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le 7 ventose il dit qu'il vit avec son associé et son commis et qu'ils font venir leur nourriture de l'auberge pour économiser les frais d'une domestique.

Il parle souvent des sommes importantes qu'il lui faut, tant pour se soigner que pour constituer son fonds. de magasin. Le 3 germinal il écrit que quelques scélérats veulent le dépouiller de son

<< il m'en coûtera quelques mille livres,

patrimoine : mais nous

« aurons toujours de quoi vivre en bons sans« culottes et mon commerce suppléera au reste. » Dans une lettre du 8 germinal il dit : « Je fais des « dépenses considérables dont ma santé et d'autres « circonstances sont la principale cause. C'est une « grêle qu'il faut savoir endurer; ce serait bien pis si « l'ennemi s'était emparé de tout, la providence est juste, elle réparera nos pertes. »

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Marguerite était venue le rejoindre à Paris; il écrit le 3 germinal « Marguerite vous dit mille choses; son service m'est très utile ;... elle est une preuve que le bon cœur vaut mieux que l'esprit.

Il n'est jamais question de sa femme dans cette correspondance.

Il avait l'intention de faire venir sa mère à Paris; il

Nous pensons que Lucia fait ici allusion à sa situation d'accusé; il ne parle jamais à sa mère du mandat d'arrêt délivré contre lui. Etant détenu à domicile sous la garde d'agents révolutionnaires, il jouissait en réalité d'une grande liberté, mais il fallait payer ses gardiens et les payer cher probablement, car ceux-ci se montraient fort accommodants. On voit par une lettre du 7 floréal qu'il sortait tous les jours à pied ou en voiture. Il disait à cette date: « Je dois bien des grâces à la providence qui me console et me soutient dans la tourmente des persécutions. >

lui dit le 17 germinal qu'il ne pourra lui parler complètement de ses affaires que lorsqu'ils seront ensemble.

Il n'est jamais fait mention de personnages politiques et Lucia semble avoir été abandonné de tous ses anciens amis. A ce moment Guiter était en prison, Birotteau avait été exécuté à Bordeaux, Montégut était un être inepte1; mais il y avait deux autres députés du département avec lesquels Lucia avait pû être en relations: Fabre (de Vinça) et Cassanyes. Il est vrai que le premier était un homme d'une timidité extrême, pour ne pas dire un poltron, et qu'il aurait peut-être craint de se compromettre.

Il ne semble pas qu'il y eût beaucoup de sympathies entre Lucia et Cassanyes; celui-ci remarque dans ses mémoires que le procureur-général-syndic le reçut avec beaucoup de sans-façon à son arrivée dans le département. Cassanyes fut très frappé de la condamnation de Sérane, qui lui parut un des crimes les plus caractéristiques de la Terreur; il ne dit pas un mot du séjour de Lucia à Paris. Ces deux hommes différaient trop par le caractère : Cassanyes franc, loyal, dévoué,

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C'est ainsi que le désigne Cassanyes.

Lorsque Dagobert fut arrêté dans sa marche sur la Seo d'Urgel par Cassanyes, Lucia écrivit une lettre au général dans laquelle (contrairement à ses habitudes) il se permit d'amères réflexions sur le rôle des représentants; mais il n'avait pas bien peur de Cassanyes. Il serait bien à désirer que chacun se renfermât dans les bornes de ses fonctions. Le zèle ne supplée pas toujours au talent et l'on ne sait bien que ce que l'on a appris par théorie et par une longue pratique... Si nous ne pouvons par faire tout le bien que nous entrevoyons, faisons au moins tout celui qu'il nous est permis de faire. M. Vidal (Tome II, page 76) ne semble pas avoir remarqué que cette critique sévère s'adresse à Cassanyes.

Lucia léger, changeant et toujours prêt à abandonner ses amis.

On est encore plus étonné de ne pas voir Lucia en relations avec Letourneur et les députés qu'il avait connus intimement; mais ils ne tenaient peut-être pas beaucoup à se trouver en contact avec un accusé. D'ailleurs il ne faut pas trop s'attacher au sens littéral quand on examine les correspondances de cette époque. Letourneur accable Lucia de compliments; cette extrême politesse et ces grandes démonstrations d'amitié ne sont le plus souvent, au XVIII° siècle, que des formules s'alliant très bien à une grande indiffé

rence.

