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11me Année

N° 48

9 décembre 1889

LA

SEMAINE JUDICIAIRE

JOURNAL DES TRIBUNAUX

(JURISPRUDENCE suisse ET ÉTRANGÈRE)
PARAISSANT A GENÈVE TOUS LES LUNDIS

Adresser les lettres et communications Case 2463.

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SOMMAIRE. Tribunal fédéral. Recours Pugin et consorts: arrêté du pouvoir exécutif en modification d'une loi; décret ratificatif du pouvoir législatif; recours de droit public: 1° inconstitutionalité; 2° annulation. Cour de justice civile. Degrange c. Oertig: appel : 1o valeur du litige inférieure à 500 fr.; 2° art. 304 loi proc. civ.; prétendue violation de l'art. 224 C. O.; appréciation de fait souveraine; 3° irrecevabilité. Berdoz c. Bolle exception de prescription; art. 147 C. O.; bordereau d'admission à la faillite du débiteur; art. 156 ejusd. cod.; rejet. Tribunal civil. Pochat c. époux Menu-Pochat: opposition à commandement : 1o domicile élu; signification au domicile réel; art. 111 C. civ.; intérêt exclusif du créancier; prétendue nullité; 2° quittance pour solde; erreur prétendue; titre en main du créancier; justification ordonnée au débiteur. Droze c. Droze : serment décisoire; loi sur les vices rédhibitoires; forclusion; inadmissibilité. Faits divers.

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TRIBUNAL FÉDÉRAL.

AUDIENCE DU 25 OCTOBRE 1889.

Arrêté du pouvoir exécutif en modification d'une loi; décret ratificatif du pouvoir législatif; recours de droit public: 1o inconstitutionalité; 2° annulation.

Recours Pugin et consorts.

L'autorité exécutive ne peut, sans atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, rendre obligatoire un arrêté pris en modification d'une loi; et le vice d'inconstitutionalité, dont est entachée une telle

mesure, ne se trouve point effacé par la ratification du pouvoir législatif, alors surtout que cette ratification aurait pour effet de donner force de loi à des arrêtés administratifs temporaires, qui n'étaient déjà plus en vigueur à l'époque de sa promulgation.

La loi fribourgeoise sur la chasse, du 10 mai 1876, promulguée ensuite de la loi fédérale du 17 septembre 1875 sur la même matière, fixe entre autres, à son art. 39, à 10 fr. par an et 10 fr. par chien le prix du permis de chasse au gibier de montagne. A la date du 13 août 1887, le Conseil d'Etat de Fribourg a publié un arrêté statuant, à son art. 10, que pour chasser dans la région des hautes montagnes, il faut être porteur des deux permis de chasse à la plume et du permis spécial, et à son art. 11, qu'il sera perçu en 1887 une surtaxe de 60 fr. sur les permis de chasse sur les hautes montagnes.

Maxime Pugin et 25 autres intéressés ont recouru au Tribunal fédéral contre cet arrêté, concluant à ce qu'il lui plaise le déclarer nul et et de nul effet, attendu qu'il viole aux articles précités le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, et constitue un empiétement sur les attributions du Grand Conseil.

Par arrêt du 14 octobre 1887 1, le Tribunal fédéral a renvoyé les recourants à soumettre leur recours, au préalable, à l'appréciation du Grand Conseil du canton de Fribourg, en leur réservant toutefois expressément la faculté de porter de nouveau leurs < griefs devant le Tribunal de céans, pour le cas où ils estimeraient < que la décision à intervenir, de la part du Grand Conseil, laisse <subsister ce qu'ils croient impliquer une atteinte à leurs droits << constitutionnels. >>

Pugin et consorts ont, dès lors, effectivement adressé leur recours au Grand Conseil fribourgeois, non seulement contre l'arrêté susvisé du 13 août 1887, mais encore contre celui du 14 août 1888, que le Conseil d'Etat de Fribourg avait rendu dans l'intervalle et dans lequel il avait reproduit les mêmes dispositions.

