Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[blocks in formation]

85. Les contrats produisent des obligations (1).

Nous renvoyons, sur ce qui concerne l'effet de ces obligations, à ce que nous en dirons infrà, chap. 2, en traitant en général de l'effet des obligations: nous observerons seulement un principe qui est particulier à l'effet des contrats et de toutes les conventions.

Ce principe est « qu'une convention n'a d'effet qu'à l'égard des choses qui ont fait l'objet de la convention, et seulement entre les parties contractantes. » Animadvertendum est ne conventio in aliâ re facta aut cum aliâ personâ, in aliâ re, aliâve personâ noceat (2) ; L. 27, § 4, ff. de Pactis.

86. La raison de la première partie de ce principe est évidente. La convention étant formée par la volonté des parties contractantes, elle ne peut avoir d'effet que sur ce que les parties contractantes ont voulu, et ont eu

en vue.

On peut apporter pour exemple de cette première partie de ce principe, les stipulations de propres. Lorsqu'en apportant par mon contrat de mariage une certaine somme à la communauté, j'ai stipulé « que le surplus de mes biens me demeurerait propre », cette convention n'aura pas l'effet d'exclure de la communauté le mobilier des successions qui m'écherront pendant le mariage; parce qu'elle n'a cu pour objet que d'exclure de la communauté le surplus des biens que j'avais lors de mon mariage (3). Voyez d'autres exemples, in L. 27, § 7; L. 47, § 1 ; L. 56, ff. de Pactis et passim.

87. La raison de la deuxième partie du principe n'est pas moins évidente: l'obligation qui naît des conventions, et le droit qui en résulte, étant formés par le consentement et le concours des volontés des parties, elle ne peut obliger un tiers, ni donner le droit à un tiers dont la volonté n'a pas concouru à former la convention.

La loi 25, Cod. de Pactis, nous fournit un exemple de cette seconde partie de notre principe. Je suis convenu avec mon cohéritier qu'il se chargerait seul d'une certaine dette de la succession. Cette convention n'empêchera pas le créancier de cette dette de l'exiger de moi, à raison de la part pour laquelle je suis héritier; car cette convention ne peut avoir aucun effet vis-à-vis de ce créancier qui n'y était pas partie : Debitorum pactionibus, creditorum petitio nec tolli, nec minui potest; eâd.L.

On peut apporter une infinité d'autres exemples. Ce n'est pas une chose contraire à ce principe, qu'un associé, en contractant, oblige ses associés, un préposé son commettant, un mari sa femme; car, comme nous l'avons vu à l'article précédent, ces personnes sont censées avoir été elles-mêmes parties contractantes par le ministère de leur associé, de leur préposé, de leur mari.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

88. Il semblerait qu'on pourrait opposer avec plus de fondement contre notre principe, ce qui s'observe à l'égard des contrats d'atermoiement.

Lorsqu'un débiteur qui se dit hors d'état de faire honneur à ses dettes, a fait une convention avec les trois quarts de ses créanciers (ce qui s'estime non pro numero personarum, sed pro cumulo debiti) cette convention, qui contient des termes et des remises accordés au débiteur, peut être opposée aux autres créanciers, quoiqu'ils n'aient pas été parties au contrat; et le débiteur peut, en les assignant, faire déclarer commune avec eux la convention; sauf qu'elle ne pourra préjudicier à leurs hypothèques et priviléges, s'ils en ont ('), Voyer l'ordonnance de 1673, tit. 11, art. 5, 6, 7, 8; ct L. 7, § 19; L. 8, L. 9, 10, ff. de Pact.

Ceci n'est pourtant pas proprement une exception à notre principe: car ce n'est pas la convention faite avec les trois quarts des créanciers qui oblige per se, par elle-même et par sa propre vertu, les autres créanciers qui n'ont point été parties, à faire les remises qui y sont portées: cette convention ne sert qu'à faire connaître au juge qu'il est de l'intérêt commun des créanciers que cette convention soit exécutée par tous les créanciers; la présomption étant que ce grand nombre de créanciers ne s'est réuni à accorder ces remises que parce qu'il était de l'intérêt commun des créanciers de les accorder, pour avoir le paiement du restant. Et comme il n'est pas juste que la rigueur de quelques créanciers nuise à l'intérêt commun des créanciers, le juge les condamne à accéder à la convention, et à accorder au débiteur les remises et les termes qui y sont portés. Mais ce n'est pas la convention, à laquelle ils n'ont pas été parties, qui les oblige à accorder ces remises et ces termes; c'est l'équité seule qui forme en eux cette obligation, et qui les oblige à accéder à cette convention, étant contre l'équité que, par une rigueur contraire à leurs propres intérêts, ils empêchent l'avantage commun des créanciers.

