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ses degrés vivants, sous une forme complète et saisissante que ne peuvent révéler aujourd'hui des volumes innombrables. Dans les sciences philosophiques il ne serait plus possible d'abuser de l'ambiguité des termes, les contradictions et les paralogismes seraient dénoncés par les contradictions des éléments alphabétiques destinés à les représenter; la table des noms successifs d'une chose serait l'histoire d'une idée; la substance d'un livre étant renfermée dans quelques lignes, il serait possible de comparer des doctrines comme on compare aujourd'hui des quantités, d'établir mathématiquement l'égalité, la supériorité et l'infériorité des systèmes, de poursuivre avec méthode la découverte des vérités nouvelles, et de montrer sous la diversité infinie l'unité divine et providentielle de tous les ordres de la création. On comprendrait alors ces paroles de Leibnitz. « Le genre humain possèdera un nouvel instrument logique qui rendra plus de services à l'intelligence que les instruments d'optique à la vue, et qui sera aussi supérieur au microscope et au télescope que la raison l'est aux yeux, et jamais l'aiguille aimantée n'aura été plus utile aux nautonniers que cette nouvelle boussole à ceux qui naviguent sur la mer des expériences, experimentorum mare tranantibus.

» Les conséquences de cette découverte dépendent de la Providence, mais elles ne peuvent être que grandes et bonnes. Les hommes peuvent abuser du développement de leurs facultés, la droite raison seule est toujours salutaire, et qui pourra douter de sa rectitude, lorsqu'enfin

tous ses procédés seront aussi clairs, aussi évidents que ceux de l'arithmétique? (1) "

L'apòtre de la civilisation apprendra avec une promptitude prodigieuse la langue du sauvage, car l'idiome le plus barbare renferme aussi bien que le plus parfait la langue adamique tout entière; au lieu de se borner à donner à ses frères des traductions toujours imparfaites, le propagateur de la vérité leur présentera des textes originaux. Une simple clé alphabétique, avec ses déterminatifs et ses hieroglyphes primitifs en regard, permettra aux néophytes de pénétrer sans peine le sens intime des livres sacrés et d'étudier des traités relatifs à l'enseignement de toutes les sciences et de tous les arts utiles.

En un mot, la perfection idéale du langage consiste dans la réunion des caractères suivants : Précision, clarté, universalité, immuabilité. Ses effets nécessaires sont la simplification de l'étude des langues ralliées autour d'un centre commun, et par suite, la simplification des méthodes techniques d'enseignement, et l'application

(1) Cuncta ad numeros revocabit, et ut ponderari etiam rationes queant velut quoddam staticæ genus dabit. Religio vera quæ maximè rationi consentanea est, stabilita erit et non magis in posterùm metuenda erit apostasia, quàm ne homines arithmeticam aut geometriam, quam semel didicere, mox damnent. Itaque repeto, quod sæpè dixi, hominem, qui neque Propheta sit ncque princeps, majus aliquid generis humani bono nec divinæ gloriæ accommodatius suscipere unquàm posse. (Leibnitz. OEuv. phil., p. 553.)

possible du calcul à tous les genres de démonstration, la diffusion des sciences et des arts, l'organisation universelle des expériences et des travaux scientifiques.

En dernier résultat, l'unification de l'espèce humaine dont chaque groupe conservera cependant son individualité originelle et nécessaire.

Si j'ai poursuivi ma pensée jusqu'aux dernières limites d'un idéal irréalisable peut-être ici-bas; c'est que je voulais faire connaitre tous les problèmes que doit poser et résoudre la philosophie du langage et des signes graphiques de la pensée. Parmi ces problèmes, il en est plusieurs dont j'ai cherché la solution. Je ferai bientôt connaître les résultats que j'ai obtenus; la tâche sera facile. Les vérités métaphysiques sont un perpétuel sujet de contradiction, les démonstrations mathématiques ne frappent que les initiés; mais les faits philologiques parlent directement aux sens, à la vue et à l'ouïe, ils sont ainsi à la portée du vulgaire.

En comparant à l'importance des résultats la simplicité des moyens, on dira: comment des faits aussi palpables n'ont-ils pas été signalés plus tôt? Comment n'a-t-on pas, depuis longtemps, songé à en tirer parti? Il en fut toujours ainsi; chaque découverte doit venir en son temps: avant l'époque qui lui est assignée elle échappe aux plus grands génies; quand l'heure est arrivée, elle peut s'offrir au travailleur le plus obscur, au plus modeste ami de la science; mais pour celui qui la rencontre, c'est un devoir de la faire connaitre.

NALA,

ÉPISODE DU MAHABHARATA,

TRADUIT DU SANSKRIT EN FRANÇAIS

PAR M. ÉMILE BURNOUF.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

La littérature de l'Inde produit de nos jours en Europe le même étonnement que fit naître à la fin du XVe siècle et au commencement du XVI l'apparition des œuvres de l'ancienne Grèce; mais, comme alors aussi, il est difficile au public de se procurer ces nouveautés et de les étudier à loisir; on s'étonne déjà que cette grande littérature indienne, si variée, si intéressante, n'ait encore suscité qu'un si petit nombre de traducteurs. Des quatre Vêdas, il est vrai, dont l'ensemble compose la Sainte-Ecriture de l'Inde, le plus important, le Rig-Véda, a été traduit en Français; nous possédons aussi quelques fragments épiques et plusieurs grands ouvrages d'un haut intérêt, tels que le Bhagavata-Purâna où sont réunis tant de mythes sacrés des brahmanes, le Lotus de la bonne Loi qui est comme un évangile des bouddhistes. Mais

ni l'une ni l'autre des deux grandes épopées n'est encore rendue dans notre langue. Nous n'ignorons pas que les premiers chapitres du Râmâyana de Vâlmîki ont été publiés dernièrement dans deux traductions différentes; mais nous ne savons ni à quelles époques elles seront terminées, ni quelle en sera la valeur. Ajoutez que jusqu'à ce jour les traductions des ouvrages sanskrits, généralement publiées avec les textes, sont tellement coûteuses, que le public et les libraires même, ne pouvant se les procurer, en connaissent à peine l'existence.

Cependant l'une des deux grandes épopées indiennes, le Râmâyana, peut aisément être traduite par un seul homme, comme le prouve la belle version italienne de M. Gorresio; son étendue, qui équivaut à peu près à deux Homères, ne dépasse point les forces d'un esprit ordinaire; et nous aurions lieu de nous étonner que cette traduction tant désirée n'existe pas encore, si nous n'en connaissions la principale cause: l'étude de l'Inde, toute récente, n'est abordée que par un petit nombre d'esprits ou trop élevés ou trop curieux pour vouloir se consacrer entièrement à l'œuvre d'une traduction; quand ils ont vaincu les premières difficultés, ils se croiraient mal récompensés de leur peine s'ils mettaient seulement en français des œuvres que tous les gens du métier lisent dans la langue originale; ils vont donc plus avant, et s'enfonçant dans ce que le public appellerait les curiosités de la science, ils veulent faire du nouveau et découvrir eux-mêmes quelque chose; ils continuent le défrichement, tandis que derrière

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