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La Tribune Artistique du 1" mars 1867, et dans une réunion de la Société de Statistique, le 13 avril 1867, a été, en 1869, soutenue par le savant conservateur du Cabinet de France (Rev. des S. S., 1869, X, 119) et adoptée depuis par la plupart des numismatistes.

III.

Je ne puis développer ici tous les arguments qui s'opposent à ce qu'on attribue à Marseille le monnayage du trésor d'Auriol; mais je signalerai le plus probant, qui est le nombre considérable de types différents que l'on y trouve : il y en a près de 50.

Le plus curieux et le plus significatif au point de vue de l'origine, est le phoque. C'est un phoque parlant, qui nous rappelle clairement sa patrie: Phocée.

Les autres types du trésor sont la hure, les têtes de lion, de léopard, de veau, de bélier, de griffon, de chien, d'aigle, de mouette, de marsouin; les protomes de lion, de griffon, de sanglier, d'hippocampe, le sanglier marin, la pintade, la sèche, l'œil, le casque, le diota, l'aiguière, diverses têtes divines de face et de profil, entre autres celles de Mars, d'Hercule, de Diane, de Bacchus indien, de Minerve, etc., et enfin la tête de Typhon. Je nomme tête de Typhon ce qu'on est convenu d'appeler masque ou tête de Gorgone; car je vois dans cette image trop de naturel pour un masque et je n'y remarque aucun trait féminin, tandis qu'à ses cheveux souvent hérissés et à ses joues pleines, à son rictus causé par l'essoufflement et à sa langue tirée par la soif et pendante, je reconnais l'image du vent du désert, du Typhon égyptien, si redoutable aux marins d'Abydos, de Neapolis, de Camarina, de Populonia et à ceux qui avoisinaient Priène et Coronée.

Parmi ces types, il en est de si barbares, si archaïques, tels que le cheval marin et les têtes de lion et de sanglier de quelques pentoboles, qu'on ne peut y méconnaître les incunables de l'art et de la fabrique monétaires, et si on y compare les têtes de lion et de sanglier des oboles, et d'autres aussi belles, on est vraiment surpris de la différence, non pas de fabrique, mais d'art, de style, qui les sépare. Celles-ci sont remarquables de dessin et de modelé, et il en est de même de plusieurs têtes divines et surtout de celle de Minerve. On croirait avoir sous les yeux des produits du siècle suivant, auxquels on aurait conservé la vieille estampille de l'aire creuse, comme on le fit pour les cyzicènes et les dariques, si l'œil de face qui accompagne tous les profils auriolais ne dénotait une haute antiquité. Du reste, au milieu du sixième siècle, d'où je crois pouvoir dater la majeure partie du trésor d'Auriol, il existait des graveurs et des ciseleurs très habiles qui ont fait la réputation artistique de Samos et qui unissaient dans leurs œuvres le sentiment et la correction, la simplicité et l'élégance. Le siècle de Périclès fut l'épanouissement de celui de Polycrate.

Le grand nombre de types différents que l'on compte dans le trésor d'Auriol s'oppose absolument à ce qu'on en attribue le monnayage à un seul atelier. Il y a là le produit de plusieurs officines ou du moins les monnaies de plusieurs villes; car, de même qu'on fabrique aujourd'hui, pour l'étranger, à Paris et à Londres, on frappait alors dans certains centres privilégiés les monnaies de diverses villes. C'est l'identité du carré creux de deux monotypes différents ayant fait partie du trésor d'Auriol, qui prouve le fait énoncé. Je ne dis pas qu'il fût usuel, à cette date surtout (Cf. F. Lenormant. La Monnaie dans l'antiquité, t. II, III, § 3), je le constate simplement. Je constate de même la similitude de poids de presque toutes les

variétés de types composant la trouvaille: il est de 55 à 58 centigrammes pour l'obole. Il ressort de cette uniformité que, frappées ou non dans le même atelier, les monnaies du trésor appartenaient presque toutes au même système pondéral. Un tel résultat n'était pas l'effet du hasard; il n'a pu être atteint que par suite d'une convention, assurant aux villes qui l'avaient conclue le libre cours de leurs espèces monétaires dans l'étendue des pays associés, à la condition d'un poids et d'un métal uniformes.

IV.

