Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Art. 2. Néanmoins les dispositions entre-vifs ou testamentaires, antérieures à la promulgation des mêmes titres du Code civil, et dans lesquelles on aurait fixé les droits de ces enfants naturels, seront exécutées, sauf la réduction à la quoité disponible aux termes du Code civil, et sauf aussi un supplément, conformément à l'article 51 de la loi sur les successions, dans le cas où la portion donnée ou léguée serait inférieure à la moitié de ce qui devrait revenir à l'enfant naturel, suivant la même loi.

Art. 3. Les conventions et les jugements passés en force de chose jugée, par lesquels l'état et les droits desdits enfants naturels auraient été réglés, seront exécutés selon leur forme et teneur.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message,

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux bois des particuliers, des communes et des établissements publics.

Les orateurs du Gouvernement et ceux du Tribunat sont introduits.

Le Président. La parole est à un des orateurs du Tribunat.

Delpierre (1). Citoyens législateurs, la reproduction de nos ressources forestières intéresse éminemment notre agriculture et notre industrie, notre marine et notre architecture, nos plus douces jouissances et nos plus pressants besoins; en un mot, elle doit être rangée dans le nombre des grands moyens sociaux, sans le concours desquels nous ne pourrions subsister comme nation, ni bientôt comme individus. Un administrateur éclairé du siècle de Louis XIV, Colbert, s'alarmait, il y a plus de cent ans, de la diminution progressive de nos combustibles, et il entrevoyait dans cet appauyrissement la cause d'une épouvantable catastrophe pour la France. Encore quelques instants de sommeil et nous touchions à la crise qu'il avait prévue; mais nous pouvons encore la prévenir, et l'un des plus sûrs moyens de l'éloigner, c'est de ne pas abandonner plus longtemps au hasard des circonstances et aux seules combinaisons de l'intérêt privé, une matière qui touche de si près à la prospérité et à l'existence de l'Etat.

Les défrichements sont sans doute une des causes les plus actives de la ruine à laquelle il faut soustraire nos forêts. Autant les défrichements sont utiles et nécessaires aux sociétés naissantes qui ont besoin de territoire, autant ils sont funestes aux peuples civilisés, dont la masse exige désormais des jouissances régulières qui favorisent la reproduction.

L'administration publique de la France sent, depuis plusieurs siècles, la nécessité de mettre un terme à l'envahissement du sol forestier par la culture; mais ses sollicitudes n'ont produit aucun acte conservateur. Son meil languissant mesurait encore les progrès du mal, lorsque la Révolution est venue y mettre le comble. Deux causes nées de cette époque ont précipité le mouvement des extirpations. La première, c'est l'aliénation des bois de moins de trois cents arpents, qui, ayant été acquis au domaine public, auraient dû à jamais y être incorporés; la deuxième, c'est la loi de l'Assemblée constituante, qui, en appliquant sans assez de précaution, à la propriété des forêts, le principe de la liberté absolue d'user de sa chose à son gré, fit abattre et extirper ensuite des milliers d'arpents de bois et de futaies que la France ne reverra plus. Car il n'y a que l'excessive opulence, ou la nature livrée à elle-même, qui puisse créer une forêt; et même si nous sépa

(1) Le discours de Delpierre ne se trouve pas au Moniteur nous le donnons in extenso.

rions ce que nous devons à l'une et à l'autre de ces causes, nous verrions que le génie des hommes a eu bien peu de part dans la génération des ressources que nous avons perdues ou conservées, et que nos constructions civiles et navales, nos arts, nos foyers et nos usines s'alimentent des produits spontanés du sol natal et du superflu des âges antiques.

