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du Tribunal cantonal du 15 août 1888. Il estime que cette décision viole un droit garanti par la législation fédérale, et qu'elle implique un déni de justice : le requérant a prouvé son indigence, et en présence des déclarations de pauvreté qu'il a produites, le bénéfice du pauvre devait lui être accordé dans toute son étendue.

Dans sa réponse, le Tribunal cantonal fait remarquer qu'il a accordé à König le bénéfice du pauvre dans la mesure de son indigence; en tenant compte des circonstances que le recourant est appareilleur et gagne 6 fr. par jour, qu'il n'a qu'un seul enfant et qu'il ne réclame que 162 fr. à son patron, le Tribunal cantonal lui a accordé un bénéfice du pauvre partiel; estimant que König pouvait faire l'avance, peu considérable, des frais, il l'a dispensé de l'emploi du papier timbré et de la moitié des émoluments à payer. De nombreuses décisions semblables ont été prises déjà par le Tribunal cantonal, qui s'est toujours réservé, en accordant le bénéfice du pauvre, d'apprécier les circonstances, et de le restreindre, s'il trouve que le plaideur est en état de faire l'avance d'une partie des frais, dont il pourra, d'ailleurs, se récupérer si son action est fondée.

Arrêt. La loi vaudoise du 19 novembre 1887, qui a intercalé au Livre I, titre I, chapitre IX du Code de procédure civile l'art. 83 bis précité, a été promulguée, ainsi que son contenu le démontre à l'évidence, en exécution de l'art. 6 de la loi fédérale du 26 avril 1887 sur l'extension de la responsabilité civile, statuant que « les cantons <devront, par voie de dispositions législatives ou de règlements: < 1o assurer, sur leur demande, aux personnes indigentes qui ouvri <ront une action en vertu de la présente loi ou de celles du 1er juil< let 1875 et du 25 juin 1881, pour autant que cette action ne paraî<< tra pas déjà mal fondée à premier examen, le bénéfice de << l'assistance judiciaire gratuite, ainsi que la remise de tous cau<<tionnements, frais d'expertise, émoluments de justice et taxes de << timbre; 2o pourvoir à ce que ces procès se jugent aussi rapidement <que possible. >

Il est, dès lors, incontestable que l'art. 83 bis ne peut, ni ne veut édicter autre chose que ce que l'art. 6 précité de la loi fédérale prescrit.

Or il a échappé au Tribunal cantonal que le prédit art. 6 et, par conséquent, aussi l'art. 83 bis de la procédure civile vaudoise, ne prévoient point la concession seulement partielle du bénéfice du pauvre, mais qu'ils déterminent d'une manière fixe les conséquences

de cette concession. Dans le cas d'indigence constaté par le Tribunal compétent, le bénéfice de cette disposition se déploie comme une conséquence légale; il est, dès lors, inadmissible que dans ce cas, il soit fait aussi application de l'art. 82 du C. p. c. vaudois, et de n'attribuer à la partie, si elle est reconnue et tenue pour indigente, qu'une fraction seulement des droits que la loi lui confère. En méconnaissant ce qui précède, la décision attaquée implique un déni de justice; elle ne saurait donc subsister, et il y a lieu de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision.

P. c. m., la décision en date du 14 août 1888 est déclarée nulle et de nul effet, et la cause est renvoyée au Tribunal cantonal, afin qu'il statue à nouveau.

COUR DE JUSTICE CIVILE.

AUDIENCE DU 16 AVRIL 1888.

Présidence de M. BARD.

1o Dette opposée en compensation; demande d'intérêts; art. 138 C. O.; refus; 2o bail; condition; offre de preuve; art. 1341 C. civ.; inadmissibilité; 3o salaires; exception de compensation; admission; 4o dépens; art. 117 loi genev. sur la procéd. civ.

:

Belli contre Emô et autres.

En fait Par jugement du 21 décembre 1887, la Chambre d'appel du tribunal des prudhommes a condamné Belli à payer à Emô, son ex-employé 1o 196 fr., 35 c. pour salaire au 15 novembre 1887; 2o 450 fr. pour six semaines de salaire au 31 décembre 1887; 3o 600 fr., montant du 20 p. % du bénéfice fait sur les ventes faites du 15 novembre au 31 décembre, soit en tout la somme de 1246 fr., 35 c.

