eut la douleur de voir son père forcé de prendre les armes contre son mari et périr sous les murs de Lisbonne. Elle mourut jeune encore, après une courte maladie; et l'on soupçonna que sa mort avait été hâtée par le poison. On en accuse les ennemis de son père,

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qui craignaient qu'après avoir fait réhabiliter la mémoire de don Pèdre, Élisabeth ne voulût tire vengeance des outrages dont il avait été l'objet. La nation portugaise témoigna l'amour qu'elle portait à cette princesse par un deuil universel et par les malédictions dont elle chargea les auteurs de sa mort. Le roi fut tellement affligé de cette perte, qu'il renonça dès lors à tout commerce avec les femmes. Élisabeth laissa deux enfants, Jean 11, dit le Parfait, qui succéda à son père, et Jeanne, qui se fit religieuse.

La Clède, Histoire générale du Portugal, liv. XII et XIII. Ferreras, Historia de España, VII, 26. - Faria y Sousa, Epitome Historiæ Portug.

XVI. Élisabeth reine de Prusse.

ÉLISABETH CHRISTINE, reine de Prusse; femme du roi Frédéric II, naquit à Brunswick, en 1715, et mourut à Schoenhausen, en 1797. Elle était fille du duc Ferdinand-Albert de Brunswick. Wolfenbüttel. Mariée à Frédéric, qui l'épousa contre son gré et contraint par son père, en 1733, elle vécut séparée de ce prince jusqu'en 1740. Frédéric estimait néanmoins le caractère et les qualités d'Élisabeth-Christine. Il lui donna le château de Schoenhausen pour résidence, et à sa mort il disposa en faveur de cette princesse d'une rente annuelle de 10,000 thalers, qui constituaient son douaire. Frédéric motiva ce legs sur ce que « Élisabeth ne lui avait jamais causé le moindre mécontentement et que son incorruptible vertu était digne d'amour et de considération », Cet éloge n'avait rien d'excessif: la moitié des revenus d'Élisabeth-Christine était employée en bonnes œuvres. Elle s'occupait aussi de littérature, et écrivit en allemand plusieurs ouvrages, qu'elle traduisit en français sous les titres suivants : Méditation à l'occasion du renouvellement de l'année, sur les soins que la Providence a pour les humains, etc.; Ber lin, 1777; -Réflexions pour tous les jours de la semaine, Berlin, même date; - Réflexions sur l'état des affaires publiques en 1778, adressées aux personnes craintives; Berlin, 1778; La sage Révolution; Berlin, 1779. Preuss, Lebensgesch Friedrich's d. Gr. - Paganel, Hist. de Frédéric le Grand.

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XVII. Élisabeth impératrices de Russie. ÉLISABETH PETROWNA, impératrice de Russie, née le 5 septembre 1709, morte le 29 décembre 1761 (9 janvier 1762 du calendrier grégorien). Elle était fille de Pierre Ier, dit le Grand, et de Catherine Ire. Après avoir porté une loi qui autorisait les souverains russes à se choisir un successeur, et après avoir fait taire la voix de la nature devant la politique en immolant le prince Alexis, Pierre Ier légua le trône à sa femme, Catherine Ire. Celle-ci établit dans son testament l'ordre de succession de la manière suivante; le fils du malheureux Alexis, le tsarévitch Pierre, y était désigné pour son héri tier immédiat; après lui devaient régner les deux filles qu'elle avait eues de l'empereur avant son

