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généralement au Filaria à feuilles étroites. «Qui voudra, déclare Belon, observer le bois dont il se chauffera au Sainct Esprit (1) apporté des prochaines forests, n'en trouvera de plus frequent qu'est le Dalader. »

Chose curieuse à noter en se servant de ces divers noms provença ux, Pierre Belon les admettait comme des expressions appartenant à la langue française. Il dit expressément en un autre endroit des Remonstrances : « Alaterni, en François Daladers, et autrement Sanguins blancs. » Il considérait sans doute comme français tous les mots usités dans les provinces qui faisaient partie intégrante du royaume de France (2).

BUPLEURUM FRUTICOSUM L. Dans le même ouvrage, Belon s'exprime ainsi au sujet de cette Ombellifère : « La Cachebugade, que les Latins nomment Seseli æthyopicum, est toujours verd, croissant sauvage près d'Orgon (3), vers Salon de Craux (4). » — Cachebugade est une expression provençale que notre auteur ici défigure (5). Cette appellation, en usage chez les Provençaux du XVI siècle pour désigner le Buplèvre ligneux, est aujourd'hui abandonnée. Louis Anguillara nous a fait connaître la forme correcte, qui était Tacobugado. « On le trouve, disait de ce Bu

(1) Le Pont-Saint-Esprit, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Uzès (Gard).

(2) Les rénovateurs de la littérature provençale au XIXe siècle ont pu dire avec raison du provençal qu'il est une langue française : c'était déjà, au XVIo, l'avis de Pierre Belon. Il se croyait en droit d'adopter tous les mots provencaux qu'il trouvait à sa convenance. Nous l'avons vu, à propos du Sumac, employer le mot garrigue. On sait que cette expression, essentiellement provençale, désigne les collines ou les plaines incultes et arides, si communes dans le midi de la France, où domine le Chène à Kermès, Quercus coccifera L. Garrigo dérive de Garric (on dit aussi Garrus ou Agarrus), nom provençal de ce Chêne. Il est à remarquer que Belon, en insérant dans son texte ces divers mots provençaux, n'indiquait pas leur origine i les considérait donc bien comme des mots français. Il a cependant fait exception pour Garoupo, nom provençal du Cneorum tricoccum.

(3) Orgon, qu'en un autre endroit Belon appelle Ourgon, est actuellement chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Arles (Bouches-du-Rhône).

(4) Salon, chef-lieu de canton de l'arrondissement d'Aix (Bouches-duRhône).

(5) Il y a très probablement ici une faute d'impression. Belon, voulant traduire en français la première partie de ce mot composé (le verbe taca, tacher), avait dû écrire Tache-bugade; et ce sont les typographes qui auront substitué fautivement un C au T du manuscrit.

plèvre le botaniste italien, entre Roussillon (1) et Marseille en Provence, où les paysans le nomment Tacobugado. Ce mot n'a pas d'autre signification que celle de Tache-lessive; il vient de ce que la plante, quand on la brûle, donne des cendres qui laissent des taches aux endroits qu'elles touchent (2). »

ARBUTUS UNEDO L. En parcourant la Provence, comme il le fit, d'une extrémité à l'autre, Pierre Belon ne pouvait pas manquer de rencontrer l'Arbousier, espèce ligneuse très répandue dans le pays (3). C'est d'une façon implicite qu'il l'a signalé sur le territoire provençal. Il l'avait d'abord aperçu dans le Vivarais et aux environs du Pont-Saint-Esprit; et dans le chapitre où il examine comment on peut faire provision de graines pour les semis d'arbres dont il voudrait que le gouvernement royal prescrivit la culture, il écrit : « L'on peult donner ordre de faire seicher les Arbouses, tant en Vivarais et au Sainct Esprit, comme aussi en diverses autres contrées assises le long du Rosne. » Les contrées assises le long du Rhône, sur la rive gauche du fleuve, en aval du Pont-Saint-Esprit, faisaient partie de la Provence.

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THYMUS VULGARIS L. Cette Labiée, une de celles qui contribuent le plus à parfumer les garigues de la Provence, est nommée dans les Observations de plusieurs singularitez, à propos d'une autre plante aromatique que Belon avait rencontrée en Grèce, et qu'il considérait comme le véritable Thym des anciens auteurs : « ... Si les choses que nous nommons par noms propres ne conviennent avec la description desdictz anciens, il fault conclure que ce ne sont celles qu'ils ont entendu. Nostre Thym en soit exemple, duquel l'appellation est si commune à tous, qu'il ne la sache appeller et nommer de nom de Thym, et neantmoins ce nom luy est

(1) Village du département de Vaucluse.