89. Notre principe, « que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes », souffre une espèce d'exception à l'égard des cautions: car les conventions qui interviennent entre les créanciers et le débiteur principal, profitent aux cautions, quoiqu'elles n'y aient pas été parties; elles leur font acquérir contre le créancier les mêmes droits qu'elles font acquérir au débiteur principal (*). Nous en verrons la raison infrà, part. 2, chap. 6.

(1) V. art. 507, 508 et 516, C. de

comm.

[ocr errors]

« ces, et elles n'y seront comptées que « s'ils renoncent à leurs hypothèques, « gages ou priviléges. Le vote au « concordat emportera de plein droit cette renonciation. »

Art. 507: « Il ne pourra être con« senti de traité entre les créanciers « délibérants et le débiteur failli, qu'a-« près l'accomplissement des formali- Art. 516 L'homologation du con«tés ci-dessus prescrites. Ce traité cordat le rendra obligatoire pour « ne s'établira que par le concours << tous les créanciers portés ou non « d'un nombre de créanciers formant « portés au bilan, vérifiés ou non vé« la majorité, et représentant, en ou- « rifiés, et même pour les créanciers atre, les trois quarts de la totalité des « domiciliés hors du territoire conti«< créances vérifiées et affirmées, ou «nental de la France, ainsi que pour' << admises par provision, conformé-« ceux qui, en vertu des art. 499 et «ment à la sect. 5 du ch. 5: le tout à « 500, auraient été admis par provi« peine de nullité. » «sion à délibérer, quelle que soit la « somme que le jugement définitif leur « attribuerait ultérieurement. »

[ocr errors]

Art. 508: « Les créanciers hypothéa caires inscrits ou dispensés d'inscription, et les créanciers privilégiés ou nantis d'un gage, n'auront « pas voix dans les opérations relati«ves au concordat pour lesdites créan

[ocr errors]

(2) V. art. 2036, C. civ.

Art. 2036: « La caption-peut oppo«ser au créancier toutes les excep« tions qui appartiennent au débiteur

$0. Notre principe souffre encore une autre espèce d'exception à l'égard des substitutions portées par un acte de donation entre-vifs; car, lors de l'événement qui y donne ouverture, les personnes appelées à ces substitutions, quoiqu'elles n'aient pas été parties dans l'acte qui les renferme, acquièrent le droit de demander au donataire qui en est grevé, ou à sa succession, les choses qui y sont comprises (1). Voyez ce que nous avons dit suprà, en l'article précédent, § 3.

[merged small][ocr errors][merged small]

91. Première règle. ·

On doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plus que le sens grammatical des termes (2).

In conventionibus contrahentium voluntatem potius quàm verba spectari placuit ; L. 219, ff. de Verbor signif.

Voyez un exemple de cette règle dans la loi citée.

En voici une autre. Vous teniez à loyer de moi un petit appartement dans une maison dont j'occupais le reste; je vous ai fait un nouveau bail en ces termes : J'ai donné à loyer à un tel MA MAISON pour tant d'années, pour le prix porté au précédent bail. Serez-vous fondé à prétendre que je vous ai loué toute ma maison? Non; car quoique ces termes, ma maison, dans leur sens grammatical, signifient la maison entière, et non un simple appartement, néanmoins il est visible que notre intention n'a été que de renouveler le bail de l'appartement que vous teniez de moi ; et cette intention, dont on ne peut douter, doit prévaloir aux termes du bail.

92. Seconde règle. Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui dans lequel elle peut avoir quelque effet, que dans celui dans lequel elle n'en pourrait avoir aucun (3).

Quoties in stipulationibus ambigua oratio est, commodissimum est id accipi quo res de quâ agitur in tuto sit; L. 80, de Verb. oblig.

Par exemple, s'il est dit à la fin d'un acte de partage : Il a été convenu entre Pierre et Paul, que Paul pourrait passer sur ses héritages: quoique ces termes, ses héritages, dans le sens grammatical, puissent s'entendre aussi bien de ceux de Paul que de ceux de Pierre, néanmoins il n'est pas douteux qu'ils doivent s'entendre de ceux de Pierre: autrement la clause n'aurait aucun effet, Paul n'ayant pas eu besoin de stipuler qu'il pourrait passer sur ses propres héritages.