ariage, Anne, mariée au duc de Holstein, et Éli- | qui y joignait une dévotion pusillanime. De noubeth; puis d'autres princes et princesses étaient ppelés à la couronne. Mais les intrigues de la fa-. ille Dolgorouki (voy. ce nom) en décidèrent utrement. Après la mort de Pierre II (1730), le ône passa à la fille du frère aîné de Pierre le Grand, Anne (voy. ce nom), duchesse de Courande. Celle-ci choisit pour son héritier Ivan, fils le sa nièce, Anne, mariée à Antoine Ulrich, duc e Brunswick. Cet enfant n'ayant que quelques nois à la mort de sa grand'-tante (1740), la régence de l'empire fut confiée, en vertu des lernières volontés de l'impératrice Anne, à son avori Biren (voy. ce nom), habitué pendant son ègne à tenir les rênes du gouvernement. Mais bienôt la mère d'Ivan médita de secouer le joug de Biren et de se faire proclamer régente et même sarine. La présence d'Élisabeth la gênait. Cette dernière était d'autant plus chere aux Russes que ses habitudes nonchalantes et voluptueuses la portaient à préférer les anciennes coutumes de son pays à l'austérité que Pierre le Grand y avait voulu introduire. Répétant souvent que l'amour était pour elle le bien suprême, elle s'était déjà refusée à plusieurs alliances conseillées par la politique, Sous Pierre Ier, il avait été question d'un mariage avec Louis XV; elle fut ensuite fiancée à Charles-Auguste, duc de Sleswick et Holstein, qui mourut avant l'accomplissement du mariage. Sous Pierre II, elle fut recherchée par le margrave d'Anspach, en 1741 par le roi de Perse Kouli-Khan; enfin, la régente lui fit proposer un mariage avec le duc de Brunswick, son beau-frère, et sur son refus, lui fit insinuer de prendre le voile. Ainsi avertie qu'on voulait se défaire d'elle, Élisabeth prêta l'oreille aux suggestions de ses nombreux adorateurs. Le plus favorisé d'entre eux, à cette époque (1741), était Lestocq (voy. ce nom), son chirurgien, né en Hanovre, mais d'origine française. Lestocq s'occupa à lui former un parti qui pût la servir à tout événement et au besoin faire valoir ses droits à la couronne. Il fut secondé par le marquis de La Chétardie, ambassadeur de France. Le cabinet de Versailles, dans le but d'enlever à Marie-Thérèse un appui éventuel, avait enjoint à son envoyé de ne laisser échapper aucune occasion de susciter des embarras à la Russie; aussi alla-t-il jusqu'à fournir à la princesse Élisabeth l'argent nécessaire à toute intrigue de ce genre, et l'engagea-t-il dans une correspondance secrète avec la Suède, tendant à amener la guerre dans sa patrie, guerre qui selon lui devait protéger ses desseins. Cependant les fréquentes entrevues du médecin de la tsarine avec La Chétardie attirèrent l'attention. On ne remarquait pas moins les prévenances d'Élisabeth pour les officiers de tous grades, même pour les soldats. Mais Élisabeth avait trente ans, et paraissait n'avoir que les préoccupations de son åge et de son sexe. La régente, avertie de toutes parts, se reposait sur cette légèreté de sa parente,

veaux.avertissements troublèrent enfin cette confiance. Le 4 décembre 1741 la mère de l'empereur fit mander la princesse auprès d'elle, lui apprit tout ce dont elle était instruite; et pour mieux la contraindre à un aveu sincère, elle lui déclara que Lestocq allait être arrêté, et qu'ainsi la vérité serait bientôt connue. Élisabeth fondit en larmes; elle protesta de son innocence, et parut satisfaite d'une arrestation qui devait mettre sa conduite hors de toute atteinte. La régente pleura aussi d'avoir pu un instant ajouter foi à d'indignes rapports, en demanda pardon à sa cousine, et s'endormit dans la sécurité, tandis que Lestocq, instruit de tout, courait chez la princesse pour la presser d'agir. Élisabeth hésite encore; elle veut différer jusqu'au 6 janvier 1742, jour de la bénédiction des eaux, cérémonie pompeu¬ sement célébrée en Russie,et dont la célébration lui paraissait favorable à ses projets, On n'était encore qu'au 5 décembre, et la régente attendait le 18, jour anniversaire de sa naissance, pour se faire proclamer impératrice; les régiments sur lesquels Élisabeth comptait le plus avaient déjà reçu l'ordre de joindre l'armée de Wybourg, Tout rendait le moment décisif : la princesse passa la nuit dans la plus grande agitation. Le lendemain matin, Lestocq lui fit remettre une carte sur laquelle il avait dessiné d'un côté une femme assise sur un trône de fleurs, et de l'autre la roue, les tortures et un malheureux livré aux horreurs des plus grands supplices. « L'un pour vous aujourd'hui, lisait-on au bas, ou l'autre demain pour moi! » Dès lors tout fut décidé et arrêté pour le soir même. Élisabeth passa la journée en prières; elle promit à Dieu, en cas de réussite, de transmettre la couronne à son neveu, fils de sa sœur aînée, et par conséquent le plus direct héritier du trône de Pierre Ier; elle fit vœu de ne jamais signer un décret de mort et de conserver intact l'empire de son père. Malgré toutes ces résolutions, elle ne trouvait pas assez de courage pour commencer son œuvre. Le serment de fidélité qu'elle avait prêté au jeune Ivan était toujours présent à sa pensée. En entrant à minuit chez elle, Lestocq la trouva à moitié déshabillée, prête à se mettre au lit et à renoncer à tout. Il lui jeta un manteau d'hermine sur les épaules, et accompagné de Vorontsof, le seul Russe de distinction qui voulut prendre une part active à cette révolution, il l'entraina à la caserne du régiment de Préobrajenski. Élisabeth s'y présenta dans cet attrayant désordre; elle harangue la troupe.... A son grand étonnement elle voit de l'hésitation.... Elle croit qu'il faut des promesses, et s'engage, en manière de récompense, à livrer les étrangers qui depuis Pierre le Grand étaient en possession des places les plus éminentes et les plus lucratives et s'étaient par là rendus odieux aux Russes. Une seule compagnie se joint à elle : ce sont de vieux soldats de Pierre le Grand; ils offrent