Dans la Révolution, on a donc abattu sans règle et sans mesure: ici, pour payer un domaine avec ses seules accrues et avoir sa surface entière en bénéfice; là, pour se procurer des capitaux qu'on voulait mettre à l'abri de la Révolution, ou dont on voulait se faire un moyen de salut durant la tourmente. La plupart des bois, mis à blanc être et non encore extirpés, sont aujourd'hui un fardeau pour leurs possesseurs, qui ont abusé au lieu de jouir, qui ont exploité en six mois les coupes de dix années. Il faudra qu'ils attendent longtemps avant d'y porter la cognée, et il leur tarde de défricher. L'Etat a droit de dire à ceux-ci: Vous êtes indemnes; vous avez spéculé pour des bénéfices personnels; mon devoir à moi, c'est de songer à des besoins communs; à ceux-là : En cherchant à dérober votre fortune et votre tête à la menace des événements, Vous avez fait ce que prescrit, à chaque individu, le soin de sa conservation, et moi, en bornant vos jouissances aux fruits de l'arbre que vous arrachiez, je veille, sans vous nuire, à la conservation de massesdont je dois être la providence; vous n'extirperez plus sans m'avertir, et sans que je juge de l'utilité ou du danger de vos projets.

Que de montagnes et de cɔteaux, dépouillés de leur riche et naturelle parure, ont perdu, quelques années après leur défrichement, jusqu'au dernier élément de la reproduction! La couche de terre qui couvre les pentes, une fois remuée par le fer du soc ou de la bêche, un orage suffit pour l'entraîner dans le fond des vallées, d'où elle ne remontera plus vers les sommets. Partout, dans les pays montueux, on a à gémir de ces extirpations insensées qui, d'une foule de sites, riants autrefois, ont banni pour jamais la végétation, le mouvement et la vie, qui ont changé en landes arides d'immenses surfaces couvertes naguère de forêts vigoureuses, dont les massifs alimentaient les sources d'eau vive, entretenaient la fraîcheur dans les plaines, tempéraient la rigueur des hivers, diminuaient la fréquence des gelées, et brisaient la violence des ouragans. Les bois sont un organe essentiel, si je puis ainsi dire, dans la constitution de la terre, comme ils sont une substance nécessaire dans l'économic des sociétés.

Il s'est élevé en France, depuis quelques années, un cri général contre les défrichements.

Les conseils généraux des départements, organes immédiats des besoins publics, en ont formellement voté la prohibition; le projet est conforme à ces vœux; mais, en intimant la défense des extirpations, il établit deux exceptions pleines de sagesse. La première a pour but de laisser aux propriétaires la libre disposition de tous les bois dont l'étendue serait de moins de deux hectares, pourvu qu'ils ne soient pas situés sur le sommet ou la pente des montagnes, à l'égard desquels la prohibition est absolue, Des boqueteaux de cette étendue, ne pouvant être la matière des espérances de l'Etat, ni par conséquent l'objet de ses sollicitudes, doivent rester dans la sphère de la règle qui affranchit la propriété.

La seconde consacre l'inviolabilité du domicile, en considérant, comme une de ses parties intégrantes, les parcs ou jardins clos de murs, de

haies ou fossés attenant à l'habitation principale. La loi regarde le lieu du domicile et tout ce qui le compose, comme un asile sacré, interdit aux regards et à l'action de l'administration publique; aussi elle préserve, avec un soin égal, le propriétaire de toute contrainte gratuite, et le citoyen de toute inquisition domestique.

Enfin, malgré la légitimité de la mesure qu'elle oppose aux défrichements, elle s'abstient de l'élever au rang des règles permanentes; elle en fixe la durée à vingt-cinq années, dans l'espoir que cette période de temps suffira pour réparer nos pertes, rétablir l'ordre dans les aménagements, ramener l'esprit de conservation parmi les propriétaires, et qu'alors son intervention deviendra superflue. Il est impossible de prendre plus de précautions pour borner les écarts inséparables d'une loi circonstancielle.