A l'occasion de ce recours, et en date du 9 mai 1889, le Grand Conseil a voté un décret < interprétant l'arrêté du 27 juillet 1887, << et ratifiant les dispositions des art. 10 et 11 des arrêtés des 13 < août 1887 et 14 août 1888, fixant l'ouverture des différentes chasses. En voici la teneur :

<< Le Grand Conseil du canton de Fribourg, vu la loi fédér. sur la << chasse du 17 septembre 1875 et le Règlement fédéral concernant les

1 Voir Semaine judiciaire, 1887, p. 738.

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< districts francs du 16 juillet 1886, et la loi cantonale sur la chasse << du 10 mai 1876; l'arrêté du 27 juillet 1877 fixant l'ouverture << de la chasse, et le décret de ratification du 17 novembre 1877; « les arrêtés fixant l'ouverture de la chasse des années suivantes et, < en particulier, des années 1887 et 1888; le recours présenté au << nom d'un certain nombre de chasseurs, et le Message du Conseil « d'Etat, du 14 novembre 1888;

< Sur la proposition du Conseil d'Etat, décrète :

« Art. 1er. Les art. 10 et 11 des arrêtés du 13 août 1887 et 14 août < 1888, fixant l'ouverture des différentes chasses, sont ratifiés et ont << force de loi.

< Art. 2. Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution du présent < décret, qui entre en vigueur dès sa promulgation. »

10

C'est contre ce décret que le 9 juillet, Pugin et consorts ont déclaré reprendre leurs conclusions tendant à ce qu'il soit dit et prononcé : < 1o que les art. 10 et 11 des arrêtés précités sont inconstitutionnels; 2o que le permis de chasse à la montagne pour ces années-là (1887 et 1888) ne pourrait être que de 10 fr., ou tout au plus de 30 fr.; le décret du Grand Conseil écartant le recours, sous date du 9 mai dernier, pour ce qui concerne les années 1887 et 1888, doit être annulé. »

3o que

A l'appui de ces conclusions, les recourants font valoir en substance les raisons suivantes :

« Les arrêtés de 1887 et 1888, exigeant une surtaxe de 60 fr. sur les permis de chasse sur les hautes montagnes, sont inconstitutionnels, attendu que le Grand Conseil était seul compétent pour les prendre, aussi bien à teneur de la législation en vigueur sur la matière, qu'aux termes des art. 45 et 52 de la Constitution cantonale de 1857. Cette Constitution, après avoir posé le principe de la séparation des pouvoirs, dit en effet que le Grand Conseil a seul compétence pour décréter les lois, tandis que le Conseil d'Etat reçoit la mission de les exécuter. Il suit de là que toute modification d'une loi ne peut émaner que du Grand Conseil. Et en parcourant la loi sur la chasse du 10 mai 1876, on peut voir que le Grand Conseil du canton de Fribourg n'a point abandonné cette prérogative, à l'endroit de la fixation du prix des permis de chasse, à laquelle sont presque exclusivement consacrés ses articles 25-40. L'article 39 dit en particulier: « Le < prix du permis de chasse du gibier de haute montagne est fixé à 10 < fr., et à 10 fr. par chien. » Exiger, après cela, une surtaxe de 60 fr.,

c'est modifier la législation sur la matière et empiéter sur les attributions du pouvoir législatif, alors surtout que cette taxe surpasse de beaucoup le prix du permis lui-même.

<< Mais si les arrêtés de 1887 et 1888 sont en eux-mêmes inconstitutionnels, ils demeurent entachés de ce vice de nullité, nonobstant le décret du Grand Conseil qui a prétendu les en purger, les ratifiant après coup, attendu que ce décret ne saurait avoir un effet rétroactif, tandis que, d'autre part, il ne fait que de mettre mieux en relief pour le passé les inconstitutionalités signalées. >

Dans sa réponse du 10 août dernier, le Conseil d'Etat conclut à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral déclarer le recours mal fondé, et ce par les considérations ci-après :