à la fille le culte qu'ils ont voué au père; mais leur nombre est peu rassurant. Cependant te grand pas est fait; il n'y a plus à reculer. Élisabeth reçoit leur serment, et à la tête de cette poignée de conjurés, se rend au palais impérial. Elle fait crever la caisse du tambour qui veut battre l'alarme, envoie une partie des siens s'emparer de la régente, du duc son mari et d'autres personnages importants, qui tous furent surpris dans leur lit et faits prisonniers, et se rend avec les autres dans la chambre du petit Ivan. Effrayé d'abord dans son berceau par le bruit des armes, cet empereur de quinze mois, habitué à se voir baiser la main à son réveil, la tend à Élisabeth avec la grâce de son âge. Celleci avait saisi l'enfant dans ses bras pour le remettre aux soldats impatients; mais, désarmée par ce sourire de l'innocence, elle le confie à la nourrice, et donne ordre de le protéger. C'est ainsi que, le 6 décembre 1741, commença le règne d'Élisabeth, surnommée dès lors la Clémente. Cette clémence fut trop incomplète. Après avoir promis de renvoyer en Allemagne les prisonniers, la nouvelle impératrice les fit arrêter à Riga. Traînés ensuite de prison en prison, le duc et la duchesse de Brunswick, d'abord réunis, puis séparés de leur fils, moururent sans avoir vu luire le jour de la délivrance, non plus qu'Ivan, qui eut le malheur de survivre à sa mère.

Élisabeth annula tout ce qui avait été fait pendant la régence, et s'occupa de rétablir les institutions de son père; elle rendit au sénat son ancienne autorité, et c'est par une commission composée de sénateurs qu'elle fit juger les nombreux étrangers de distinction, tels que les Ostermann, Munnich, Lowenwolde, etc., dont la soldatesque qui l'avait élevée au trône demandait les dépouilles. Tous furent condamnés, les uns à être écartelés, d'autres à la roue ou au knout indéfini; mais Élisabeth commua ces peines en une détention perpétuelle. Conduits au fond de la Sibérie, ces malheureux eurent à endurer tout ce qu'une haine longtemps comprimée put inventer de tourments, sans pouvoir s'y soustraire en mettant un terme à cette vie de tortures, don funeste de la souveraine, qui, par un oukase, l'avait rendue sacrée, et qu'on surveillaït soigneusement. C'est ainsi que la tsarine gâtait ce que les bons mouvements de son cœur lui avaient dicté; et son règne paraît souvent livré aux deux génies du bien et du mal. Elle abolit tout à fait la peine de mort; mais si les échafauds n'étaient plus teints de sang, jamais autant de pleurs n'avaient arrosé les cachots; jamais l'inquisition d'État, appelée la chancellerie secrète, n'avait déployé une activité aussi terrible. Quoique aimant la paix, Élisabeth amena dans son pays deux guerres tout à fait inutiles et provoquées sans aucun motif plausible. Elle se reprocha celle qu'elle eut à soutenir contre les Suédois, au commencement de son règne; et pour la faire cesser, elle leur

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fit offrir des indemnités en argent. La Suède tenait à ravoir la Finlande et Wybourg. L'impéra trice déclara qu'elle n'abandonnerait pas un pouce de terrain des conquêtes de son père, et les hostilités continuèrent. Cette campagne, conduite par le maréchal Lascy, fut glorieuse pour la Russie; elle finit à son avantage, en 1743(7 août), par la paix d'Abo.