Après avoir ordonné la conservation, en nature de bois, de toutes les propriétés forestières, la loi devait-elle abandonner entièrement à l'intérêt des possesseurs, le mode de leur aménagement, ou bien lui prescrire des règles d'exploitation? Les rédacteurs du projet, fidèles à leur système, et ne voulant mettre aux propriétaires d'autres entraves que celles qu'exige l'évidence de la nécessité publique, les ont maintenus dans la liberté pleine et entière de régir à leur gré les bois qui leur appartiennent. Ils ont conçu que l'œil du propriétaire individuel est toujours plus clairvoyant que celui d'une administration collective, et que, dès lors que les défrichements lui sont interdits, il appliquera à ses bois le mode d'aménagement le mieux approprié à leur nature, à leur situation et à leur sol, qu'à cet égard il aurait des vues plus justes que n'en peut avoir le Gouvernement, dont l'attention se distribue sur un trop grand nombre d'objets différents. On reconnaît d'ailleurs, dans toute la République, à des signes non équivoques, un grand mouvement de restauration et d'amélioration, Partout les abus, la dissipation et la détresse ont ramené à l'usage, à l'économie et à la prévoyance. Les circonstances favorisent les principes; et le parti le plus sûr comme le plus juste, c'est de livrer l'émulation du bien à son propre essor, et l'intérêt privé à sa féconde énergie.

Comment d'ailleurs le Gouvernement cût-il tracé des règles convenables pour l'aménagement des bois des particuliers? Il ne pouvait choisir qu'entre deux systèmes assujettir tout à une même mesure, ou multiplier les règlements à l'infini. On ne peut soumettre à une règle uniforme et invariable des sols forestiers qui difïèrent à chaque pas, et sous le rapport des espèces, et sous celui de la végétation, sans compromettre la fortune des particuliers et l'espoir de la reproduction. Il faudrait donc, pour agir avec sagesse, faire des règlements analogues aux différentes localités. Mais alors dans quel inextricable embarras se jetterait le Gouvernement ! Que de peines gratuites il se donnerait! Qu'il se confie à la prudence et à l'activité du propriétaire, dont la tendance est de féconder et d'embellir sans cesse autour de lui, souvent moins par esprit de calcul que pour satisfaire son goût dominant et s'enorgueillir de ses créations. Où il sera utile de laisser des réserves, soyez sûrs de les y trouver dans la proportion convenable; le sol, propre à la futaie, y sera destiné; où les cordons réussiront mieux, vous leur verrez ceindre les coupes; le propriétaire fera toujours plus et mieux quand il sera indépendant, et qu'il ne sentira pas se mêler à ses mouvements l'action de l'autorité publique. L'expérience atteste, en tout lieu, que les propriétés

privées sont mieux tenues et plus florissantes que les propriétés communes ou nationales. On ne peut opposer à son irrécusable témoignage que quelques exemples nés des temps de désordre; mais les lois qui aspirent à favoriser le développement de l'industrie, ne sauraient être fondées sur l'hypothèse des bouleversements politiques.

Si le besoin qu'a la France de conserver ses forêts intactes justifie la prohibition des défrichements, l'intérêt de sa marine, auquel se lient et celui du commerce et celui de l'agriculture, fonde le droit de préemption que l'Etat a toujours exercé dans les bois des particuliers. Il doit en effet obtenir la préférence, sur tous les citoyens et sur tous les services, pour les arbres qui sont propres aux constructions navales, sur quelque point du territoire qu'ils se trouvent. Tel est l'objet du martelage de la marine dans les bois des particuliers. Mais cet usage, consacré par les anciennes lois, légitime dans son principe, peut devenir vexatoire dans son application. Le projet le modifie par des amendements notables qui sau veront une foule de désagréments aux propriétaires. Autrefois les agents de la marine se répandaient à leur gré dans les bois des particuliers, et y marquaient, selon leur caprice, des arbres. qui restaient sur pied tant qu'il plaisait à l'administration de les laisser croître. On appelait ces réserves des arbres d'espérance. Il est aisé de concevoir jusqu'à quel point on pouvait, par ce procédé, géner et tourmenter le propriétaire, dont les possessions étaient livrées à une inquisition et à des fantaisies perpétuelles. Aux termes du projet, la marque n'aura lieu dans les bois que quand il voudra les exploiter; il déclarera, six mois à l'avance, au conservateur forestier de l'arrondissement, les coupes qu'il sera dans l'intention de faire; et alors seulement commencera pour lui, et dans les bois seulement qu'il voudra abattre, l'investigation des agents de la marine; il les appellera en quelque sorte lui-même, au lieu d'être exposé au déréglement de leurs visites, et à l'incommodité de leurs opérations.

