Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

dissemblables, mais frappés d'une conformité apparente, reçoivent la même récompense. Le projet de loi, en se réservant la faculté de varier son maximum, a évité ces inconvénients, et s'est ouvert une plus grande latitude dans l'appréciation des causes de retraite : ainsi l'officier ou le soldat qui a perdu deux de ses membres ou la vue a la solde entière d'ancienneté et la moitié en sus; s'il n'a perdu qu'un membre, il a la solde entière et un quart en sus. De là dérive que la diminution du maximum, qu'on pourrait reprocher au projet de loi, n'aura nullement lieu pour plusieurs grades, et en partie pour les autres, toutes les fois que les militaires essuieront des mutilations cruelles bien plus, il y a même des grades où, dans ces occurrences, le maximum surpassera celui de la loi de l'an VII; et l'on ne peut nier que l'accroissement des secours ne soit alors humain et juste.

Le projet balance encore par deux nouvelles compensations les inévitables mesures que lui a dictées une sévère économie. La loi de l'an VII ne permettait les enrôlements volontaires qu'à l'âge de dix-huit ans; il propose de compter les services des tambours et trompettes dès l'âge de quatorze ans, et ceux des autres militaires dès l'âge de seize.

En rappelant les anciennes lois qui doublent les années de guerre, il propose de les tripler en faveur des militaires qui auraient déjà fait cinq campagnes; chacune de celles qu'ils ajouteront aux précédentes leur vaudra trois années.

Dans une loi qui reproduit la plupart des dispositions de celle qu'elle est destinée à remplacer, nous ne nous sommes attaché qu'à ses innovations, et nous avons essayé de vous retracer les motifs qui les justifient; quant à tout ce qu'elle a conservé, et qui, depuis cinq ans, est si bien protégé par l'expérience, que dirions-nous qui valut la simple énonciation de ce fait ?

Le titre II du projet assure à la veuve d'un officier le quart, et à celle d'un soldat le tiers de la solde de retraite affectée au grade de leurs maris; il prévoit encore que des enfants de militaires peuvent rester orphefins; il leur accorde un secours annuel de la somme à laquelle aurait été réglée la pension de leur mère; ils en jouiront collectivement jusqu'à ce que le plus jeune d'entre eux ait atteint sa vingtième année. Cette disposition de la loi n'est pas nouvelle, mais on l'a rendue plus généreuse et d'une exécution plus facile.

Le titre III est formé par un article unique; il fait revivre provisoirement l'article provisoire aussi de la loi de l'an VII, qui règle le traitement de réforme à la moitié de la solde de retraite.

Le titre IV et dernier concerne les invalides; on propose de ramener cet établissement à sa première institution, qui était de recueillir les vieux militaires infirmes. C'est surtout après une guerre longue et sanglante qu'on sent la continuelle nécessité de rendre à sa véritable destination une maison occupée sans doute par des hommes qui méritent également d'être honorés, mais qui, étant la plupart dans la force de l'âge, pourraient se retirer dans le sein de leurs familles où les bienfaits de la République les suivraient. Cette alternative leur est présentée: maîtres de l'acceptation ou du refus. Le projet ne propose que successivement la réduction des invalides à trois mille; mais il demande qu'à l'avenir on n'admette que des militaires qui auront perdu un ou plusieurs membres, ou la vue, ou qui justifieront de trente années de service effectif et de soixante ans d'âge.

Ce titre est terminé par une disposition qui était

déjà dans la loi de l'an VII, de maintenir la retenue sur les soldes de retraite pour être employée aux dépenses de l'hôtel des invalides.

Aucun autre orateur, ni du Gouvernement ni du Tribunat, ne demandant la parole, la discussion est fermée.

Le Corps législatif procède au scrutin et adopte le projet de loi par 204 boules blanches contre 6 boules noires.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux douanes.

Les orateurs du Gouvernement et ceux du Tribunat sont introduits.

Le président. Le citoyen Van Hulthem, orateur du Tribunat, a la parole. (Nota. Van Hulthem se borne à reproduire les termes de son rapport au Tribunat. Voy. t. IV, p. 748.

Le président. La parole appartient à un orateur du Gouvernement.

