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ES nombreuses abréviations répandues dans les écritures du moyen âge ont été une source continuelle d'obstacles et d'erreurs. Quand elles ont exposé et exposent chaque jour des savants à commettre des méprises grossières ; quand les plus habiles dans cette matière déclarent que

rien n'est plus difficile ni plus scabreux, ne doit-on pas s'étonner qu'il n'ait pas été publié en France un traité spécial et raisonné sur cette branche si importante de la paléographie ? On possède bien, à la vérité, des listes ou des tables d'abréviations; mais toutes se trouvent traitées accessoirement dans quelques ouvrages de diplomatique ou de paléographie. La littérature étrangère nous a même fourni quelques recueils d'abréviations figurées, Le plus remarquable en ce genre est celui qu'a publié, il y a un siècle; un antiquaire allemand, J. Walther, sous le titre de Lexicon diplomaticum 2.

Qu'on ne croie pas que nous exagérions à plaisir cette difficulté des abréviations. A part ce qu'en disent les auteurs diplomatistes et les paléographes, qu'on interroge les commentateurs des XVIe et XVII siècles. Ils vous diront que les caractères des manuscrits qu'ils déchiffraient les effrayaient moins que les abréviations dont les textes anciens sont remplis. Et les variantes dont sont chargés nos vieux auteurs grecs et latins ne démontrent-elles pas qu'un mot était substitué à un autre quand une abréviation embarrassait? Le bénédictin Montfaucon, si profondément versé dans les difficultés de la paléographie grecque et latine, dit, au sujet des abréviations: «< Sunt autem « quædam (abreviationes) adeò perplexè descriptæ, ut non « tironibus modo, sed etiam peritis negotium facessant, occa<< sioque lapsus sint. Imò etiam vel in obviis abreviationibus, « peritissimos interdùm viros errasse comperimus... » Et plus loin « Si autem in abreviationibus et notis hujusmodi tritis « et obviis tot tantosque doctorum hominum lapsus deprehen<< dimus, quot pates in aliis difficilioribus accidisse ? » (Palæog. græca, p. 342-343.)

• Imprimé à Goettingue en 1745. C'est un in-folio contenant 125 planches d'abréviations figurées. L'auteur a marqué le siècle où chaque abréviation était employée, en partant du VIII⚫ siècle

Ce lexique, aussi bien que les autres recueils, est dépourvu d'une méthode explicative.

Les savants diplomatistes bénédictins, qui regrettaient de n'avoir pu traiter avec étendue la matière des abréviations, disaient, en citant le beau lexique de Walther Notre littérature française manque d'un pareil ouvrage, dont la nécessité se fait sentir à ceux qui veulent déchiffrer les anciennes écritures et travailler dans les archives »; puis ils ajoutaient : « Au moyen d'un Dictionnaire d'abréviations fait sur les manuscrits et les chartes de France, on surmonterait sans peine bien des difficultés, et l'on éviterait de prendre un mot pour un autre, méprise qui change souvent le sens d'une phrase. »

C'est surtout à une époque comme la nôtre, où cette ardeur pour la recherche et la publication des manuscrits inédits de notre histoire et de notre littérature va toujours croissant, qu'il serait urgent de rendre vulgaire une science qui peut faire éviter bien des méprises.

Nos études sur les difficultés paléographiques et la haute bienveillance qui a accueilli nos publications sur cette matière nous ont encouragé à rédiger un Dictionnaire d'abréviations qui serait pour l'inexpérience un guide, sinon infaillible, au moins plus sûr que le

et finissant au xvi. Nous n'avons pas cru devoir employer ce système, attendu que la même forme abréviative traverse souvent plusieurs siècles sans recevoir d'autres modifications que celles qui lui viennent du changement de l'écriture.

tâtonnement de la routine, et qui pourrait n'être pas inutile même aux habiles dans ce genre d'étude.

En nous proposant ce travail, nous n'avons pas voulu copier rigoureusement le lexique du diplomatiste allemand. Il ne nous paraissait pas suffisant de ne donner que les abréviations latincs des chartes et des manuscrits de notre pays. Les abréviations des inscriptions lapidaires et métalliques et les abréviations françaises les plus ordinaires devaient trouver place aussi dans ce Dictionnaire. Mais là encore ne devait pas se borner notre travail. Car ne faire que réunir dans un ordre plus ou moins méthodique des abréviations de tous genres, quelque étendu qu'en fût le nombre, c'eût été rendre un bien faible service et n'améliorer en rien les travaux déjà produits sur cette matière. En effet, qu'estce que donner un Recueil on Dictionnaire d'abréviations sans rien dire de leur mécanisme, sans les expliquer par leurs principes? C'est forcer les personnes qui le consultent d'y revenir à chaque abréviation qui se présente. Procéder ainsi, n'est-ce pas tomber dans ce défaut signalé par les auteurs de la nouvelle diplomatique, à l'occasion des notes de Tiron ? « On s'est contenté, disent-ils, de rechercher leur signification dans quelques anciens manuscrits où elles sont rendues en latin, et d'en composer des listes alphabétiques, sans expliquer ni pourquoi ni comment telles et telles figures ont la valeur des lettres qu'elles expriment et des mots qu'on leur fait signifier. »

Il nous restait donc à réparer une omission impor

tante des paléographes, c'est-à-dire à expliquer comme nous l'avons fait dans notre Paléographie des chartes et des manuscrits, mais ici avec plus d'étendue, la méthode brachygraphique à l'aide de laquelle les graveurs en lettres, les scribes et les copistes du moyen âge rendaient leur écriture si brève, si serrée et quclquefois si énigmatique. En faisant connaître les divers modes abréviateurs dont se compose cette méthode, en expliquant les signes qu'elle emploie et les règles observées dans la formation de chaque genre d'abréviation, c'est déjà répandre, ce nous semble, quelque lumière sur le point le plus obscur des écritures anciennes. On concevra alors que notre Dictionnaire n'a plus besoin, une fois les règles connues, d'être grossi des abréviations simples et régulières qui s'expliquent aisément : il ne doit contenir que les mots abrégés qui sont d'une construction trop brève, ou qui échappent aux règles générales. Il fallait encore, afin d'éviter la confusion et de faciliter les recherches, ranger à part les abréviations commençant par des signes ou des chiffres au lieu de lettres.

C'est sur ces bases que nous avons construit notre

1 Dès 1835, nous avions dejà, dans notre Essai sur la Paléographie française, cherché à débrouiller le chaos des abréviations, en les classant par genre et en expliquant les règles qui président à leur construction. Dans une seconde édition de cet ouvrage, en 1839 (Paléographie des chartes et des manuscrits), plus de développement fut donné à cette partie importante de la paléographie; aujourd'hui nous pensons l'avoir complétement expliquée.

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