Depuis dix années surtout, de justes plaintes se font entendre à l'occasion des arbres qui sont coupés pour les approvisionnements de la marine, et qui ne sont ni payés ni enlevés. On eût construit des flottes entières, de l'énorme quantité de ceux qui pourrissent en ce moment sur la place où ils ont été abattus; le projet remédie à cet abus criant, en ce qui concerne le propriétaire, à qui il donne l'autorisation de disposer des arbres qui n'auraient point été enlevés, dans le délai d'un an, par les entrepreneurs de la marine; le Gouvernement, par une surveillance plus exacté sur ses agents, guérira l'autre partie du mal.

Lorsque, dans le projet, tout concourt à tempérer ce que l'ordonnance de la marine avait de rigoureux envers les propriétaires, il ne faut pas se demander s'ils continueront à jouir des exceptions qu'elle avait établies en leur faveur; pir exemple, s'il leur sera libre d'abattre, sans prendre l'attache de persoune, les arbres nécessaires aux réparations de leurs bâtiments. Cette faculté résulte de l'esprit et du texte de la loi. Quand on autorise à défricher, selon leur fantaisie, des bois d'une contenance au-dessous de deux hectares, les empêcherait-elle de couper quelques pieds d'arbres pour prévenir la ruine d'une maison, réparer les ravages d'un incendie, d'un ouragan ou d'une inondation? D'ailleurs, quant à l'article 9, il veut qu'ils fassent la déclaration des coupes qu'ils seront dans l'intention de faire; il entend

parler de l'exploitation régulière d'une certaine quantité d'arpents de bois, et non de la coupe accidentelle de quelques arbres. Tel est le sens que manifeste la libéralité de toutes ses dispositions et le rapprochement de deux de ses articles.

Les portions les plus appauvries de notre sol forestier sont sans contredit les bois des communes. La dent du bétail et la cognée des pillards les menacent d'une destruction prochaine. Le mode de surveillance auquel ils sont plutôt exposés qu'assujettis, est la cause principale des dégradations dont presque partout ils offrent l'aspect affligeant. La garde en est confiée, dans chaque commune, à un ou deux habitants, mal rétribués et renouvelés tous les ans. Les affections de famille et de voisinage, la crainte des haines, et la corruption dont on se fait un salaire, à défaut de traitement, font dégénérer ce système de garde en un vain simulacre de surveillance qui appelle et protége tous les genres de désordres. Pour qu'un homme soit capable d'exercer une surveillance active et sévère, il faut qu'il ait un état permanent qui le fasse vivre, et qu'il soit indépendant de ceux sur lesquels il doit avoir l'œil ouvert. C'est sur ce principe que repose le mode de garde tracé pour les bois communaux, par l'article 11 du projet de loi.

D'après les dispositions de cet article, ces gardes des bois nationaux, nommés, surveillés et révocables par une administration étrangère aux affections privées et aux intérêts locaux, pourront veiller sur les bois des communes qui seront à portée des forêts nationales. Le salaire de ces gardes répartis sur une quantité d'arpents de bois, tant nationaux que communaux, suffisante pour occuper un homme tout entier et lui assurer l'existence, n'excédera guère, quant à la part des communes, les gages qu'elles donnent aujourd'hui à des sentinelles inutiles. L'emploi des gardes forestiers nationaux, dirigé d'après ce plan, en concourant d'une manière puissante à la conservation de ce qui reste de ressources aux communes, aura l'effet d'y étouffer bientôt l'habitude du pillage et d'y ranímer celle du respect pour toutes les productions confiées à la foi publique.