Collin. Citoyens législateurs, l'orateur que Vous venez d'entendre à développé les motifs de l'adoption du Tribunat avec une précision, une clarté, qui ne laissent rien à désirer. Je me bornerai à vous présenter quelques observations sur une opinion émise par un seul membre du Tribunat contre l'institution des douanes, parce que cette opinion repose entièrement sur des erreurs qu'il importe de faire connaître.

Dans un moment où le Gouvernement redouble d'efforts pour réprimer la contrebande, dans un moment où ses efforts, entièrement dirigés vers la prospérité de l'industrie nationale, doivent être secondes par toute la force de l'opinion publique, on ne peut pas voir sans regret que le principe protecteur et conservateur de ces grands intérêts ait été attaqué dans le sein de l'une des premières autorités de l'Etat.

On se plaint de la rigueur des lois relatives à la contrebande; mais que l'on examine le système des douanes chez tous les peuples de l'Europe, et l'on se convaincra que la France est encore l'une des nations où leur régime est moins sévère.

Si, par un mouvement spontané, tous nos voisins se déterminaient à supprimer leurs douanes et à donner la libre entrée à toutes les marchandises étrangères sans distinction, le Gouvernement français aurait encore à examiner s'il devrait suivre cet exemple, et si un pays d'une population de trente- trois millions d'habitants veut devenir tributaire d'une nation dont la prépondérance actuelle de ses manufactures serait, par cette mesure, à jamais conservée.

Cependant on donne pour motif d'une opinion contraire à l'institution des douanes et à l'accroissement de l'industrie manufacturière qu'en Angleterre cette industrie y est nuisible à la nation, puisqu'elle est forcée de vendre les produits de ses fabriques pour avoir du pain. Certes l'exemple ne pouvait pas être plus mal choisi. Personne n'ignore que la véritable source de la puissance anglaise est dans son commerce et dans son industrie; personne n'ignore que c'est avec les immenses bénéfices qu'ils produisent que, dans la dernière guerre, elle a pù couvrir les mers de ses vaisseaux, faire seule le commerce du monde, et solder les armées des nations coalisées contre la France. Qu'importe donc que la Grande-Bretagne ne récolte pas assez de grains pour sa consommation, si elle peut s'en procurer en abondance, non pas avec ses capitaux, mais avec les produits de ses fabriques? Les droits de douane y pèsent beaucoup plus qu'en France sur le consommateur, et cependant on n'a jamais entendu

dans le parlement britannique une seule voix demander leur suppression.

On dit encore que le sol négligé d'Angleterre ne fournit plus à la subsistance de ses habitants, et que cet état de choses est le résultat de l'accroissement inconsidéré de ses manufactures. La citation n'est pas heureuse, car il n'est point de pays où l'agriculture soit portée à un plus haut degré de perfection.

Sans doute les douanes peuvent n'être pas utiles à de petits Etats. Je suppose un moment qu'une république dont le territoire n'aurait que quelques mille toises d'étendue se trouvât à l'une des extrémités de la France: si ses habitants portaient leurs spéculations sur le commerce interlope; si les capitalistes, attirés par le bénéfice qu'il présente, y employaient leurs fonds, alors ce pays serait intéressé à appeler dans son sein les marchandises étrangères destinées à être introduites en fraude sur notre territoire. Il serait possible que Genève, avant sa réunion, se fut trouvée dans une semblable position; mais si, raisonnant par analogie, on prétendait qu'un tel système convient à la France, l'erreur serait si évidente, qu'elle n'aurait pas besoin de démonstration.

Puisque j'ai cité Genève, je m'arrêterai un instant sur la situation actuelle de son commerce. Je suis loin de penser que sa réunion à la France lui ait été désavantageuse. En effet, l'une des principales branches de son industrie est l'horlogerie; et si cette ville était encore étrangère, elle ne serait pas aujourd'hui en possession de nous vendre ses montres et ses pendules. Les mêmes ouvrages passent librement à l'étranger; et il est difficile de concevoir comment on a pu présenter, comme un obstacle à l'exportation, le droit presque nul de la balance, qui n'est que de 15 centimes par cent francs de valeur. Genève a aussi des manufactures de toiles peintes. Avant la réunion, ces toiles ne pouvaient entrer en France qu'en payant des droits considérables; maintenant elles entrent librement dans la consommation, et jouissent de la même faveur à l'exportation. Mais, a dit un habitant de Genève, les toiles de coton blanches étrangères sont grevées d'un droit qui nuit aux manufactures de toiles peintes de cette ville. L'observation est encore très-mal fondée, puisque les droits perçus sur les toiles de coton blanches sont restitués aux fabricants de Genève et de son territoire, si après l'impression elles sont renvoyées à l'étranger.