93. Troisième règle. Lorsque dans un contrat des termes sont susceptibles de deux sens, on doit les entendre dans le sens qui convient le plus à la nature du contrat (4).

Par exemple, s'il était dit par un acte, « que je vous ai loué pour neuf ans un certain héritage pour la somme de 300 liv.», ces termes la somme de 300 liv.

[ocr errors]

principal, et qui sont inhérentes à la [ « rêter au sens littéral des termes. >> « dette. Mais elle ne peut opposer les (3) V. art.1157: « Lorsqu'une clause exceptions qui sont purement per- « est susceptible de deux sens, on doit «<sonnelles au débiteur. » «< plutôt l'entendre dans celui avec le« quel elle peut avoir quelque effet, « que dans le sens avec lequel elle « n'en pourrait produire aucun. » () V. art. 1158, C. civ.

(') Les appelés sont réputés donataires du disposant primitif; la propriété du grevé étant résolue.

(*) V. art. 1156, C. civ.

:

Article 1156 « On doit, dans les <«< conventions, rechercher quelle a « été la commune intention des parties « contractantes, plutôt que de s'ar

Art. 1158: « Les termes susceptibles « de deux sens doivent être pris dans « le sens qui convient le plus à la ma« tière du contrat. »

ne s'entendent pas d'une somme de 300 liv. une fois payée, mais d'une somme annuelle de 300 liv. pour chacune des neuf années que durera le bail; étant de la nature du contrat de louage que le prix consiste dans une ferme annuelle.

Il en serait autrement s'il était évident que la somme de 300 liv. est la valeur de neuf années de ferme; putà, parce que, par les baux précédents, l'héritage n'avait été affermé que pour le prix de trente ou quarante livres de ferme annuelle.

Voici un autre exemple de la règle.

Par un bail à ferme, il est dit «que je vous ai loué un certain héritage, à la charge de 300 livres de rente annuelle, et des réparations : » ces termes, et des réparations, doivent s'entendre des locatives, les fermiers et locataires n'étant tenus que de celles-là, suivant la nature du contrat.

94. Quatrième règle.· Ce qui peut paraître ambigu dans un contrat, s'interprète par ce qui est d'usage dans le pays (1) : Semper in stipulationibus et in cæteris contractibus id sequimur quod actum est; aut si non appareat quod actum est, erit consequens ut id sequamur quod in regione in quâ actum est frequentatur; L. 34, ff. de Regulis juris.

Suivant cette règle, si j'ai fait marché avec un vigneron à une certaine somme par an pour cultiver ma vigne, sans m'expliquer sur le nombre de labours qu'il donnerait, nous sommes censés être convenus qu'il donnerait le nombre de labours qu'on a coutume de donner dans le pays.

95. Cinquième règle. L'usage est d'une si grande autorité pour l'interprétation des conventions, qu'on sous-entend dans un contrat les clauses qui y sont d'usage, quoiqu'elles ne soient pas exprimées (2): In contractibus tacitè veniunt ea quæ sunt moris et consuetudinis.

Par exemple, dans le contrat de louage d'une maison, quoiqu'on n'ait pas exprimé que le loyer serait payable par demi-termes, à la Saint-Jean et à Noël, et que le locataire serait obligé à faire les réparations locatives, ces clauses y sont sous-entendues.

Pareillement, dans un contrat de vente, quoique la clause « que le vendeur sera tenu de défendre et de garantir l'acheteur des évictions » n'y soit pas exprimée, elle y est sous-entendue.

[ocr errors]
[ocr errors]

96. Sixième règle. — On doit interpréter une clause par les autres clauses contenues dans l'acte, soit qu'elles précèdent, ou qu'elles suivent (*). La loi 126, ff. de Verb. sign. fournit un exemple de cette règle. Dans l'espèce de cette loi, il était dit dans un contrat de vente, par une première clause, «que l'héritage était vendu uti optimus maximus, c'est-à-dire, franc de toutes charges réelles : » par une seconde clause, il était dit «que le vendeur n'entendait être garant que de ses faits. » Cette seconde clause sert à l'interprétation de la première, et en restreint la généralité des termes à ce sens, « que le vendeur, par cette première clause, n'a entendu promettre et assurer autre chose, sinon qu'il n'avait imposé aucunes charges sur cet héritage, et qu'il était franc de toutes celles qu'il eût pu y imposer,» mais non pas assurer qu'il fût franc de celles qui avaient été imposées par ses auteurs, dont il n'avait pas de connaissance. >>

[ocr errors]

(1) V. art. 1159, C. civ.

