le derrière de ce beau palais de caravane, est encore très-digne d'être vu et rapporté en ce lieu. Il consiste en de grandes écuries, avec des places pour les valets et le bagage, qui sont à-peu-près de même symétrie, comme les appartemens que j'ai représentés, au moins quant à la forme et à la grandeur; en magasins, en plusieurs départemens pour le logement des pauvres, et des paysans qui apportent vendre leurs denrées; et en de grands jardins qui sont derrière ce beau caravanserai. C'est Abas-le-Grand qui a fait bâtir ce grand logement, au frontispice duquel on lit ce distique : Le monde est un caravanserai, et nous sommes une caravane. Dans un caravanserai, n'élevez point de caravanserai. C'est pour dire que nous ne devons point nous promettre d'habitation stable et solide dans ce monde, qui n'est qu'un lieu de passage. Tout proche est le palais royal, et vis-à-vis un autre qui est destiné au logement des ambassadeurs, l'un et l'autre avec de fort beaux jardins qui sont derrière, ont été faits par ce grand monarque. Au milieu est la place des carrousels et des autres exercices. Toute la richesse et la subsistance de Cachan viennent des manufactures de toute sorte d'étoffes de soie et de brocards d'or et d'argent (*). Il ne se fait en aucun lieu de la Perse, plus de satin, de velours, de taffetas, de tabis, de brocard uni et à fleurs de soie, et de soie mêlée d'or et d'argent, qu'il s'en fait en cette ville et aux environs. Un seul bourg de ce territoire a mille maisons d'ouvriers en soie. Ce bourg s'appelle Aron; il paroît de loin comme une bonne ville, aussi est-il grand de deux mille maisons et de plus de six cents jardins. Il est à deux lieues de Cachan. La ville de Cachan a l'air bon, mais extrêmement chaud; on y étouffe en été. La chaleur qu'on y sent vient de sa situation; car elle est proche d'une haute montagne opposée au midi, dont la réverbération échauffe si fort le lieu, qu'on y brûle durant la canicule. Une autre incommodité encore plus grande et fort dangereuse, est le grand nombre de scorpions qu'il y a en tout temps dans ce pays-là, particulièrement lorsque le soleil est dans le signe du scorpion. On en menace fort les passans. Néanmoins je n'en ai point vu, grâces à Dieu, toutes les fois que j'y ai passé, et je n'ai (*) On trouvera des détails fort curieux sur trois espèces d'étoffes de soie brochées en argent et en or, qui se fabriquent à Kâchân, dans le troisième vol., pag. 163–175, édit. in-12 des Voyages de Pietro della Valle. (L-s. ) point appris qu'il en arrivât de grands accidens. On dit que les astrologues d'Abas-le-Grand firent, l'an 1623, un talisman pour en délivrer la ville, et que depuis ce temps-là il y en a moins qu'auparavant. Il ne faut guères ajouter de foi à ce conte, ni à un autre qu'on fait, savoir, que les passans qui s'arrêtent à Cachan, étant soigneux de dire, en entrant dans leur logis: Scorpions, je suis étranger, ne me touchez point (1), nul ne les approche. Ce qui est certain, c'est que leur piqûre est très-dangereuse; elle a donné lieu à une imprécation assez ordinaire dans la bouche des Persans que le scorpion de Cachan puisse te piquer à la main (2). Tout le monde y tient toujours prêts plusieurs remèdes souverains contre cette piqûre et contre celle de certaines araignées qui sont plus grosses que le pouce, dont cette ville n'est pas moins incommodée. La latitude de la ville est de 35 deg. 35 min., la longitude de 86 deg. On y trouve peu de bétail et de volaille; mais, en récompense, il y a une grande (1) Men gharybém. Olearius attribue avec raison la sûreté dont les voyageurs jouissent contre la morsure du scorpion, aux précautions qu'ils prennent. Il fut