La guerre durait encore lorsque se forma à la cour même une conspiration, dont le but était le rétablissement d'Ivan. C'est le marquis de Botta, envoyé de la reine de Hongrie à Berlin, et auparavant ministre de cette princesse à Pétersbourg, qui en avait conçu la première idée et en dirigeait de loin les ressorts cachés. Plusieurs femmes, parentes ou amies de personnages exilés au commencement de ce règne, étaient du nombre des conjurés; aussi jamais conspiration ne fut conduite avec plus d'imprudence. Bientôt découverts, les coupables furent condamnés au knout, eurent la langue coupée et furent ensuite conduits en Sibérie. La vanité féminine ne fut pas étrangère, dit-on, à cette vengeance si terrible, et la plus belle d'entre les conjurées, la séduisante Lapoukhine, fut la plus maltraitée. Son crime fut moins, à ce qu'il paraît, la part qu'elle avait prise à la conjuration que la liberté avec laquelle elle s'était exprimée au sujet des mœurs de l'impératrice.

Élisabeth appela bientôt auprès d'elle son ne veu, le jeune duc de Holstein, connu depuis sous le nom de Pierre III. Elle lui fit embrasser le rit grec, le proclama grand-duc, son héritier présomptif, et refusa en son nom la couronne de Suède, qui venait de lui être offerte. L'année suivante (1744), elle fit venir la princesse d'Anhalt-Zerbst, qu'elle lui donna pour femme. La fiancée du grand duc, en entrant dans la religion grecque, changea ses prénoms de Sophie-Auguste en celui de Catherine Alexievna (voy. ce nom); ce fut elle que Voltaire appela depuis Catherine le Grand.

Élisabeth se crut si consciencieusement engagée envers Pierre, qu'elle tint soigneusement caché un mariage qu'elle contracta à peu près à cette époque avec Razoumofski (voy. ce nom), simple cosaque et musicien de sa chapelle, dont la voix et la beauté l'avaient charmée. Par une de ces contradictions qui distinguent ce règne, pendant que le mariage de l'impératrice était un secret, elle avait une foule d'amants déclarés. A Lestocq, qui finit par être exilé, et à plusieurs autres, succéda un de ses pages, Ivan Chouvalof (voy. ce nom), qui abandonna à Pierre Chouvalof, son parent, les usufruits de ses faveurs. Bientôt l'influence de Pierre Chouvalof devint immense; ses vexations furent sans exemple, son luxe sans pareil. Lui et Bestoujef (voy. ce nom), premier ministre, se saisirent d'un pouvoir dont l'indolence d'Élisabeth semblait trouver le joug trop pesant. Leur influence fut si désastreuse que, malgré le culte d'Elisabeth pour son père

et pour tout ce qu'il avait fait, beaucoup d'historiens envisagent le règne de cette princesse comme une vraie contre-révolution opérée en opposition au système civilisateur de Pierre. Élisabeth était Russe dans l'âme; mais quoique son luxe oriental, sa dévotion outrée, ses galanteries l'aient portée, sans qu'elle s'en soit doutée, à la protection des anciennes mœurs, et que ces mœurs, en reprenant leur empire, aient miné l'œuvre de son père, il faut reconnaître qu'elle protégea les arts et les belles-lettres. Peu instruite, mais pourtant plus soigneusement élevée que ne l'avaient été jusque alors les princesses de Russie, malgré sa difficulté à écrire, elle se mit en correspondance avec Voltaire, et lui fournit les matériaux pour l'histoire de son père. Moscou lui doit son université et Pétersbourg son Académie des Beaux-Arts. Son favori Ivan Chouvalof encouragea les jeunes❘ talents; et c'est sous le règne d'Élisabeth que parurent les premières compositions russes de quelque mérite. Malgré sa répugnance pour les soins de la politique, l'alliance de son empire fut recherchée en Europe; son influence en Pologne se maintint, et s'y fortifia même. Elle disposa à son gré du duché de Courlande, qui dès lors devint comme une annexe de la Russie. Sa piété la servit aussi. Le synode mit une sorte d'enthousiasme à reconnaître en elle le chef suprême de la religion. Cependant, une pénible pensée préoccupait Élisabeth. On était en 1754; dix ans s'étaient écoulés depuis le mariage de l'héritier du trône, et ce mariage restait stérile. La grande-duchesse, jeune et belle, désolait sa tante par sa fidélité conjugale. Élisabeth ne vit plus d'autre moyen que de lui manifester clairement ses inquiétudes pour l'avenir de l'empire. Bestoujef fut chargé de cette mission délicate. Peu de temps après l'on ne s'entretint à la cour que de l'intimité du chambellan Soltikof avec la grande-duchesse, dont la grossesse fut officiellement annoncée. Soltikof fut aussitôt éloigné; mais le tsarévitch ne pardonna pas à Élisabeth cette turpitude politique, et il songea à se venger. N'ignorant pas qu'elle avait gardé rancune contre le roi de Prusse de la conjuration de Botta, tramée dans Berlin même, il se déclara plus que jamais admirateur de Frédéric le Grand, et se lia secrètement avec lui, pendant que Bestoujef, vendu à l'Angleterre, et Pierre Chouvalof, passionné pour la guerre, et soutenant que c'était un état naturel de la Russie, faisaient tous leurs efforts pour déterminer leur souveraine à rompre avec la Prusse. La tsarine résista: l'horreur de répandre le sang de ses sujets la retenait. Bestoujef lui persuada qu'il suffirait de faire avancer ses armées, que Chouvalof avait mises sur un pied formidable, pour imposer à Frédéric; que cette démonstration hostile contribuerait à hâter la pacification générale. Enfin, pour porter le coup décisif, il lui raconta les railleries que le roi de Prusse se permettait, disait-il, sur sa personne.