(2) Ludovic Legré, La Botanique en Provence au XVIe siècle : Louis Anguillara (Bulletin de la Société botanique de France, session extraordinaire à Hyères, p. xxxш).

(3) Le nom d'Arbousier a pris place maintenant dans les lexiques français; mais, désignant un arbre qui croît principalement dans une région où l'on ne parlait autrefois que la langue provençale, le mot a été provençal longtemps avant de devenir français. Le récent Dictionnaire général de la langue française, de MM. Hatzfeld, Darmesteter et Thomas, reconnaît après Littré que le mot Arbouse (nom français du fruit de l'Arbutus Unedo, d'où a été formé le mot Arbousier) dérive de l'ancien provençal Arbossa.

fausement donné. Car l'herbe que nous appelons Thym n'est pas celle à qui ce nom puisse convenir, ains à une autre qui croist communement par le pays de Grece, c'est à sçavoir duquel les avettes recueillent l'excellent miel pres d'Athenes au mont Hymettus et en Sicile au mont Hybla... Pour semblable raison, combien que l'herbe que nous nommons vulgairement le Thym croisse copieusement sauvage es guarrigues de Provence et de Languedoc, sans estre cultivé, ressemblant à celle de nos jardins toutes fois n'ayant les merques dessus dictes, ne peut estre le vray Thym (1). »

VITEX AGNUS-CASTUS L. Le Gattilier Agneau-chaste, que l'on trouve actuellement sur le littoral de la Provence orientale, Alpes-Maritimes, Var et confins du Var et des Bouches-du-Rhône, - croissait, au XVI° siècle, à l'extrême limite occidentale de ce dernier département, près des embouchures du Rhône. La formule dont se sert Belon dans les Remonstrances nous autorise à croire que c'était là une constatation qu'il avait faite, comme toutes les autres, personnellement : « Des Agneaux chastes, dit-il, trouverez le long du Rhosne, vers l'entrée de la mer, et dont encores. sont vendues ses semences es boutiques. Le dernier membre de phrase fait supposer que les apothicaires allaient en cet endroit récolter les graines pour en alimenter leurs officines.

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CELTIS AUSTRALIS L. L'auteur des Remonstrances y parle plusieurs fois de cet arbre dont il fait connaître les noms français, Fregolier (2) et Micocoulier, et le nom latin, Lotus (3). Pour les divers arbres qu'il recommandait de propager, il s'évertuait à démontrer que l'on pourrait aisément et à peu de frais s'en pro

curer les semences. Il dit de celles du Micocoulier : « D'autant moindre est la difficulté de les recouvrer qu'en pourrons avoir à charge de chevaux des environs de Tournon, là où il y en a quan

(1) Pierre Belon tenait, autant que les autres botanistes du XVIe siècle, à faire aux plantes une exacte application des noms employés par les auteurs de l'antiquité. Il regardait comme le vray Thym celui que Dioscoride avait ainsi appelé : c'est la Labiée que Linné a nommée Satureia capitata.

(2) Cet ancien nom français, ou prétendu tel par Pierre Belon, et qui, en tout cas, ne figure plus dans les lexiques modernes, est à rapprocher de Fabregoulié, l'une des formes du nom provençal du Celtis australis.

(3) Les floristes du XVIe siècle donnaient le nom de Lotus à divers végétaux. Quand il s'agissait du Micocoulier, ils disaient Lotus arbor.

tité, sans qu'il couste que le port. C'est luy dont lon voit moult grands arbres à la Zuêque de Venise, qu'ils nomment Bagolaro. Aussi y en a deux grands arbres joignant la fontaine de Salon de Craux, hors la porte, et memorables, pour leur aage et haulteur, possible tels que ceux dont Pline a faict si grand cas, parlant des richesses romaines. »