Les hoirs Coursier et la veuve Dreyfuss-Bloch ont pratiqué une saisie-arrêt sur cette somme au préjudice d'Emô; un certain nombre d'autres créanciers de ce dernier sont intervenus dans la saisiearrêt.

Belli a fait, en qualité de tiers saisi, une déclaration conforme aux condamnations prononcées contre lui, le 21 décembre dernier, mais il a formé contre Emô une demande en paiement d'un trimestre de loyer au 1er avril 1888 à raison de 750 fr. l'an, et de 200 fr. de dommages-intérêts, basée sur ce motif qu'Emô avait occupé, sans droit,

une chambre dont Belli s'était réservé la jouissance dans le contrat de location intervenu entre les parties. Emô n'a pas contesté devoir un trimestre de loyer, mais il a méconnu formellement que Belli se fût réservé la jouissance d'une chambre; Belli en a offert la preuve par témoins.

Les saisissants ont conclu à ce que la saisie fût validée, non seulement sur le cinquième de la somme déclarée, mais sur la totalité, Emô n'étant plus employé de Belli.

Par jugement du 14 février 1888, le tribunal civil a condamné Emô à payer à Belli un trimestre de loyer à raison de 700 fr. l'an, et non de 750, soit 175 fr., et a admis la compensation de cette somme dans celle due par Belli à Emô comme part des bénéfices sur les ventes du 15 novembre au 31 décembre 1887; le tribunal a repoussé la demande de Belli en paiement de 200 fr. d'indemnité pour privation de la chambre, ainsi que la preuve offerte; il a repoussé les conclusions des saisissants et intervenants qui tendaient à ce que la saisie fût validée pour la totalité des sommes déclarées, et il l'a fait porter sur la totalité du solde de la part des bénéfices, après déduction du loyer dû à Belli, et sur le cinquième du surplus des sommes déclarées.

Belli, tiers saisi, a interjeté appel dudit jugement, la dame veuve Dreyfuss-Bloch, saisissante, la dame Périnet, Taffi & Cie, la dlle Knauss, Briffod et Forobert-Charny, intervenants, ont interjeté appel incident.

L'appel de Belli porte: 1o sur ce que le loyer lui a été alloué sur le pied de 700 fr. l'an, au lieu de 750, alors que, dans ses conclusions de première instance, Emô avait reconnu que le loyer avait été convenu à 750 fr. l'an; 2o sur ce que le tribunal ne lui a pas alloué les intérêts de ce loyer; 3° sur le fait que le tribunal ne lui a pas alloué les dommages-intérêts qu'il réclamait, et a repoussé la preuve offerte; 40 sur ce que la compensation n'a été admise qu'entre la part des bénéfices, et non le salaire, d'une part, et le loyer, d'autre part; 5o enfin, sur les dépens.

L'appel de la dame Dreyfuss-Bloch porte sur le fait que ses dépens n'ont pas été passés par privilège.

L'appel de dame Périnet, Taffi & Cie, dlle Knauss et Briffod, porte sur ce que la saisie n'a pas été validée sur la totalité des sommes dues par Belli à Emô.

L'appel de Forobert-Charny porte sur ce que le tribunal n'a pas

admis par privilège les frais d'une saisie-arrêt qu'il avait pratiquée contre Emô devant le tribunal de la justice de paix.

Le débiteur saisi conclut à la confirmation du jugement, les hoirs Coursier, saisissants, et les intervenants Vela, dlle Ferrier, Privat et Mussard, Gallati, dame Bringold, dame Clerc, Brunswig, et Franc & Dufour s'en rapportent à justice.

Les questions à résoudre sont les suivantes :

1o La demande de Belli en paiement d'un trimestre de loyer, à raison de 750 fr. l'an, est-elle fondée ?

2o A-t-il droit aux intérêts de ce loyer?