La majeure partie du trésor était formée d'oboles du poids de 55 à 58 centigrammes et, par conséquent, d'une valeur intrinsèque de 11 à 12 centimes. A côté de ces oboles, il y avait des multiples valant 1 1/2, 2, et 5 fois plus (ceux-ci en très petit nombre), et des divisions dont les plus petites, du format d'une lentille, ont un poids de 13 à 15 centigrammes et une valeur intrinsèque d'environ 3 centimes. Je possède deux pièces de ce format dont l'une représente une tête de mouette fort reconnaissable au renflement de la mandibule inférieure, et l'autre une sorte d'amphore, une lagène, parfaite de proportion et de galbe. Pour qu'on ait mis tant d'art et de soin dans la confection de monnaies aussi microscopiques, il fallait qu'elles eussent une valeur relativement considérable, sinon aux lieux de fabrique, du moins à ceux de destination, en supposant ces espèces spécialement fabriquées pour l'étranger. Du reste, peu avant le milieu du sixième siècle, un bœuf valait à Athènes environ 5 drachmes; une brebis, drachme; et un hectolitre de blé, 2 drachmes (4 fr. 58 c, 0 fr. 92 c., et 1 fr. 84 c. d'après Boeckh). On peut donc admettre qu'à une date qui n'est guère moins ancienne, les prix des objets furent encore moins élevés

dans les colonies lointaines et particulièrement dans celle où s'établirent les Phocéens.

V.

L'un des types les plus étranges de la trouvaille d'Auriol est celui que l'on nomme la tête de nègre.

Hérodote ne distinguait que deux sortes d'éthiopiens on nègres ceux d'Asie aux cheveux lisses et ceux d'Afrique aux cheveux crépus. La tête de nègre auriolaise est africaine, car les cheveux en sont crépus, la mâchoire prognathe et les lèvres épaisses et retournées en dehors, mais le nez saillant et un peu aquilin la sépare du type du vrai nègre. En voici la représentation d'après un grossissement photographique :

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Le marquis de Lagoy a possédé deux variétés de ce type. Je ne sais pourquoi cet esprit judicieux y a vu l'image de la Diane marseillaise (Rev. num. 1557, pl. X). Peut-être n'a-t-il pas osé y reconnaître une tête de nègre. Cependant Mionnet avait décrit un type semblable à la légende delphienne (Suppl. IX. pl. 238, 76). M. de Bosset avait, en outre, publié (Londres, 1815) deux exemplaires de cette tête trouvés à Delphes, que le type du revers lui avait fait, avec raison, attribuer à cette ville,et, depuis cinq ans, la Bibliothèque nationale (Chabouillet. Revue des S. S, 1869, X,123)

possédait diverses variétés de la tête de nègre dont la légende indiquait l'origine lesbienne. Ce type remarquable ne revoyait donc pas le jour pour la première fois lorsqu'il fut exhumé à Auriol, et ce n'est donc pas d'aujourd'hui que, devant ce type, on se demande quelle en est la signification, et pourquoi les Grecs de Delphes et de Lesbos ont accordé à une tête de nègre l'honneur de décorer leurs monnaies. Je n'ai pas la prétention de résoudre une question si obscure et difficile, mais je suis porté à croire que ce type est une des formes sous lesquelles était adoré le dieu grec du soleil.

Pour peu qu'on se soit occupé de numismatique marseillaise, on doit admettre que, si l'Apollon des oboles marseillaises avait été représenté sous les traits d'un nègre, on ne l'aurait pas figuré autrement que nous le montrent les oboles de Lesbos et de Delphes et celles de la trouvaille d'Auriol. Sur les unes et les autres, la tête est absolument nue et la figure juvénile. D'un autre côté, s'il fut un temple où se donnaient rendez-vous de tous les coins du monde les adorateurs d'Apollon, et où les statues de ce dieu devaient porter l'empreinte des races humaines les plus diverses, c'est incontestablement le temple de Delphes. Marseille avait elle-même fourni son contingent à cette vaste collection. Pausanias ne mentionne, il est vrai, aucune effigie aux traits du nègre, dans son énumération des richesses du temple; mais cet auteur écrivait à une époque relativement récente, où, par l'effet d'incendies répétés et de dévastations successives, le temple avait perdu la plus grande partie de ses statues et surtout des plus anciennes. Ce que je dis de Delphes s'applique, en de moindres proportions, aux pays où le culte d'Apollon, sans avoir le caractère de l'universalité delphienne, jouissait d'une faveur toute particulière; telle était l'île de Lesbos, et tel est le motif pour lequel je

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