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place, des brigades des gardes du roi rangés sous

les armes.

La salle préparée pour donner l'audience étoit ce beau et spacieux salon bâti sur le grand portail du palais, qui est le plus beau salon de cette sorte que j'aie vu au monde. Il est si haut élevé, qu'en regardant en bas dans la place, les hommes ne paroissent pas hauts de deux pieds, et regardant, au contraire, de la place dans le salon, on ne sauroit reconnoître les gens. J'en ai mis la figure dans la description d'Ispahan. Le roi y étant entré sur les neuf heures, et toute la iy au nombre de plus de trois cents personnes, on vit entrer dans la place, par le coin oriental, l'ambassadeur des Lesqui (*); c'est une nation

cour,

(*) Le pays habité par les Lesguy, est indifféremment nommé Lesguystán ou Dâghestân. Nous en avons indiqué la situation cidessus, t. II, p. 286. Il ne nous reste qu'à ajouter quelques observations sur le peuple même. Guldenstadt en a formé huit divisions, d'après les huit dialectes usités dans cette contrée. La première division renferme quinze tribus: la première et la plus considé→ rable est celle d'Avar (les anciens Avari); le chef a le titre d'Avar Khân, est le plus puissant de tous ceux du Lesguystân.

Parmi les habitans du Lesguystân, il y a une petite peuplade (celle de Koubecha près du Koisou), qui porte le nom de Franki; ce nom est celui des Européens dans le Levant, il paroît qu'en effet ils tirent leur origine des Gênois, qui pendant plusieurs siècles firent un commerce considérable sur la mer Caspienne, et s'occupèrent sur-tout de l'exploitation des mines d'argent et de cuivre, et d'autres métaux, qui sont très-abondantes et trèsnombreuses dans ces contrées. Il est peut-être digne de remarque

tributaire de la Perse, qui habite un
un pays

de mon

tagnes, aux confins du royaume, vers la Moscovie, proche de la mer Caspienne. L'ambassadeur étoit un jeune seigneur fort beau et fort bien couvert. Il n'avoit que deux cavaliers à sa suite, et quatre valets de pieds qui marchoient autour de lui. Un aide des cérémonies le conduisoit. II le fit descendre de cheval à cent pas environ du grand portail, et le mena fort vîte au salon où étoit le roi. Le capitaine de la porte qu'on appelle Ichic agasi bachi (1), le prit là, et le conduisit au baiser des pieds du roi. On appelle ainsi le salut que lui font ses sujets, et les étrangers qui ont l'honneur de l'approcher, de quelque qualité qu'ils soient. Pabous (2) est le terme persan qui signifie baiser les pieds. On l'appelle aussi zemin bous (3), c'est-à-dire baiser la terre, à ravi zemin (4), c'est-à-dire le visage en terre. Ce salut se fait en cette sorte. On mène l'ambassadeur ou autre, quatre pas du roi, vis-à-vis de lui, où

que le seul idiôme connu avec lequel celui des Lesguys ait quelque affinité, est le samoyède. Mémoires historiques et géographiques sur les pays situés entre la mer Noire et la mer Caspienne, pages 43-50. (L-s.)

(1) Lisez Atchiq ághácy báchy, monsieur le capitaine de la porte ouverte. (L-s.)

(2) Páhbous, baise-pied. Ces deux mots sont persans. (L-s.) (3) Zémynbous, baise-terre. (L-s.)

(4) Lisez roùyzémyn, visage (à ) terre. (L-s.)

on

on l'arrête; on le met à genoux, et on lui fait faire trois fois un prosternement du corps et de la tête en terre, si bas que le front y touche. L'ambassadeur se relève après, et délivre la lettre qu'il a pour le roi au capitaine de la porte, qui la met dans les mains du premier ministre, lequel la donne au ro et le roi la met à son côté droit sans la regarder. On mène ensuite l'ambassadeur à la place qui lui est destinée.

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Celui de Moscovie parut un quart-d'heure après. Il entra du même côté, amené sur les chevaux du roi par l'introducteur des ambassadeurs; car cet ambassadeur moscovite étoit un si grand misérable, qu'il n'entretenoit pas un cheval. L'introducteur mit pied à terre à cent cinquante pas du palais, et dit à l'ambassadeur de descendre aussi de cheval. Je ne sais si le Moscovite avoit été informé que l'ambassadeur Lesqui n'étoit descendu de cheval que beaucoup plus proche de l'entrée, ou que par grandeur et pour l'honneur de son maître, il voulût passer et aller plus avant, tant y a, qu'il fit résistance, et donnant des talons à son cheval, il le fit avancer trois ou quatre pas malgré l'opposition des valets de pied de l'introducteur, qui avoient mis la main à la bride de son cheval pour le retenir. On l'arrêta alors tout-à-fait ; et comme il faisoit encore résistance, et vouloit avancer, les valets de pied Tome III. M

donnèrent de leurs bâtons sur le nez du cheval pour le faire reculer, et l'ambassadeur fut forcé de descendre. Il mit donc pied à terre avec deux de ses gens qui le suivoient à cheval, savoir, son interprête et son intendant. Les autres domestiques, au nombre de neuf ou dix, alloient à pied, en assez pauvre équipage pour une telle décoration. L'ambassadeur étoit vêtu d'une robe de satin jaune, et par-dessus d'une grande veste de velours rouge fourrée de martre, qui pendoit jusqu'en terre. Il avoit un bonnet aussi de martre, couvert de velours cramoisi, fort haut, brodé de petites perles sur le devant, avec deux tresses de perles qui tomboient du derrière sur le dos, jusqu'à la ceinture. C'étoit un vieillard tout blanc, de bonne mine et fort vénérable. Son interprête marchoit à sa gauche, portant la lettre du grandduc dans un sac de velours cacheté. On le conduisit au baiser des pieds du roi, comme l'on avoit fait à l'ambassadeur des Lesqui, et on le plaça vis-à-vis de lui à la gauche. L'envoyé de Basra vint ensuite. On le fit descendre à l'entrée de la place royale, et on le mena dans le même ordre à l'audiencé du roi. Basra (Bassorah), que les Européens appellent aussi Balsura, est cette ville célèbre au fond du golfe de Perse, à l'endroit où le Tygre et l'Euphrate se rendent dans la mer.

Les présens de ces ambassadeurs étoient

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cependant au bout de la place, près de la mosquée royale. C'est toujours là qu'en est l'entrepôt, et d'où on les fait marcher, lorsque le roi donne audience dans ce salon sur la place royale. Les dévots disent qu'en faisant venir les présens du côté de l'orient et de devant la mosquée, on veut témoigner que Dieu est la source et le donateur de tous les biens temporels, tellement que tout ce que les hommes reçoivent de bien, est un présent de Dieu. On fit passer ces présens un quart-d'heure après que les ambassadeurs eurent pris séance. Ceux de l'ambassadeur de Moscovie passoient les premiers, portés par soixante-quatorze hommes, consistant en ce qui suit:

Une grande lanterne de cristal, peinte;

Neuf petits miroirs de cristal, peints sur les bords;

Cinquante martres zibelines;

Six vingt aunes de drap rouge et vert;

Vingt bouteilles d'eau-de-vie de Moscovie. Le présent de l'ambassadeur des Lesqui consistoit en cinq beaux jeunes garçons, vêtus de brocard, en une chemise de maillé, et en une armure de cavalier complette.

Celui de l'envoyé de Basra étoit une autruche, un jeune lion et trois beaux chevaux arabes.

Il pensa arriver alors une plaisante bévue, c'est que les gens qui avoient été chargés le jour

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