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SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1901.

PRÉSIDENCE DE M. DUTAILLY, VICE-PRÉSIDENT.

A l'ouverture de la séance, M. le Président souhaite la bienvenue à M. Davis, professeur de botanique à l'Université de Chicago et l'invite à prendre place au bureau.

M. le Président annonce à la Société que M. D. Cintract est décédé à Paris, le 21 septembre dernier, dans sa soixantedix-septième année. Il a légué à la Société botanique de France la somme nette de mille francs et, en conséquence de ce legs, M. le Président proclame ce bienfaiteur MEMBRE PERPÉTUEL (1).

NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR Auguste-Désiré CINTRACT;
par M. Ernest MALINVAUD.

Notre très regretté confrère, toujours si affectueux et si attentif pour les autres, évitait avec une telle discrétion de parler de lui-même que beaucoup de ses plus anciens amis, comme nous qui le connaissions depuis trente-cinq ans, ne savaient presque rien de l'histoire de sa vie. D'après les notes que nous a obligeamment communiquées un de ses éminents compatriotes, qui est aujourd'hui son exécuteur testamentaire (2), DésiréAuguste Cintract était né à Béville-le-Comte (Eure-et-Loir) le 29 février 1825. Ses parents, petits cultivateurs, lui firent donner l'instruction primaire à l'école de leur village. D'abord clerc de notaire à Chartres, il entra, à la suite d'un concours, au Ministère de la Guerre, où il parcourut tous les degrés de la carrière administrative jusqu'au grade de chef de bureau; mais, par un sentiment de rare délicatesse, il refusa absolument d'être nommé à ce dernier emploi. Sa santé s'était affaiblie, et il craignait d'assumer la responsabilité d'une situation qu'il présu

(1) Sont Membres perpétuels ceux qui ont donné à la Société un capital dont la rente représente au moins la cotisation annuelle; le nom du donateur esi maintenu à perpétuité sur la liste des membres de la Société. (Décision du Conseil approuvée par la Société : voy. tome XXVII, p. 172.)

(2) M. Émile Labiche, sénateur d'Eure-et-Loir, auquel nous sommes heureux d'adresser ici nos respectueux remercîments.

T. XLVIII.

(SÉANCES) 2.4

mait être au-dessus de ses forces. Après avoir obtenu sa mise à la retraite en 1877, il continua pendant plus deux ans son service, qui à cette époque était particulièrement pénible, afin de terminer toutes les affaires engagées sous sa direction, et il ne voulut accepter aucune rémunération de ce travail volontaire.

Il avait été nommé chevalier de la Légion d'honneur longtemps avaut de prendre sa retraite; mais, loin qu'il eût sollicité cette distinction, ses chefs avaient dû combattre ses scrupules et l'imposer à sa modestie. Il en portait rarement l'insigne, et nous n'étions pas seul à ignorer pendant fort longtemps que notre ami était décoré.

Cintract, que présentèrent MM. Roze et Cornu, fut admis dans notre Compagnie le 7 janvier 1870. Pendant plus de trente ans, on le voyait régulièrement aux séances et aux sessions extraordinaires de la Société, suivant tous ses travaux avec un persistant et vif intérêt, dont l'acte exprimant ses dernières volontés devait contenir le suprême témoignage. Ses connaissances en botanique étaient fort étendues, et l'on en jugerait mal par les faibles traces qu'il en a laissées dans notre Bulletin, où l'on trouve de lui seulement trois comptes rendus d'herborisations (1). Frappé de son zèle et de la sagacité de ses observations, le savant cryptogamiste Maxime Cornu, qu'il accompagnait fréquemment dans ses courses, lui a dédié le genre Cintractia (2). Notre ami, doué d'une intelligence prompte et d'un jugement sûr, travailleur infatigable, n'était pas moins épris de l'esthétique littéraire que des recherches scientifiques, et l'on découvrait en lui, quand il s'abandonnait à des causeries familières, une érudition profonde sur les sujets les plus variés, mais il ne la prodiguait pas; c'était habituellement un silencieux, se défiant toujours de lui-même, et se dérobant obstinément à toutes les publicités.