30 La preuve offerte par lui à l'appui de sa demande de 200 fr. de dommages-intérêts, doit-elle être admise ?

4o Belli est-il fondé à appeler du jugement en ce qu'il n'a admis la compensation qu'à l'égard de la part des bénéfices revenant à Emô?

5o L'appel de Belli, en ce qui touche les dépens, est-il fondé?

6o Que faut-il statuer à l'égard des appels incidents interjetés par la veuve Dreyfuss-Bloch, dame Périnet, Taffi & Cie, dlle Knauss, Briffod, et Forobert-Charny?

7° Que faut-il statuer sur les dépens d'appel?

I. Attendu que, dans ses conclusions de première instance, telles qu'elles sont insérées dans le jugement dont est appel, Emô a déclaré, sous l'expresse indivisibilité de son aveu, qu'il avait loué de Belli un appartement pour le prix de 750 fr. l'an ;

Que, par suite, en condamnant Emô à payer le loyer d'un trimestre à raison de 175 fr., au lieu de 187 fr., 50 c., les premiers juges ont commis une erreur qu'il importe de réparer.

II. Attendu que, dès que le débiteur fait connaître à son créancier son intention d'user du droit d'opposer la compensation, les deux dettes sont réputées éteintes jusqu'à concurrence de la plus petite (art. 138 C. O.); qu'elles ne portent plus d'intérêts dès ce moment;

Attendu que dans la même écriture où il a formé sa demande en paiement de loyer, Belli a manifesté l'intention d'opposer la compensation;

Que, dès lors, sa prétention d'avoir droit à des intérêts est absolument mal fondée.

III. Considérant que Belli offre de prouver qu'en vertu d'une clause d'un bail dont la valeur est de 750 fr. l'an, il s'était réservé la jouissance d'une chambre de l'appartement loué;

Attendu que la preuve par témoins d'une semblable convention est inadmissible, aux termes de l'art. 1341 C. civ.;

Que c'est avec raison que les premiers juges l'ont repoussée.

IV. Attendu que la décision du tribunal civil d'admettre la compensation entre le loyer dû à Belli et la part des bénéfices qu'il doit à Emô, mais non entre le loyer et le salaire dû par Belli à ce dernier, n'est absolument pas justifiée;

Que la loi ne fait, au point de vue de la compensation, aucune différence entre les créances pour salaire et les créances d'une autre nature, à moins que le salaire ne soit insaisissable (art. 132 C. O.), ce qui n'est pas le cas dans l'espèce;

Considérant, toutefois, que, quelle que soit la partie de la dette de Belli que l'on compense avec le loyer qui lui est dû, il sera entièrement désintéressé;

Que son appel est donc, sur ce point, sans intérêt.

V. Considérant que c'est avec raison que les premiers juges ont mis une partie des dépens à la charge de Belli, puisqu'il a succombé dans la majeure partie de ses conclusions;

Que cette décision est conforme à l'art. 117 loi de procéd. civ.

VI. Attendu que la demande de veuve Dreyfuss-Bloch, ainsi que celle de chacun des intervenants qui ont interjeté appel incident du jugement, sont inférieures à 500 fr.;

Qu'à l'égard de chacun d'eux, le jugement dont est appel est rendu en dernier ressort, et que leurs appels ne sont pas recevables. VII. Attendu qu'il convient de répartir les dépens entre les parties dans la proportion où elles succombent sur les divers chefs de leurs conclusions, et en proportion de l'instruction que ces mêmes conclusions ont rendue nécessaire;

P. c. m., la Cour admet l'appel interjeté par Belli du jugement rendu par le tribunal civil, le 14 février 1888;

confirme ledit jugement dans son dispositif, sauf en ce qu'il n'adjuge à Belli que la somme de 175 fr. pour loyer, et n'a admis la compensation qu'à concurrence de ladite somme; le réforme sur ce point et, statuant à nouveau,

condamne Emô à payer à Belli la somme de 187 fr., 50 c., pour un trimestre de loyer au 31 mars 1888;

dit que cette somme se compensera à due concurrence avec celle que Belli doit à Emô en vertu du jugement de la Chambre d'appel des prud'hommes, dans l'ordre indiqué par le tribunal civil;

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