Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

suis bien gardé d'affirmer qu'une localité existât sur ce point à l'époque où cette pierre avait été travaillée.

Lors donc qu'on a rencontré le sarcophage de la Miséricorde, on a eu tort de prétendre, sans autre preuve, qu'il y avait à cet endroit un cimetière du Ve siècle, et par conséquent l'assiette d'une ville ou d'un village de la même époque.

Si ce cercueil était là, au-dessus du niveau du sol, je le répète, c'est qu'on l'y avait placé pour servir d'auge au pied du réservoir. Mais rien ne dit qu'on l'eût tiré de cet endroit on l'avait porté d'Elne peutêtre, ou de Castel-Roussillon.

On devrait pourtant être mis en garde contre ces écarts de l'imagination par un précédent fameux dans l'histoire locale. Il y avait jadis dans notre ville une inscription sur le témoignage de laquelle Marca et, après lui, dom Vaissète et l'Institut firent de Perpignan un municipe romain; la pierre était absolument authentique et le texte parfaitement clair. Mais un jour on s'avisa que cette inscription avait, elle aussi, voyagé et qu'elle venait de l'île d'Ivice. La constatation fut décisive et le fait est assez connu pour que j'aie lieu d'être quelque peu étonné d'avoir à le rappeler.

P. S. Depuis la rédaction de la note qui précède, j'ai vu au musée de Toulouse des fragments et un sarcophage entier qui présentent de frappantes analogies avec celui de la Miséricorde. Ce dernier appartient donc à un type dont il serait possible sans doute de retrouver d'autres exemplaires.

Il s'agit d'un fragment de linteau de porte très riche, qui a été trouvé aux abords du Castillet.

RAPPORT

SUR LE CONCOURS LITTÉRAIRE DE 1887,

Par M. BARJAU, Membre résidant.

MESDAMES, MESSIEURS,

En prenant la parole aujourd'hui dans cette enceinte. pour rendre compte du concours de poésie, au nom de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire, mon premier devoir comme mon premier sentiment est de remercier mes collègues de la section des Lettres qui m'ont comblé en me confiant une pareille mission. J'ai dû, je l'avoue, me faire un peu violence pour ne pas rester trop au-dessous de ce témoignage de confiance, pour ne pas manquer à la cause des Lettres ni à la cause des Muses. Des hommes éminents, dont j'honore le zèle et le caractère, ont conçu, il y a plus d'un demi-siècle, la noble idée de chercher à maintenir les choses de l'esprit à une hauteur convenable dans les trois ordres agricole, scientifique et littéraire, d'aimer la science et la gloire qu'elle procure, d'entretenir cette étincelle du feu divin, cette flamme d'Iule qui décore et ne dévore pas, selon la belle expression de Sainte-Beuve. Leurs continuateurs m'ont

admis un jour dans leur compagnie, et, naguère m'ont chargé d'aider efficacement, bien qu'humblement, aux progrès des Lettres. J'ai accepté, parce que je sais que s'il reste encore quelque part un peu de bienveillance, c'est au sein de la Société qu'elle s'est réfugiée. Et puis comment résister aux pressantes sollicitations de collègues si sérieux, si profonds, dont la haute compétence, dont le jugement juste et sage facilite si bien votre travail.

C'est donc du concours de poésie française que je dois vous entretenir. La commission composée de plusieurs membres a pris individuellement une connaissance sérieuse et réfléchie de chacune des pièces envoyées; puis, à un jour déterminé, tous réunis, nous nous sommes communiqué nos impressions, et, après mûre délibération, nous avons arrêté la liste de mérite.

Cinq sujets de concours avaient été annoncés:

1° Histoire locale du Roussillon.

2o Archéologie locale (monographie d'un monu-ment).

3° Poésie française (sur un sujet traitant du Roussillon).

4° Poésie française (sujet facultatif).

5° Poésie française (genre humoristique).

Un seul a été abordé, c'est le sujet de poésie française, genre facultatif.

Dix-huit concurrents ont soumis leurs inspirations à notre jugement; douze ont été, à l'unanimité des voix, ajournés comme ne présentant pas ce qu'on est en

droit d'exiger de poètes concourant en vue de l'obtention d'une récompense sérieuse. Les six survivants ont été classés dans l'ordre suivant:

1o Le Cèdre, par M. Ch. Peyronnet, pharmacien à Rabastens;

2o Titre et auteur anonymes;

3o Sonnet sur Lafontaine, par Me Ouradou, de Brassac;

4° Le Poète et le Rossignol, par M. L. Rives, directeur de la chorale « Echo de l'Agly, de SaintPaul;

5o Le Monde sous-marin, par M. Elie Sorin, homme de lettres, à Paris;

6o Raphaël, par Augustin Capdeville, de Béziers.

Sur ces six pièces, une seule a mérité le prix, c'est la première nommée. Est-ce à dire que les autres soient sans mérite? Je me garderai bien de le dire. Que leur manque-t-il donc ? Cela, dit Victor Hugo quelque part, Cela, c'est l'Inconnu; cela, c'est l'Infini. Si Corneille avait Cela, il serait l'égal d'Eschyle; -si Milton avait Cela, il serait l'égal d'Homère; - si Molière avait Cela, il serait l'égal de Shakspeare; si les cinq Accessits avaient eu cet Inconnu qui leur manque, ils auraient été classés au premier rang.

La pièce couronnée est une charmante fantaisie intitulée Le Cèdre. Bien que le sujet ait été traité maintes fois par des poètes sérieux, nous avons trouvé, dans les vers de notre lauréat, des images saisissantes, des rimes riches, la forme irréprochable. On éprouve en les lisant un plaisir, un charme infinis. L'auteur s'exprime ainsi :

Je suis le Cèdre altier, d'une noble origine :
Au sommet du Liban Jéhovah m'a plantė,
Et dans un saint transport, sur sa harpe divine,
Le prophète David, autrefois, m'a chanté !

Ma large frondaison projette au loin son ombre;
Mon corps ne cède pas sous le fardeau des ans ;
Jamais l'ardent soleil dans ma ramure sombre
N'a pu faire glisser ses rayons pénétrants.

Je brave avec dédain, sous le ciel tutélaire,
Des frimas conjurés la tenace rigueur :
L'hiver ne glace pas ma tige séculaire ;
Car, vieillissant, ma sève augmente de vigueur.

Aux regards des mortels je dérobe ma cime;
Mon dome se confond avec l'azur des cieux;
Seul, l'aigle, roi de l'air, dans un essor sublime,
A le droit d'admirer mon faite audacieux.

Ce tableau produit une impression à la fois grande et forte. Tous les détails en sont bien rendus : « Sa

[ocr errors]

large frondaison, l'ardent soleil, la ramure sombre, sa tige séculaire, etc. » La progression des idées va croissant les racines, la sève, la cime, son bois odorant, son écorce sur laquelle Rome burinait les « glorieux exploits de son peuple d'athlètes. » Un seul mot de la 6° strophe, le mot fougueux, appliqué au murmure du torrent, n'a pas paru heureux; le poète a voulu dire sans doute bruyant, retentissant.

Il ne m'est pas possible d'abandonner le Cèdre sans en citer encore quelques strophes réellement belles.

« VorigeDoorgaan »