On présente comme un moyen contre l'institution des douanes que, sur un produit brut de 42 millions, le quart'a été employé en frais de régie. On ne peut trop répéter qu'elles ne doivent pas être considérées sous le seul rapport de la fiscalité, mais comme un établissement conservateur dé l'industrie nationale, et souvent même de nos subsistances; car si les douanes n'existaient pas, il faudrait, dans les années où la récolte des grains ne suffit même pas à la consommation, former sur nos frontières un cordon de troupes pour éviter la famine.

Un membre du Tribunat, après avoir passé en revue les manufactures de vingt-cinq départements, en a tiré la conséquence que le régime des douanes était contraire à l'intérêt des papeteries, des savonneries, des tanneries, de notre coutellerie, etc. Cependant, s'il n'y avait pas de douanes, la matière première de nos papeteries passerait à l'étranger, ainsi que nos cuirs en poil; s'il n'y avait pas de douanes, les savons étrangers entreraient en exemption, et nos savonneries ne pourraient soutenir la concurrence; s'il n'y avait

T. V.

pas de douanes, nos manufactures de draps et autres étoffes de laine, de velours de coton, de basins, de bonneterie, de toiles peintes, nos filatures de coton, nos raffineries, seraient bientôt anéanties; enfin, les fabriques de Lyon, qui commencent à sortir de leurs ruines, éprouveraient le même sort, et nos soies grèges, dont la qualité contribue à la beauté des étoffes, nous seraient enlevées par l'Angleterre, qui s'empresserait de profiter de nos fautes, et d'accroître sa puissance de toutes les pertes que nous ferait essuyer un système aussi funeste.

En proclamant la liberté des noirs, nous avons déjà donné un exemple que nos voisins n'ont pas été tentés d'imiter. On peut aujourd'hui apprécier cette opération dite philanthropique; les résultats en sont bien connus.

Pour combattre l'institution des douanes, on a dit qu'elle n'existait point en Suisse. Si le fait était exact, on répondrait que cette république ne peut, sous aucun rapport politique ou commercial, être comparée à la France; mais cette assertion est encore une erreur. La Suisse a des douanes et des péages, non comme en France sur ses frontières, mais dans tous ses cantons.

Dans le canton de Berne, les droits portent sur les personnes, sur les marchandises et les denrées, sur les chevaux et bestiaux. Ils montent jusqu'à trente schellings, suivant la nature et la quantité des marchandises, denrées et bestiaux.

Le canton de Lucerne perçoit les mêmes droits; et les négociants étrangers qui vont de foire en foire, paient encore deux sous par florin du montant de leur vente.

La plus forte partie des revenus du canton de Fribourg consiste dans les droits de douane.

Dans le canton de Bâle, chaque négociant paie un droit sur la valeur des marchandises qu'il fait passer à l'étranger. Le marchand forain paie cinq deniers par florin de toutes celles qu'il achète, qu'il vend et fait vendre dans le pays. L'artisan paie, pour l'ouvrage qu'il envoie au dehors, un quart pour cent de la valeur, et le cultivateur deux sous par quintal des denrées qu'il débite hors du canton; enfin, tous les autres cantons ont également leurs droits de douane et leurs péages.

Les faits que je viens d'exposer sont consignés dans les Mémoires de M. Moreau de Beaumont, sur les impositions et droits établis en Europe, imprimés à Paris, en 1787.