Les gardes des bois nationaux et communaux, organisés d'après ces vues économiques et conservatrices, sont destinés à devenir les agents auxiliaires d'une police d'un ordre plus relevé. Ils feront l'office de la gendarmerie, et concurremment avec elle, dans l'intérieur des bois confiés à leur surveillance; toutefois il est indispensable de borner là l'exercice de leurs fonctions nouvelles. Un garde, distrait de la forêt sur laquelle il veille, ne pourrait plus arrêter les dilapidations, ni en répondre son absence deviendrait le signal du pillage. Mais, en le destinant à ce double service, en l'attachant, dans l'étendue de son cantonnement, à la trace des délinquants et des malfaiteurs, on donne à la police, contre les brigands, un ressort nouveau et plein d'énergie, disposé dans les lieux même où ils se promettent la plus sure retraite. La qualité de garde forestier donnera plus d'adresse aux gendarmes, et celle de gendarme plus d'importance au garde forestier. Craint et respecté à ces titres différents, il contiendra mieux autour de lui la race des pillards et des voleurs. Plus prévenir que punir, voilà le caractère d'une bonne loi répressive.

Les bois des hospices et des établissements publics feront, comme ceux des communes, partie des cantonnements affectés aux gardes forestiers nationaux, dont la nomination est exclusivement attribuée à l'administration générale. Cepen

dant, lorsque cette réunion n'aura ou ne pourra pas avoir lieu, les administrateurs légaux des communes, des hospices et des établissements publics, présenteront à l'approbation du conservateur de l'arrondissement, des gardes spéciaux pour la conservation de leurs bois. Le projet a ménagé, sans doute, ce mode auxiliaire pour les cas où ces bois seraient trop éloignés des forêts nationales pour être susceptibles de la même garde qu'elles; car, lorsque leur amalgame sera possible, il n'y a pas de doute qu'il ne vaille mieux rattacher ces domaines à un plan de conservation général et bien ordonné, que d'en commettre le soin à la langueur et aux affections d'une administration temporaire. Les auteurs du projet ont tellement senti l'avantage d'une mesure sur l'autre, qu'ils ont réservé à l'administration forestière le droit de destitution, dans le cas même où l'article 10 serait exécuté: or, destituer, c'est presque

nommer.

Indépendamment des bois du domaine, des communes, des hospices et des établissements publics, il y a ceux qui appartiennent à des particuliers, dont la garde est confiée à des hommes choisis par les propriétaires. Le projet de loi exige prudemment que ces individus, qui sont revêtus d'une sorte de caractère public, puisque leurs témoignages obtiennent foi en justice, jusqu'à inscription de faux, soient agréés par les conservateurs avant d'exercer aucune fonction, Sans doute, le propriétaire a un grand intérêt à préposer à la conservation de ses bois l'homme le plus sévère; mais la société en a un grand aussi, å ne laisser assermenter que le plus honnête homme, que le meilleur citoyen.

Tous les gardes des particuliers exerçant un ministère également important, l'examen et l'agrément du conservateur doivent porter sur ceux qui sont déjà nommés, comme sur ceux qui le seront à l'avenir. Cette précaution dissipera ou préviendra le danger des choix qui auraient leurs causes dans des passions que ne dirige pas le sentiment du bien public; elle donnera une garantie rassurante aux citoyens et au Gouvernement, sans porter atteinte en aucune manière aux droits des individus. Car un individu, quel qu'il soit, ne peut pas plus donner au public, de son autorité privée, un officier de police qu'un juge; et un garde forestier est un véritable officier de police dont les procès-verbaux amènent tous les jours une foule de citoyens aux pieds de la justice.

Le pouvoir d'agréer, attribué au conservateur, remplace la formalité illusoire, connue sous le nom d'information de vie et de mœurs, qui avait lieu autrefois par-devant le tribunal d'arrondissement avant qu'il n'admît le garde à prêter serment et qu'il n'enregistrât sa commission. Ce ne sera plus le témoignage bénévole de quelques voisins ou amis qui le fera recevoir; ce sera le suffrage éclairé d'un ordre d'hommes, qui verra la chose de trop haut pour repousser de bons choix ou pour en sanctionner de mauvais.