lui-même piqué par un de ces animaux. (L-s.) (2) A'gráb Káchán destét bezénéd. Tous ces détails me paroissent extraits de la relation d'Olearius, qui a rapporté même les passages en persan d'une manière, il est vrai, très-incorrecte. (L-s.) abondance de grains et de fruits. On en transporte à Ispahan les premiers melons, et les melons d'eau qu'on y mange; et tant que la saison des fruits dure, on y en porte une grande quan tité. Plusieurs auteurs européens tiennent Cachan pour cette même ville, que d'anciens auteurs grecs nomment Ambrodux (1), ou celle qu'ils appellent Ctesiphonte, du pays des Parthes. Les historiens persans disent qu'elle doit son origine à Zebd-el-caton (2), femme de Haron-rechid, calife de Bagdad. Ils remarquent que cette princesse étoit fille, lorsqu'elle entreprit de faire bâtir cette ville, et que ce fut pour cela qu'elle en fit poser la première pierre sous l'ascendant du signe qu'on appelle la vierge. Elle lui donna le nom de Casan, en l'honneur de Casan, son ayeul, petit-fils de Haly, qui étoit enterré là qui y étoit mort. Le changement de nom est venu d'une erreur de ponctuation. Les gens versés aux langues orientales savent que cette méprise, qui est facile, change la lettre S en une qu'on nomme chin, et qui a la même force que notre et > (3) Lisez Ambrodax, 'Aμbço♪a§. C'est une ville de la Parthie, suivant Ptolémée. (L-s.) (4) Lisez Zobéidéh Khâtoùn; et voyez mes notes ci-dessus, page 7, et ci-après, page 333. (L-s.) ch (*). Tamerlan s'étant rendu maître de cette ville, l'épargna par un pur caprice, dit-on, et (*) Les auteurs orientaux ne parlent pas de cette étymologie, par le changement du syn en chyn. Voici ce qu'ils nous apprennent de Kâchân: << Kâchân, dit l'auteur de l'Heft iqlym, est une ville > plus ornée que le sein des pieux personnages, plus soignée que > les boucles des belles; ses édifices ressemblent aux joues des › hhourys éclatantes de lumière. Ses marchés sont comme les » vêtemens parfumés d'une jeune fiancée, artistement disposés » comme la chevelure d'un jeune tatar nomade, et parés comme » la figure des habitans de Khallakh, si célebres par leur beauté > et par leur coquetterie. » Kâchân doit être placée parmi les villes nouvelles; elle fut » bâtie par Zobéïdéh, femme de Hâroùn âl-rachyd, sous l'as»cendant de la vierge. Elle n'a pas d'égale parmi toutes les villes » de la Perse, disons même parmi toutes les villes de l'univers » pour la beauté et la propreté. Les habitans sont industrieux et > laborieux; ils ont porté au plus haut degré l'art de tisser les » poils des animaux ». Les détails qui suivent sont trop insignifians et trop minutieux pour trouver place ici, et je préfère terminer cette note par quelques renseignemens tirés du Nozahal ál-qoloùb. L'auteur nous apprend que « hors l'enceinte de » la ville, il y a un fort de terre nommé fyn ou fyen (Voyez ci-dessus t. II, p. 462); il fait assez chaud à Kâchân; l'eau qu'on > y boit est celle d'un canal souterrain qui vient du château › de Fyn, et d'une rivière qui prend sa source à Qoùhroùd » et à Nyâcer. En hiver, il ne fait pas assez froid pour qu'il > y ait de la glace en quantité; c'est pourquoi on conserve de » l'eau gelée dans les puits, pour s'en servir dans les chaleurs. » Les meilleurs fruits de Kâchân sont les melons d'eau et les » raisins. . . . . Il y a des scorpions en grande quantité et qui sont » très-cruels; on prétend cependant qu'ils ne font nul mal aux » étrangers. Cette ville est portée sur les registres du dyvân, à › quinze mille toùmâns sept mille dynârs zémány ». La particularité relative aux scorpions, racontée par notre géographe, est confirmée par le témoignage de la plupart des voyageurs |