Les systèmes les plus faux, présentés avec toutes les formes oratoires, peuvent faire impression sur quelques esprits amis de la nouveauté; mais, citoyens législateurs, ils ne peuvent soutenir la discussion dans une assemblée qui, sans s'arrêter à l'intérêt de quelques localités, ne voit, ne désire que l'intérêt général, et qui sait distinguer les écarts de l'imagination et les paradoxes les plus brillants, des véritables principes de l'économie politique.

Le Corps législatif ordonne l'impression du discours de Collin.

La discussion est fermée.

Le Corps législatif procède au scrutin et vote l'adoption du projet de loi par 198 boules blanches contre 17 boules noires,

Les citoyens Miot et Jollivet sont introduits.

Le citoyen Miot présente un projet de loi concernant l'ouverture d'un canal de navigation entre les villes de Charleroy et de Bruxelles, dont voici les motifs :

Citoyens législateurs, chargé par le gouvernement de la République de mettre sous vos yeux un projet de loi tendant à autoriser l'ouverture

2

d'un nouveau canal, je n'aurai point à m'étendre en général sur l'importance de ces grandes entreprises. Personne de vous n'a besoin de longs développements pour être convaincu des avantages qu'elles assurent à l'agriculture, au commerce, à l'industrie, et de la gloire qu'elles donnent aux nations. Monuments respectables de l'industrie humaine, les canaux de navigation sont les plus belles conquêtes sur la nature; et l'art qui les crée, qui les dirige, qui aplanit les monts qu'ils ont à franchir, qui, par une sage économie, partage, distribue les eaux destinées à les alimenter, est une des plus heureuses applications des sciences physiques et mathématiques.

Mais, si le Gouvernement doit encourager et provoquer ces travaux, s'il doit faire naître sur tous les points de la France une utile émulation pour ce genre d'entreprises, et nous exciter à rivaliser ou imiter des peuples voisins qui ont multiplié chez eux avec tant de succès ces moyens de richesses et de fécondité, il doit aussi ne jamais permettre à l'imaginatión de s'égarer dans ces sortes de conceptions, et ne proposer à la sanction des législateurs que des plans déjà mùrs par l'observation et la connaissance des ressources que présentent les localités, dont l'exécution n'a rien de chimérique, et n'offrir, s'il est possible, que des certitudes à l'emploi des capitaux qu'il veut attirer vers ces nouvelles spéculations.

Je m'occuperai donc, citoyens législateurs, dans l'exposé des motifs du projet de loi que je vous apporte, uniquement du soin de démontrer que l'entreprise qu'il a pour objet d'autoriser est possible et utile.

L'ouverture d'un canal entre Bruxelles et Charleroy, pour réunir la Sambre à l'Escaut, n'est point une idée nouvelle. Le gouvernement autrichien s'en était occupé, il y a environ un siècle, et regardait ce canal comme un des ouvrages les plus utiles que l'on pût entreprendre et exécuter.

Mais aucune tentative sérieuse n'avait encore été faite, et l'on n'a même retrouvé dans les archives du pays ni plans, ni mémoires qui puissent servir de guide.

Le projet qui a été soumis au Gouvernement, et qu'il a adopté, est donc un travail entièrement neuf, exécuté d'après ses ordres; vous jugerez, par l'analyse que je vais en faire, du soin que l'on a apporté à sa confection.

La distance entre les deux villes de Bruxelles et de Charleroy est d'environ 48 mille mètres par la route ordinaire; mais la direction du canal devant se porter sur les vallons arrosés par les rivières du Piéton, de la Samme et de la Senne, son développement devait être nécessairement beaucoup plus considérable, et, suivant le plan auquel on s'est arrêté, il est de 78,250 mètres.

De cette distance, 18,250 sont, depuis Charleroy, tracés le long du valon occupé par la rivière du Piéton, qui se jette dans la Sambre, et le canal, dans cette longueur, sera alimenté par cette rivière, ainsi que par des rigoles latérales qui amèneront les eaux des ruisseaux et des sources voisines.

La pente de cette partie du canal est de 24 mètres, et sera retenue par douze écluses de deux mètres de chute chacune.

Du côté de Bruxelles, le canal, dans une longueur de 50,500 mètres, suivra les vallons arrosés par les rivières de la Samme et de la Senne, qui se jettent à l'opposite du Piéton dans le grand canal de Bruxelles et de là dans l'Escaut; la pente du canal dans cette longueur est de 105 mètres 58 centimètres, et elle sera retenue par 44 écluses,

ayant les 12 premières deux mètres de chute, et les trente-deux autres 55 centimètres.