L'article 17 du projet de loi porte que les gardes des bois nationaux, ceux des communes, des hospices et des établissements publics, formeront un seul corps, sous le titre de garde forestière. Cette disposition présente d'abord à l'esprit l'image d'un corps forme sur le modèle de ceux dont l'armée se compose; mais, d'après l'ensemble du projet, son organisation sera purement civile et telle doit être sa nature pour qu'elle atteigne le but qu'on se propose. En effet, les chefs naturels des gardes forestiers sont les administrateurs généraux des forêts, les conservateurs, les inspecteurs

et les sous-inspecteurs. Si cette organisation se faisait d'après une base militaire, ces gardes échapperaient à l'autorité à laquelle ils appartiennent; et les forêts, où ils doivent être comme enfermés, deviendraient la proie des délinquants par l'effet de leur obéissance à un double pouvoir. Leur subordination à l'administration forestière, qui ne pourrait être divisée sans avoir les suites les plus fâcheuses, n'empêchera pas qu'ils ne donnent la chasse aux malfaiteurs réfugiés dans les bois, qu'ils ne servent de guides et d'auxiliaires à la gendarmerie qui les fouillera avec eux. Dans ce cas, on réunit sous leur surveillance deux objets qu'ils peuvent embrasser; dans l'autre, on partagerait leur personne entre deux devoirs, dont le principal souffrirait nécessairement de toute l'attention et de tout le temps donnés à l'accessoire.

Je viens de passer en revue les principales dispositions du projet. Vous aurez sans doute remarqué, citoyens législateurs, ainsi que le Tribunat, que les règles d'une administration forte et d'une police sévère n'y sont jamais tracées aux dépens des droits essentiels de la propriété. Si, sur deux points seulement, elle en restreint l'exercice, c'est que la nécessité publique le commande : les individus doivent y obéir, comme les gouvernements doivent y pourvoir. Les droits des premiers ne reprennent leur force entière que quand l'usurpation commence de la part des seconds. Mais la loi, par la rigueur qu'elle exerce envers elle-même, par les bornes qu'elle pose à son autorité, n'a heureusement laissé dans son texte, ni matière aux plaintes, ni objet aux vœux des propriétaires.

Le Tribunat en a voté l'adoption.

Le Corps législatif ordonne l'impression du discours de Delpierre.

Aucun autre orateur ne demandant la parole, la discussion est close.

Le Corps législatif procède au scrutin et adopte le projet de loi à la majorité de 201 boules blanches contre 13 boules noires.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi tendant à établir, dans chacune des villes de Brest et de Toulon, un commissaire général de police.

Les orateurs du Gouvernement et ceux du Tribunat sont introduits.

Le Président. Le citoyen Costé, orateur du Tribunat, a la parole.

( Nota. Costé se bornant à reproduire les termes de son rapport au Tribunat, fait dans la séance du 7 floréal, nous renvoyons le lecteur à cette date.) Aucun autre orateur ne demandant la parole, la discussion est fermée.

Le projet de loi est mis aux voix et adopté par 198 boules blanches contre 5 boules noires. La séance est levée.

TRIBUNAT.

PRÉSIDENCE DU CITOYEN COSTAZ. Séance du 9 floréal an XI (vendredi 29 avril 1803). Le procès-verbal de la séance du 7 floréal est adopté.

Le Corps législatif communique par un message un projet de loi relatif aux curage et entretien des canaux et rivières non navigables.

Le Tribunat renvoie ce projet de loi à la section de l'intérieur, et en fixe le rapport au lundi 12 floréal.

Un deuxième message du Corps législatif com

[blocks in formation]

Un troisième message du Corps législatif communique un projet de loi concernant des acquisitions, concessions, échanges, impositions et ventes demandés par des communes et des hospices.

Le Tribunat renvoie ce projet de loi à la section de l'intérieur, et en fixé le rapport au lundi 12 floréal.

Un quatrième message du Corps législatif communique un projet de loi relatif à l'état et aux droits des enfants nés hors mariage, dont les pères et mères sont morts depuis la promulgation de la loi du 12 brumaire an II.

Le Tribunat renvoie ce projet de loi à la section de législation, et en fixe le rapport au lundi 12 floréal.