QUERCUS ILEX L., Q. COCCIFERA L. -Nous inscrivons ces deux Chênes sur notre liste parce qu'ils sont au nombre des arbres que Pierre Belon a mentionnés en indiquant leur nom provençal. — Le Quercus Ilex est ainsi désigné dans les Remonstrances: Chesne verd ou Eouse ». Cette dernière forme, exclusivement provençale, n'a pas cessé d'être appliquée par les Provençaux au Chêne-vert (1). Quant au Q. coccifera, Belon en parle plusieurs fois et l'appelle toujours Arbre de Vermillon. Vermillon est un mot provençal qui signifie petit ver»: c'est un diminutif de verme, ver (2). Les Provençaux prenaient pour un petit ver, à raison de son apparence, la femelle du Kermès (Coccus Ilicis L.), insecte producteur de la couleur d'écarlate. Pendant tout le moyen âge, la récolte et la vente du Kermès constituèrent pour les populations rurales de la Provence une source d'importants profits (3). Très recherché à cause de sa qualité, le Kermès de ce pays faisait l'objet d'un actif commerce d'exportation. Il était donc naturel que la couleur extraite de cette matière prit le nom qu'on donnait à celle-ci dans la contrée d'où elle était originaire.

PINUS HALEPENSIS Mill., P. PINEA L., P. MARITIMA Lamk. Les diverses espèces du genre Pinus ont donné lieu, chez les anciens botanistes, à de nombreuses confusions. Nous avons la cer

(1) Belon a écrit ce mot en notant exactement la façon dont les Provençaux le prononçaient et le prononcent encore. Mais en vertu de la réforme orthographique opérée par F. Mistral (d'après laquelle la voyelle u, placée à la suite d'une autre voyelle, prend le son ou), la graphie actuelle est Euse. Le mot Yeuse est en français l'équivalent de l'appellation provençale du Chêne

vert.

(2) La langue provençale possède, pour désigner le Coccus Ilicis, d'autres expressions, toujours dérivées de la racine verme: vermet, vermeu, vermiho, vermeiado. V. le Dictionnaire provençal-français de F. Mistral.

(3) De nombreux documents conservés aux Archives des Bouches-duRhône montrent que la cueillette du Kermès, sur laquelle les comtes de Provence avaient établi un impôt, donnait lieu à un grand mouvement d'affaires,

titude que Pierre Belon distingua parfaitement les trois espèces énoncées ci-dessus.

Ne fût-ce que par la nature de ses fruits, le Pin Pignon a toujours été le plus facile à discerner. Dans le De arboribus coniferis, Belon déclare qu'on le trouve cultivé ou spontané, mais toujours identique à lui-même, produisant en l'un et l'autre cas des cônes de grandeur égale, et procurant aux gens du pays un important revenu, à raison de ses pignons qui sont le remède le plus efficace que l'on ait jamais employé contre la toux (1). II ajoute qu'on le rencontre à l'état spontané dans une multitude d'endroits, même en plaine, sur le territoire de la Gaule Narbonaise (Provence et Languedoc), aux environs de Marseille, et dans beaucoup de localités d'Italie, telles que Ravenne, où cet arbre peuple des forêts très étendues. Les marchands vendent indifféremment les noyaux de ceux qui ont été plantés dans les lieux cultivés et de ceux qui sont nés sauvages.

Les Remonstrances nous apprennent qu'il existait aussi de véritables forêts de Pinus Pinea aux alentours d'Aigues-Mortes, circonstance parfaitement exacte, puisque cette végétation s'est perpétuée là jusqu'à nos jours; les pignons en provenant étaient à Marseille l'objet d'un assez grand commerce.

Toujours préoccupé de justifier du bon marché des graines à acquérir pour la diffusion des arbres, il écrit : « Un temps fut que voyant les noyaux des pignons desja triez, cassez et frais, n'estre vendus chez les drogueurs que cinq ou six sols la livre, donnoit merveille. Mais considerants les forests, et autour d'Aigues-Mortes en estre toutes, et aussi autour de Ravenne à deux journées es environs y en avoir en si grande abondance, cessa, ains pensa que c'estoit trop. Qui seroit à Marseille, et en vouldroit avoir à charges de chevaulx, les trouvera pour les plus chers à quatre tournois la livre, ou pour le plus six deniers, c'est le bout du monde mais entendez de ceux qui ne sont cassez. Donc en cela, qu'en doit en estimer que le port? »

C'est à Ramatuelle,

dire,

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nous avons eu plus haut l'occasion de le que Belon, dans les Remonstrances, a signalé la présence

(1) Déjà, au xvi siècle, les pharmaciens du Languedoc confectionnaient avec les pignons des dragées ou pastilles appelées pignolats et dont le Stirpium Adversaria de Pena et Lobel donne la recette.

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