Ainsi le canal, dans une longueur de 68,750 sur 78,500, suit deux vallons opposés, dont les eaux se portent du côté du midi dans la Sambre, et da côté du nord dans l'Escaut; mais la réunion de ces deux parties ne peut se faire qu'en franchissant un seuil intermédiaire formé par une chaîne de montagnes qui sépare les deux versants.

La direction à donner au canal pour surmonter cet obstacle et établir le point de partage des eaux est la partie la plus importante du travail, et elle est traitée avec le plus grand soin.

Quatre directions différentes ont été examinées avec détail, et la comparaison exacte des dépenses et des difficultés que chacune d'elle entraînait a seule déterminé le choix qui a été fait.

On s'est donc arrêté à celle de ces quatre direc tions qui présente, à la vérité, la nécessité d'un développement plus considérable, mais qui rencontre le sommet le plus étroit et le moins élevé de la montagne, et qui, par conséquent, entraîne le moins de déblais.

Le devis de la dépense à faire pour chacune de ces directions a même été fait, et il prouve que la première qui a été adoptée serait de La seconde de.

[merged small][merged small][ocr errors]

1,300,000 fr. 2,500,000 3,900,000

5,100,000

Et qu'ainsi le rapport de ces dépenses entre elles est comme les nombres 13, 25, 39 et 51, résultat qui prouve tout l'avantage économique de l'adoption de la première direction.

400 mètres

1,400

2,000

2,800

Ce même avantage se retrouve, et dans des proportions beaucoup plus fortes encore, si, au lieu de faire un déblai pour tracer un canal à ciel ouvert, on se déterminait à creuser un canal souterrain, puisque, dans la première direction, ce canal souterrain serait de. Dans la deuxième, de. Dans la troisième, de. Et dans la quatrième, de. Tout se réunissait donc pour faire adopter la première direction; mais, après s'y être arrêté, il fallait se convaincre de la possibilité d'alimenter et d'entretenir la tranchée du point de partage, qui sera de plus de 8,000 mètres de longueur; et c'est pour acquérir cette conviction, que le jaugeage des rivières et des ruisseaux environnants, dont les eaux peuvent y être amenées par des rigoles latérales, a été fait en détail.

Il résulte de cette opération, qui a eu lieu pendant les mois de thermidor et de vendémiaire derniers, après une assez longue sécheresse, que P'on peut compter sur un produit moyen de 1,936 pouces d'eau (1), qui fournissent en 24 heures 37,000 mètres cubes d'eau, suffisant à la dépense de 108 éclusées supposées de 33 mètres de longueur sur 5 mètres 19 centimètres de largeur et de deux de profondeur, et par conséquent au passage de cinquante-quatre bateaux par jour au point de partage.

(1) Un pouce d'eau est, dans la plus stricte acception, la quantité d'eau qui s'écoule d'un réservoir, dans un espace de temps donné, par une ouverture d'un pouce de diamètre, en supposant le réservoir toujours maintenu à la même hauteur.

Dans la pratique, un pouce d'eau est à peu près égal à un produit de 67 1/2 muids par 24 heures. Un mètre cube contient 3 muids 1/2 d'eau; par conséquent, un pouce d'eau évalué en mesure cubique est égal à 135/7, où 19 mètres 285 millimètres, évaluation qui donne un résultat à peu près égal à celui porté dans ce rapport.

Enfin, en comparant la surface des terrains qui verseraient au bassin de partage du canal de Charleroy avec celle des terrains qui versent aux bassins des autres grands canaux de la France, on trouve qu'elle est moyenne avec celle des canaux d'Orléans, de Languedoc et du Centre (1).

Ainsi le succès du projet paraît assuré; les nivellements, les travaux préparatoires, quoiqu'il en reste encore à faire pour déterminer invariablement la direction dù canal, sont déjà assez précis pour ne laisser aucun doute sur la possibilité de l'entreprise; l'on peut donc calculer les avantages que l'on doit retirer de son exécution, sans crainte d'être trompé dans l'espérance de les voir réalisés.