Jaubert (de la Gironde) fait un rapport sur le projet de loi, livre III, titre II du Code civil, concernant les donations et les testaments (1).

Tribuns, la prérogative la plus éminente de la propriété, c'est le droit de la transmettre volontairement et à titre gratuit.

Quel objet pourrait exciter un plus grand intérêt chez tous les citoyens?

Chacun a quelques facultés ou quelques espé

rances.

Tous souhaitent pouvoir exercer leur bienveillance envers ceux qui sont l'objet de leur affection.

Aucun n'est étranger à cet orgueil attaché à l'empire que les hommes ont voulu s'assurer sur leurs propriétés, en se soumettant pour leurs personnes à la puissance publique.

La matière des dispositions à titre gratuit est celle qui a le plus occupé les législateurs de tous les pays c'est en effet le droit civil de chaque peuple qui doit régler cette transmission, puisque, la propriété réelle finissant avec l'homme, l'exécution de sa volonté ne peut être garantie que par la protection de la société.

Une grande partie de la France avait profité de la théorie des Romains; l'autre partie avait ses coutumes.

Mais, soit en pays de droit écrit, soit en pays de droit coutumier, il y avait une jurisprudence interprétative.

Encore dans le même pays, quelquefois dans le même tribunal, la jurisprudence n'était pas toujours uniforme.

Les trois grandes ordonnances du chancelier d'Aguesseau sur les donations, les testaments et les substitutions, avaient tranché de grandes difficultés; mais les lumières et le zèle de ce grand homme n'avaient pu remédier qu'à une partie du mal.

Outre les obstacles résultant de la nature du Gouvernement, il n'était pas alors permis d'espérer qu'aucune partie de la nation renonçât à ses lois.

Un effort général pouvait seul surmonter tant et de si grands obstacles.

Aujourd'hui la nation n'a qu'une volonté.

Si aucun de nous ne peut oublier le pays dont la confiance lui a préparé l'entrée dans cette enceinte, il sait du moins que ce n'est pas des

(1) Nous donnons le rapport de Jaubert d'après les impressions ordonnées par le Tribunat. Cette version est plus complète que celle du Moniteur.

usages particuliers qu'il est chargé de défendre. Aussi nous devons vous l'annoncer, citoyens tribuns, le projet de loi dont votre section de législation m'a chargé de vous rendre compte, s'il est destiné à devenir le patrimoine commun, ne pourra jamais être considéré comme le triomphe d'une partie de la France sur l'autre.

Plan du projet de loi.

L'ordonnance du projet comprend toute la matière des dispositions entre-vifs et testamentaires.

Il présente d'abord des vues générales sur la nature et l'effet des diverses dispositions.

Il trace ensuite les règles sur la capacité de disposer et de recevoir.

Tous les Français qui ont le libre exercice des droits civils peuvent user du droit de disposer, mais tous ne peuvent pas l'exercer avec une égale latitude.

Les mêmes règles ne peuvent pas être communes, et à l'individu qui a le bonheur d'avoir des enfants, et à celui qui, n'en ayant pas, jouit encore de la présence de son père, ou de sa mère, ou d'autres ascendants, et enfin à celui qui ne laisse ni descendants pi ascendants.

Le projet de loi détermine les différentes réserves suivant la qualité, l'ordre et le nombre des personnes.

Si la disposition est excessive, la loi fixe les règles d'après lesquelles l'équilibre devra être rétabli.

Après avoir embrassé presque du même coup d'œil les dispositions entre-vifs et les dispositions testamentaires, le projet trace les formes et les effets particuliers des unes et des autres.

L'homme dispose de la totalité de ses biens, ou sculement d'une partie, ou enfin d'une chose déterminée. Chacune de ses dispositions est organisée.

Le caractère distinctif des dispositions entrevifs, c'est l'irrévocabilité.

Toutefois cette règle doit avoir quelques excep tions.

Il y en a que la morale réclame, d'autres sont nécessaires pour l'intérêt de la société elle-même. Les dispositions testamentaires sont essentielment révocables; le mode de révocation sera réglé. Il était important de prévoir le cas où des héritiers de la volonté se trouveraient en concours avec des héritiers de la loi.