<< Il est vrai que l'art. 39 de la loi cantonale de 1876 fixait le prix du permis de chasse au gibier de montagne à 10 fr. par an, et à 10 fr. par chien, mais cette taxe reposait sur une interprétation erronée de la loi fédérale fixant dans le texte français l'ouverture de

la chasse de certaines espèces de gibier de montagne à la saison du 1er octobre au 15 décembre. Depuis que le Conseil fédéral, par circulaire du 25 juin 1877, eut vérifié qu'il y avait là une fausse traduction du texte allemand, d'après lequel cette chasse était ouverte dès le 1er septembre au lieu du 1er octobre, le Conseil d'Etat vit qu'il y avait lieu de prendre des dispositions nouvelles et rendit un arrêté, à la date du 27 juillet 1877, portant en particulier suppression des permis de chasse spéciaux pour la chasse au gibier de montagne, et statuant que les permis de chasse à la plume donneraient le droit de chasser dans la région déterminée à l'art. 38 de la loi etc. Le droit du Conseil d'Etat de modifier la loi, dans ces circonstances, ne résultait pas seulement des circonstances elles-mêmes, il découlait encore expressément de l'art. 94 de la loi cantonale sur la chasse, stipulant que le Conseil d'Etat était autorisé à y apporter les changements qui seraient exigés. Et cette disposition ne se référait pas seulement aux changements que pourrait ordonner le Conseil fédéral, mais à ceux aussi qui surviendraient plus tard dans la législation fédérale. Or, la modification de la date de l'ouverture de la chasse à la montagne n'ayant été faite par le Conseil fédéral que postérieurement à la loi cantonale, il est clair que les pouvoirs donnés au Conseil d'Etat par le Grand Conseil s'étendaient aussi aux actes qui devaient se produire plus tard. Ainsi donc l'obligation de se pourvoir d'un permis de chasse à la plume pour la chasse au gibier de

montagne a été imposée par le Conseil d'Etat dans la plénitude de ses attributions.

<< De plus, l'arrêté du Conseil d'Etat a acquis force de loi par le décret du 17 novembre 1877, et la surtaxe imposée au permis de chasse dans la haute montagne a été nécessitée par la condition particulière de la chasse dans cette région, ensuite de la levée du ban fédéral ordonnée par le Conseil fédéral le 16 juillet 1886. Elle n'est, du reste, pas trop élevée en présence des dépenses considérables occasionnées par la garde des territoires à ban; elle sauvegarde l'égalité entre les chasseurs des différentes parties du canton, évite la destruction exagérée et immédiate du gibier, et n'apparaît en somme que comme une disposition momentanée, transitoire, sans portée générale, c'est-à-dire comme une simple mesure d'exécution résultant d'une décision du pouvoir exécutif de la Confédération et rentrant pleinement dans les attributions du Conseil d'Etat, soit du pouvoir exécutif du canton.

< Le décret dont est recours contient enfin une interprétation authentique, donnée par le Grand Conseil aux différents textes des arrêtés de 1877, 1887 et 1888; cette interprétation doit, surtout en présence de l'application contradictoire qui a été faite de ces derniers, valoir pour les années antérieures. D'autre part, il est bien à supposer que les recourants n'entendent attaquer ce décret de 1889 que pour autant qu'il règle le passé, car pour autant qu'il règle l'avenir, on ne comprendrait guère qu'il puisse être attaqué. »

Arrêt. I. En application du principe de la séparation des pouvoirs, consacré à l'art. 31 de la Constitution cantonale, l'art. 45 de celle-ci confère au Grand Conseil du canton de Fribourg, entre autres attributions, celle de « décréter les lois, » tandis que l'art. 52 ibid. en confie l'exécution au Conseil d'Etat.

La loi sur la chasse, promulguée par le Grand Conseil du canton de Fribourg le 10 mai 1876, statue à son art. 39 : « Le prix du per<< mis de chasse au gibier de montagne est fixé à 10 fr. par an, et < 10 fr. par chien. » Contrairement à cette disposition, le Conseil d'Etat de Fribourg a ordonné de son chef, par arrêté du 13 août 1887, confirmé sur ce point (art. 10 et 11) par un arrêté subséquent du 14 août 1888, que « pour chasser dans la région des hautes mon<tagnes, il faut être porteur des deux permis de chasse à la plume < et du permis spécial », et qu'il serait perçu « une surtaxe de 60 fr. << sur le permis de chasse sur les hautes montagnes. »

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