Je vais examiner en détail ces avantages.

Le canal projeté traverse un pays iche en mines de houille qui s'exploitent dans les environs de Charleroy; plusieurs fosses même sont ouvertes sur la direction du canal projeté.

Les houilles des minières abondantes, situées dans les bois de Marimont, celles de Bellecourt et de Hudincy, se rendront par terre jusqu'à Seneff, où elles s'embarqueront sur le canal, pour être transportées à Bruxelles, et de là dans tous les départements environnants et en Hollande.

Mais, quelque important que soit ce premier résultat de l'entreprise, je dois, citoyens législateurs, fixer particulièrement votre attention sur celui dont les conséquences sont beaucoup plus frappantes, et dont les avantages sont en quelque sorte incalculables; enfin sur celui qui naîtra de la possibilité de transporter à Anvers, en moins de huit jours de navigation, tous les charbons de terre extraits de ces minières. Expédié d'Anvers, où il sera parvenu à si peu de frais, pour les ports de France, ce combustible s'y vendra à un prix égal et inférieur peut-être à celui des charbons tirés de l'Angleterre, qui ne doit également la faculté de nous les apporter à si bon compte qu'à la construction de canaux que l'industrie privée et la plus brillante de toutes les spéculations a fait ouvrir pour porter à Manchester et à Liverpool les produits de ses mines les plus abondantes.

Le canal projeté offrira de plus un débouché commode et facile aux pierres de taille des carrières d'Aquesnes, de Félin, des Ecaussines et de Clabeck, aux marbres exploités sur les bords de la Sambre, au-dessous de Maubeuge, aux pavés de la carrière de Quemasde, enfin aux briques, aux carreaux de terre cuite qui pourront se fabriquer sur ses bords, produits recherchés et demandés par les Hollandais,

Les bois de construction des forêts des Ardennes et du département du Nord prendront la même route pour aller approvisionner le port d'Anvers.

Les manufactures de clouterie établies dans les environs de Charleroy, et qui travaillent, soit pour le service de la marine, soit pour le commerce de nos colonies, prendraient, ainsi que les verreries qui existent déjà dans le voisinage de cette ville, un accroissement et une activité nouvelle.

On peut ajouter encore à tous ces avantages commerciaux ceux qui résulteraient du canal pour l'agriculture, par la facilité du débouché ouvert aux denrées qui iraient se consommer à

(1) La surface du terrain, versant au canal de Charleroy, est de 151 millions de mètres carrés.

Au canal d'Orléans, de 145 idem.
Au canal de Languedoc, de 165 idem.
Au canal du Centre, de 180 idem.

Bruxelles, et celle du retour des engrais que les cultivateurs tireraient de cette grande ville.

Enfin, sous le point de vue militaire, un canal, qui ouvre une communication entre la Sambre, la Meuse et l'Escaut, est d'une importance extrême, et le deviendrait encore plus, si, dans la suite des opérations qui restent à faire, on reconnaissait la possibilité de conduire, du point de partage des eaux, une branche du canal à Mons.

Quant à la dépense qu'entraînerait l'entreprise, elle s'élève, suivant les calculs détaillés, à 6,500,000 francs; mais on a l'espérance fondée que l'on rassemblera facilement les capitaux nécessaires pour y subvenir. Déjà des offres importantes ont été faites. Déjà quelques capitalistes se sont présentés; et lorsque vous aurez, citoyens législateurs, revêtu de votre sanction le projet de loi qui vous est soumis, lorsque vous aurez ainsi reconnu et garanti la possibilité et la sûreté de l'entreprise, il y a tout lieu de croire que le nombre des concur rents s'augmentera promptement, et que les propriétaires des houillères, des manufactures et des carrières dont il accroitra la richesse, s'empresseront d'y placer des fonds qui seront employés avec un double avantage pour eux dans une sensible spéculation.

J'espère, citoyens législateurs, vous avoir suffisamment prouvé, par les détails dans lesquels je suis entré, l'utilité et la possibilité de l'entreprise.