Art. 1159 « Ce qui est ambigu « s'interprète par ce qui est d'usage dans le pays où le contrat est passé.>> (2) V. art. 1160, C. civ.

[ocr errors]

« sage, quoiqu'elles n'y soient pas ex<< primées. >>

(3) V. art. 1161, C. civ.

Art. 1161: « Toutes les clauses des «< conventions s'interprètent les unes Art. 1160: « On doit suppléer dans « par les autres, en donnant à chacune « le contrat les clauses qui y sont d'u-] « le sens qui résulte de l'acte entier.»

TOM. II.

4

7. Septième règle. Dans le doute, une clause doit s'interpréter contre celui qui a stipulé quelque chose, et à la décharge de celui qui a contracté l'obligation (').

In stipulationibus cum quæritur quid actum sit, verba contra stipulatorem interpretanda sunt; L. 38, § 18, ff. de Verb. oblig.

Fere secundum promissorem interpretamur; L. 99, ff. eod. tit.
Le créancier doit s'imputer de ne s'être pas mieux expliqué.

"

Par exemple, si par un bail à ferme il était « dit que le fermier livrerait au bailleur, en certain temps, une certaine quantité de blé de ferme annuelle, sans qu'il fût dit où la tradition devrait s'en faire, la clause doit s'entendre en ce sens, « qu'elle devra se faire en la maison du fermier, à ceux qui y viendront chercher le blé de la part du bailleur; » ce sens étant celui qui est le plus à la décharge du fermier qui a contracté l'obligation.

Lorsque le bailleur veut que le blé lui soit rendu dans son grenier, il doit s'en expliquer par le bail.

98. Huitième règle.-Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties contractantes se sont proposé de contracter, et non pas celles auxquelles elles n'ont pas pensé (2): Iniquum est perimi pacto, id de quo cogitatum non est; L. 9, § fin., ff. de Trans.

Suivant cette règle, si nous avons transigé ensemble sur toutes nos prétentions respectives, et que nous en ayons composé à une somme que vous vous êtes obligé de me payer, au moyen de quoi nous nous sommes tenus quittes de part et d'autre de toutes choses; cette transaction ne préjudicie pas aux droits que j'avais contre vous, dont je n'avais pu avoir connaissance lors de la transaction. His tantùm transactio obest de quibus actum probatur : non porrigitur ad ea quorum actiones competere posteà compertum est; eâd. L. 9, § fin.

Par exemple, si un légataire a composé avec l'héritier à une somme pour ses droits résultant du testament du défunt, il ne sera pas exclu de la demande d'un autre legs à lui fait par un codicille qui n'a paru que depuis la transaction; L. 3, § 1; L. 12, ff. de Transact.

99. Neuvième règle. Lorsque l'objet de la convention est une universalité de choses, elle comprend toutes les choses particulières qui composent cette universalité, même celles dont les parties n'avaient pas de connaissance.

On peut apporter pour exemple de cette règle, la convention par laquelle je compose avec vous à une certaine somme, pour vous abandonner ma part dans une hérédité : cette convention comprend toutes les choses qui en font partie, soit qu'elles aient été ou non à notre connaissance, notre intention ayant été de traiter de tout ce qui la composait. C'est pourquoi il est décidé que je ne puis être admis à revenir contre la convention, sous le prétexte qu'il s'est trouvé, depuis la convention, beaucoup de choses dépendant de la succession, qui n'étaient pas à ma connaissance: Sub prætextu specierum post repertarum, generali transactione finita rescindi prohibent jură; L. 29, Čod. de Transact.

(1) V. art. 1162, C. civ.

Art. 1162: « Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui « a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l'obligation. »

Sur cette règle, il faut remarquer qu'elle n'est que subsidiaire, c'est-àdire qu'elle ne doit être appliquée que

dans le cas où manquent les autres moyens d'interprétation; c'est pour cela que l'article dit, dans le doute, c'est-à-dire lorsque l'obscurité ne peut être éclaircie ou l'ambiguïté résolue par aucun autre moyen d'interprétation.

(2) V. art. 1163, C. civ. V. ci-dessus, p. 46, note 2.

« VorigeDoorgaan »