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CORRESPONDANCE

ENTRE LE

COMTE DE MIRABEAU

ET LE

COMTE DE LA MARCK

PENDANT LES ANNÉES 1789, 1790 ET 1791

RECUEILLIE, MISE EN ORDRE ET PUBLIÉE PAR

M. AD. DE BACOURT

ANCIEN AMBASSADEUR DE FRANCE PRÈS LA COUR DE SARDAIGNE

2

TOME DEUXIÈME

PARIS

LIBRAIRIE VE LE NORMANT, RUE DE SEINE, 10

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LE COMTE DE MIRABEAU

AU

MARQUIS DE LA FAYETTE.

Mercredi, 28 avril 1790.

Lorsque la chose publique est en péril, Monsieur le marquis, lorsqu'elle ne peut être sauvée qu'en lui redonnant, par des efforts communs, le mouvement qu'elle a perdu, et que nul poste, pour y concourir, n'est parfaitement assigné, s'isoler, même avec des intentions pures, de celui qui doit en donner le signal, de celui qui peut seul utilement en régler le but, ne serait qu'un acte de mauvais citoyen; et consulter, dans ce rapprochement que commande le devoir, ces légères convenances qui lient ou séparent les hommes, serait une bien vulgaire faiblesse.

C'est ce que je me suis dit à moi-même, lorsque j'ai réfléchi sur nos premières liaisons, sur les causes qui m'ont tenu éloigné de vous, sur l'état présent des affaires, et sur vous, Monsieur le marquis. J'entends par vous, tout ce qui est, tout ce qui est devenu inséparable de vous-même votre renommée, sous tous ses rapports, et votre pouvoir,

:

Je me suis éloigné de vous, parce que vos liaisons

politiques de ce temps n'étaient dignes ni de vous ni de moi; parce que vous placicz mal, je ne dis pas votre confiance personnelle (pourquoi scruter les cœurs?), mais, si je puis m'exprimer ainsi, votre confiance publique, vos moyens, vos espérances, et celles de l'État; que vous cherchiez en vain, en les élevant jusqu'à vous, à agrandir des pygmées, et qu'au lieu de ces grands hommes d'hier, il vous fallait des compagnons d'armes distingués, du moins par la vétérance.

Ces motifs d'éloignement n'existent plus; les Barnave, les Duport, les Lameth ne vous fatiguent plus de leur active inaction; on singe longtemps l'adresse, mais non pas la force; on fait d'assez bons tours avec des machines, on imite même le bruit du tonnerre, mais on ne le remplace pas.

Vous voilà donc, Monsieur le marquis, je ne dis pas isolé, mais uniquement entouré de vous-même, de quelques amis d'un caractère décidé, et, par dessus tout, de la chose publique. Qu'allez-vous faire, et que ferai-je moi-même ? Je n'établis ces questions que pour vous rendre compte de mes propres sentiments.

Les vrais périls qui menacent l'État sont la longue lutte de l'anarchie, l'inhabitude du respect pour la loi, toute secousse qui pourrait démembrer l'empire, toute scission de l'opinion publique, les combats des nouveaux corps administratifs et, surtout, le jugement que le royaume et l'Europe vont porter sur l'édifice de cette Constitution, dont bientôt l'échafaudage, qui ne permettait pas d'en saisir l'en

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