Quant au mode d'exécution, le projet de loi dont je vais vous donner lecture autorise le Gouvernement à saisir l'époque qu'il jugera la plus convenable pour commencer les travaux, à traiter avec les associations ou les compagnies qui pourront se présenter, et à régler les clauses du traité et du tarif, sous la condition que l'un et l'autre seront soumis au Corps législatif pendant le cours de la session qui suivra leur acceptation; enfin il assure des indemnités aux propriétaires des terrains et des usines que la direction du canal peut priver de leurs propriétés.

Toutes ces dispositions garantissent, comme vous le pouvez juger facilement, les principes de notre législation, et le Gouvernement pense qu'elles doivent mériter et justifier la sanction qu'il vous demande pour le projet.

Le citoyen Miot donne ensuite lecture du texte du projet de loi.

Projet de loi.

Art. 1er. Il sera ouvert, à l'époque que le Gouvernement déterminera, un canal de navigation entre les villes de Charleroy et de Bruxel'es.

Art. 2. Les propriétaires des terrains et usines pris par ce canal seront indemnisés d'après les estimations faites conformément aux lois.

Art. 3. Le Gouvernement pourra traiter, s'il le juge convenable, pour la construction de ce canal, avec l'association qui viendrait se présenter; il réglera les conditions du traité et des tarifs, lesquels seront soumis au Corps législatif pendant le cours de la session suivante.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message. Les citoyens Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) et Ségur sont introduits,

Le citoyen Regnauld (de Saint-Jean-d'Angely) présente un projet de loi concernant le curage et l'entretien des canaux et rivières non navigables, digues et ouvrages d'art qui y correspondent. Il en développe les motifs en ces termes :

Citoyens législateurs, une loi qui vous fut présentée l'année dernière, et qui obtint votre sanction, a donné les moyens d'entretien et de conservation des rivières et canaux navigables.

Mais ce n'est pas assez d'avoir préparé les travaux utiles à la navigation et pourvu aux dé

penses qu'ils nécessitent, il faut encore s'occuper des rivières non navigables ; il faut conserver avec vigilance le cours de ces nombreux ruisseaux qui alimentent et enrichissent nos grands fleuves. Il faut empêcher que l'intérêt particulier abuse des eaux qui fécondent et embellissent nos campagnes; il faut empêcher que l'insouciance n'en laisse obstruer le passage, changer le cours, rétrécir le lit, dégrader les rives.

Il faut aussi porter une surveillance attentive sur des eaux moins utiles, plus redoutables, sur celles de ces torrents que les montagnes lancent sur les plaines et contre les cités et les villages.

Il faut conserver la profondeur du lit où ils peuvent courir et gronder sans rien détruire; il faut conserver la force des digues protectrices qui fortifient leurs bords et s'opposent à leur dévastation.

Sur les bords de l'Océan, depuis l'embouchure de la Gironde jusqu'aux rives de l'Escaut, des salines de Marennes aux polders voisins de la Batavie, il faut entretenir ces digues qui défendent des attaques de la mer les conquêtes que l'art et l'industrie ont fait et font encore sur elle.

Près des terres qui furent jadis des marais fangeux, couverts de joncs et de rouches, et qui sont devenues des plaines fertiles, couvertes de riches moissons ou d'herbages abondants, il faut entretenir les canaux de desséchement qui les ont rendues à l'agriculture.

Des réglements non contestés, des usages consacrés par le temps, avaient pourvu à tous les besoins.

De ces règlements, les uns sont tombés en désuétude, les autres ne sont plus applicables depuis le changement de législation et la destruction de la féodalité.

De ces usages, les uns ont été oubliés, négligés par les propriétaires qui les observaient, par l'autorité qui les faisait respecter; les autres, appliqués avantageusement à de vastes domaines possédés par un petit nombre de propriétaires, par un seul quelquefois, ne peuvent plus servir de règle pour des propriétés divisées en un grand nombre de mains.

De là la dégradation des ouvrages d'art qui conservent, défendent de l'envahissement des torrents, des mers et des eaux stagnantes, de vastes parties du territoire français.

Les propriétaires en ont joui trop longtemps avec insouciance; le Gouvernement, après leur avoir conseillé la vigilance et des travaux réparateurs au nom de leur intérêt particulier, doit pouvoir commander cette vigilance et ces travaux au nom de l'intérêt général.