Le projet détermine leurs droits et leurs obligations.

Cet aperçu ne vous annonce, citoyens tribuns, que des règles générales et uniformes.

Mais ne craignez pas que le projet se taise sur les prérogatives que certaines dispositions doivent tenir de la loi, et pour l'intérêt des mœurs publiques et pour celui des unions légitimes.

Le projet s'occupe des partages que le père de famille veut lui-même organiser, des dispositions permises en faveur des petits-enfants et des neveux. Il s'occupe aussi des dispositions en faveur du mariage.

Toutes les parties du projet ont obtenu l'assentiment de votre section de législation. Elle vous doit compte de ses motifs.

Règles générales.

On pourra disposer de ses biens à titre gratuit; mais ce ne sera que par la donation entre-vifs ou par testament (1). La distinction des dispositions

(1) Article 183.

de dernière volonté en testaments, codiciles, ou donations à cause de mort, ne subsistera plus; on ne connaitra qu'une seule espèce de dispositions de dernière volonté : elles s'appelleront testaments.

Pour qu'une disposition à titre gratuit soit valable, la transmission devra s'opérer directement et immédiatement de la part de l'auteur de la libéralité, en faveur de celui qui en sera l'objet. Les substitutions étaient déjà réprouvées depuis 1792, elles seront à jamais prohibées. Ainsi le voulaient l'intérêt du commerce, celui de l'agriculture et le besoin de tarir une trop abondante source de procès (1).

Néanmoins il faut bien entendre ce que la loi défend. Ce n'est autre chose que ce qui était connu, dans l'ancien droit, sous le nom de fidei

commis.

Je donne ou lègue ma maison à Pierre, à la charge de la rendre à Jean. C'est cette disposition qui sera nulle même en faveur de Pierre.

Mais il en serait bien autrement, si je ne fais que prévoir le cas où Pierre ne recucillerait pas par lui-même l'effet de ma libéralité, ou parce que je lui survivrais, ou parce qu'il serait incapable de recueillir, ou enfin parce qu'il ne voudrait pas accepter ma disposition: dans ces divers cas, je puis appeler Jean (2).

Cette disposition était connue autrefois sous le nom de substitution vulgaire; elle sera autorisée, et avec raison, puisque, pour cette transmission, il n'y a point d'intermédiaire entre l'auteur de la disposition et l'individu qui en est l'objet.

C'est par la suite du même principe qu'il doit être permis de donner à l'un l'usufruit, et à l'autre la nue propriété (3).

En matière de disposition des biens, il ne peut y avoir de facultés que celles qui sont définies par la loi. Ainsi, le projet ne s'expliquant pas sur l'ancienne faculté d'élire, le silence de la loi suffit pour avertir que cette faculté ne peut plus être conférée.

Heureuse interdiction! que de procès prévenus! que d'actes immoraux épargnés à un grand nombre de ceux que l'exercice de cette faculté d'élire aurait pu intéresser!

L'homme peut donc disposer, pourvu qu'il le fasse, ou par une donation entre-vifs, ou par un testament, et qu'il s'agisse d'une transmission directe et immédiate.

Il peut disposer purement et simplement, ou sous condition.

S'il se trouve dans l'acte des conditions impossibles par la nature des choses, ou s'il y a des conditions contraires aux lois ou aux meurs, les conditions de cette espèce seront réputées non écrites, et l'acte sera maintenu, de quelque nature qu'il soit, ou donation ou testament (1).

De la capacité.

Après les règles générales, le projet s'occupe de la capacité.

Pour faire une donation entre-vifs ou un testament, il faut être sain d'esprit (5).

Cet article a d'abord causé quelque surprise. Ne faut-il pas être sain d'esprit pour tous les actes? Si on le dit particulièrement pour les dispositions à titre gratuit, ne faudra-t-il pas alors

(1) Article 186. (2) Article 188. (3) Article 189. (4) Article 190. (5) Article 191.

« VorigeDoorgaan »