L'isolement pèse à Lucia. Il disait le 23 ventose : « Tout se compose dans la vie d'un côté des maux et « des chagrins, de l'autre des remèdes et des consola<<tions. C'est ce que j'éprouve d'une manière sensible. Je << trouve ici des amis faits pour m'attacher à la vie et << pour me faire oublier l'ingratitude de quelques << hommes. » Le 8 germinal: « Je ne reçois aucune << nouvelle pour ce qui intéresse nos affaires, j'en « présume la cause, mais il faut respecter toutes les

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Lucia était malade depuis longtemps; il était atteint

Cet abandon était bien dans les mœurs de l'époque. Nous avons dit avec quelle indifférence il parle de Dougados arrêté. Pendant les démêlés de Dagobert avec Fabre, il est fort embarrassé; il avait partagé l'enthousiasme universel, mais il n'ose pas se prononcer contre les représentants. Il écrit à Siau, le 2 octobre:

Ne reve

nons pas sur le passé! Cela m'entraînerait dans des explications que je garde pour notre première entrevue. Il craignait de parler de la démission de Dagobert.

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d'une hydropisie sur laquelle il donne de nombreux détails dans sa correspondance'. Le 23 août il écrit à sa mère « Je me porte bien, mes jambes ne sont plus << si enflées et mon humeur s'écoule par les urines très << abondamment. » Le 29 septembre: «Ma santé est «bonne, mes jambes se dégorgent; j'ai appétit et je « prends des chairs. »

Les inquiétudes, de toute nature, qui vinrent l'accabler à la fin de l'année, furent évidemment très nuisibles. à sa santé. Le 8 pluviose il écrit: «Ma santé va bien, mais, à mesure que je désenfle, je sens plus ma <«< faiblesse; ma tête surtout s'en ressent; je suis << incapable d'aucune application sérieuse; je ne puis <«< écrire sans être fatigué. Mon corps et mon âme ont «bien souffert; je me félicite tous les jours du parti « que j'ai adopté. » Le 7 ventose: « Mon médecin << trouve beaucoup de mieux dans mon état et paraît « bien persuadé que l'été me restituera des forces, que <«<les peines et les fatigues ont bien épuisées. C'est << surtout mon estomac qui est souffrant ; ... comme j'évacue une humeur qui était depuis trois ans << stagnante, je sens qu'il faut prendre patience et je le fais. » Le 27 germinal: « Ma santé va un peu mieux

«

«< qu'elle n'a été tout cet hiver; mes cuisses et mes jambes ont été un peu dégagées... Mon estomac se répare un peu ; je fais usage du garus et je verse << par le fondement des eaux considérables, ce qui me

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Nous sommes obligé d'insister sur ces détails parce qu'il est essentiel de montrer que la mort prématurée de Lucia n'a rien que de très naturel.

d soulage d'autant. » Le 7 floréal i annonce que l'enflure des jambes a presque totalement disparu.

Le 21 pluviose, quand on était venu pour l'arrêter, on avait constaté qu'il ne pouvait être mené en prison; « ayant les deux jambes et la main gauche « très malades et tout le corps dans un état d'enflure « générale, étant obligé de faire panser ses jambes <«< deux fois par jour... » Les agents du Comité révolutionnaire de la Halle au blé décidèrent qu'il resterait chez lui sous la surveillance de deux gardiens.

Il mourut le 5 prairial dans sa maison; l'acte de décès lui donne simplement la qualité de libraire; il est possible qu'il fit mystère dans son entourage de son ancienne situation.

A Perpignan le District avait ordonné le 18 floréal de mettre les scellés sur les papiers de Lucia, parce que la maison était abandonnée et qu'il pouvait y avoir dans son cabinet des documents précieux pour l'administration.

Le 14 messidor l'agent national requit la saisie des biens appartenant à Sérane, Fabre et Vaquer, condamnés à mort; il ignorait ce qu'était devenu Lucia et croyait qu'il avait partagé le sort de ces trois malheu

Nous sommes bien loin, on le voit, de l'époque de l'exécution des Girondins, guillotinés le 10 brumaire, soit 6 mois auparavant. M. Vidal tient ses renseignements d'une vieille femme, qui aurait été domestique chez la mère de Lucia. Des commérages de servante sont rarement d'un grand secours pour les historiens. L'auteur a d'ailleurs été mal renseigné sur les affaires de la famille. Il dit à tort qu'il y eut séparation entre Adélaïde et son mari et que les biens furent acquis au Domaine après la mort de celui-ci. Le mari fut le tuteur de sa femme devenue folle et mourut avant elle. Les souvenirs de la boune et vieille Raballa étaient évidemment fort peu précis.

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