Le temps n'est plus où on négligeait le soin des propriétés anciennes que menaçait l'anarchie, ou des propriétés nouvellement acquises dont la garantie était douteuse.

Des lois tutélaires assurent la durée, le respect de tous les genres de propriété; et, pour prix de cette protection, elles ne demandent à ceux qui jouissent des propriétés, que de les conserver, de les garantir de toutes les causes de dégradation et de destruction.

Lorsque les statuts locaux, lorsque des coutumes équitables auront consacré des formes, des moyens justes et utiles pour effectuer les travaux, lorsqu'aucune innovation n'aura rendu des changements nécessaires, l'administration procédera suivant les errements anciens.

Des modifications seront proposées au Gouvernement, quand des circonstances nouvelles prescriront de nouvelles mesures.

Mais toujours on prendra, pour base de la part de chacun dans le travail ou la dépense, une juste évaluation de son intérêt.

Si le propriétaire croit avoir à se plaindre, il pourra réclamer contre la fixation de cette contribution locale, de la même manière, avec les mêmes formes que contre la fixation des contributions générales, c'est-à-dire devant les conseils de préfecture, avec le recours au Conseil d'État. Ainsi tous les besoins de l'administration générale seront satisfaits, et tous les droits de la propriété particulière seront conservés; ainsi s'appliqueront à une portion importante du territoire et de la fortune publique, les principes et les vues de restauration, de conservation, d'amélioration, qui, après les secousses violentes, sont le premier vœu des peuples, le plus saint devoir des gouvernements, et l'objet le plus pressant de la législation.

Le citoyen Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) donne lecture du texte du projet de loi.

Projet de loi.

Art. 1er. Il sera pourvu au curage des canaux et rivières non navigables, et à l'entretien des digues et ouvrages d'art qui y correspondent, de la manière prescrite par les anciens règlements et d'après les usages locaux.

Art. 2. Lorsque l'application des règlements ou l'exécution du mode consacré par l'usage éprouvera des difficultés, ou lorsque des changements survenus exigeront des dispositions nouvelles, il y sera pourvu par le Gouvernement dans un règlement d'administration publique, rendu sur la proposition du préfet du département, de manière que la quotité de la contribution de chaque imposé soit toujours relative au degré d'intérêt qu'il aura aux travaux qui devront s'effectuer.

Art. 3. Les rôles de répartition des sommes nécessaires au paiement des travaux d'entretien, réparation ou construction, seront dressés sous la surveillance du préfet, rendus exécutoires par lui, et le recouvrement s'en opérera de la même manière que celui des contributions publiques. Art. 4. Toutes les contestations relatives au recouvrement de ces rôles, aux réclamations des individus imposés, et la confection des travaux, seront portées devant le conseil de préfecture, sauf les recours au Gouvernement, qui décidera en conseil d'Etat.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

Le citoyen Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) présente un projet de loi relatif à des acquisitions, concessions, échanges, impositions extraordinaires et ventes, demandes par des communes et des hospices. Il en développe les motifs en ces termes :

Citoyens législateurs, le projet de loi que je vous apporte est rédigé dans la même forme et est fondé sur les mêmes motifs que celui que vous avez sanctionné il y a peu de jours.

Il prépare pour un grand nombre de communes des travaux d'embellissement ou d'utilité; pour plusieurs particuliers, des concessions ou des échanges qui faciliteront l'établissement de maisons, d'usines, de manufactures; pour des hospices, des échanges ou acquisitions qui agrandiront ou amélioreront leur patrimoine,

Chacune des dispositions de cette loi, de peu d'intérêt en apparence, si on la considère isolée, contribuera cependant à attester, dans toutes les parties de la République, l'existence de cette espèce de providence du Gouvernement et de la législation qui excite quelquefois plus de reconnaissance que les lois générales de la plus haute importance.

Elle pourra aussi être honorablement placée parmi les travaux qui distingueront la session de l'an XI.

Le citoyen Regnauld (de Saint-Jean-d' Angély) donne lecture du texte du projet de loi.

« VorigeDoorgaan »