Alors la guerre fut résolue. Les lettres du roi de France pour détourner Élisabeth de ce dessein restèrent sans réponse; La Chétardie s'appuya vainement sur d'anciens services, il fut expulsé sous escorte hors des frontières. Les troupes russes entrèrent en Livonie. Dans l'intervalle, les intérêts coloniaux de la France et de l'Angleterre mettaient l'Europe en feu; tout le précédent système des alliances se trouvait bouleversé, tous les rapports de la politique étaient changés. La Prusse s'unit à la Grande-Bretagne. L'intrigue de Bestoujef devint inutile. Le ministre russe se montra aussi opposé à la guerre qu'il s'était montré ardent à la provoquer; mais la tsarine n'écouta plus que sa haine contre Frédéric II. Bestoujef fut exilé. Vorontsof, son successeur, parut jaloux de voir sa patrie jouer un rôle dans cette grande mêlée des nations européennes.

La Russie prit ainsi part à la guerre de Sept Ans; son armée y cueillit quelques lauriers. Si elle ne sut pas toujours vaincre, elle sut toujours résister, d'abord sous le commandement du maréchal Apraxine, puis sous Fermer, Soltikof, Tottleben et Boutourline, qui se succédèrent d'année en année depuis 1756 jusqu'en 1761. Les succès variés qu'ils obtenaient, sans apporter aucun avantage réel, faisaient verser beaucoup de sang. Aussi l'impératrice n'opposait à l'adulation des courtisans sur la prétendue gloire de ses armes, que des expressions d'humanité. Elle pleurait à chaque récit de quelque succès, et en signant de nouveaux ordres pour continuer les hostilités elle pleurait encore. Cette guerre traînait en lon- . gueur. Les généraux, voyant la santé de la tsarine décliner sensiblement, n'osaient plus tirer parti de leurs avantages, de peur de déplaire à celui qui allait bientôt la remplacer. La mort de l'impératrice mit enfin un terme à la guerre, et tout changea de face.

Élisabeth régna vingt ans. Des vieillards blanchis dans les cachots et des jeunes gens qui, après sa mort, voyaient la lumière pour la première fois de leur vie, commencée sous les verroux, protestèrent contre le surnom de Clémente qu'on lui avait donné. Elle fut cependant, assuret-on, douce et humaine. Dévote et superstitieuse à l'excès, il lui arriva de refuser la signature d'un traité parce qu'une guêpe qu'elle croyait de mauvais augure s'était posée sur sa plume. Sa manière de vivre était bizarre. Depuis la nuit où elle détrôna Ivan, les ténèbres lui inspiraient une si grande terreur, qu'elle ne pouvait dormir que le jour. Ainsi sa journée se trouvait presque entièrement prise par son sommeil et sa toilette, qu'elle aimait outre mesure. Son règne ne fut cependant pas sans gloire pour la Russie. [Mme L. DE RAUTENSTRAUCH-GIEDROYG, dans l'Encycl. des Gens du M.]

Leclerc, Histoire de la Russie moderne. — Chappe d'Auteroche, Voyage en Sibérie. - Manstein, Mémoires. - Esneaux et Chennechot, Hist. phil. et pol. de Russie. - Coxe, Travels in Russia.

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