Notre confrère était le plus affectueux et le plus sûr des amis. D'une discrétion excessive et ne demandant jamais rien pour lui-même, toujours heureux de rendre service, il allait avec une prévenance touchante

(4) Voy. dans le Bulletin, t. XXXI (1884), p. 318: Compte rendu d'une excursion botanique dans le département de l'Hérault, t. XXXII (1885), p. LXXXIX: Rapport sur l'excursion faite par la Société, le 20 juin 1885, à Givet et Charlemont, pendant la session extraordinaire à Charleville; même tome, p. xc: Note sur deux excursions préparatoires (Mont Olympe, Dames-de-Meuse; Fumay).

...

(2) Voyez le Bulletin Soc. bot. de Fr.. t. XXX (1883), p. 131 : « Je dédie ce genre nouveau à mon ami Cintract, notre confrère, qui a été l'un de mes premiers compagnons dans l'étude des Cryptogames ainsi que dans les excursions faites dans le but d'en recueillir. La plante (précédemment Ustilago axicola) devient le Cintractia axicola... › (Contributions à l'étude des Ustilaginees par M. Maxime Cornu). Ce genre a été maintenu et compte aujourd'hui plusieurs espèces (Voy. Saccardo Sylloge Fung., t. III et IX).

au-devant des désirs et des besoins de ceux qu'il obligeait, leur prodiguait avec abnégation dans les conjonctures pénibles son temps et son dévouement, et ne voulait en être dédommagé que par la délicate et intime satisfaction que son cœur en ressentait.

C'était aussi un philanthrope, peut-être un peu ombrageux, gardant pour lui seul avec un soin jaloux le secret de ses bonnes actions; c'était sa manière d'être égoïste. Il nous souvient qu'un jour où nous l'avions remercié d'un grand service qu'il venait de rendre à une personne à laquelle nous nous intéressions nous-même, il parut surpris, contrarié même, de nous savoir si bien renseigné et, comme il ne pouvait contester l'exactitude de notre information, il nous demanda, instamment et comme un service à lui rendre, de ne jamais en reparler. Pour obéir à ce vœu d'un sentiment si noble, nous ajouterons seulement que notre confrère diminuait volontairement l'aisance de sa vie afin de consacrer à ses libéralités une plus grande part de son revenu.

L'ami d'enfance de qui nous tenons les notes auxquelles nous avons fait allusion les terminait par ces mots :

... Cintract était un sage, un modeste, un vrai philosophe chrétien, d'une vertu antique, d'un dévouement absolu envers ses amis, ayant le profond sentiment du devoir. »

Toute la vie de cet homme de bien est ainsi résumée.

M. le Président déclare qu'il s'associe personnellement à l'hommage rendu par M. Malinvaud à la mémoire de M. D. Cintract. Naguère il rencontrait souvent ce regretté confrère aux herborisations dirigées par les professeurs Chatin et Baillon, et il en a conservé le souvenir d'un aimable compagnon, d'une ardeur infatigable à la recherche des plantes et toujours d'une exquise aménité.

M. le Président annonce une présentation nouvelle, puis il proclame M. Fernand Camus membre à vie et le R. P. Duss, professeur au collège de la Basse-Terre (Guadeloupe) et auteur de travaux importants sur la flore des Antilles, membre honoraire.

M. le Dr Gillot fait hommage à la Société de deux Notices. biographiques, l'une sur Alexandre Constant, ancien membre de la Société, décédé au mois de mai dernier (1), la seconde (1) Voy. plus haut, p. 241.

sur le bryologue Raoul Philibert, dont M. l'abbé Sébille s'occupe en ce moment de mettre en ordre l'important herbier de Muscinées légué à la ville d'Autun.

M. Zeiller dépose sur le bureau, pour la bibliothèque de la Société, deux Notes intitulées: Sur la flore fossile du Tonkin et Sur la flore houillère du Chinsi et il donne un rapide. aperçu des sujets qu'il a traités.

M. le Président a reçu la lettre suivante :

LETTRE DE M. Ant. LE GRAND A M. LE PRÉSIDENT.

Monsieur le Président,

Bourges, le 29 septembre 1901.

En parcourant les intéressantes additions à la flore de Corse publiées par notre confrère M. Lutz dans le fascicule de février 1901, distribué en juin, je remarque quelques erreurs qu'il serait opportun de rectifier dans le prochain numéro.

Parmi les vingt plantes signalées comme nouvelles pour la Corse, trois ont été antérieurement indiquées :

Lathyrus pratensis L. et Plantago lanceolata L., par Burnouf, in Bull. Soc. bot., t. XXIV (1877), p. xxx; et Festuca heterophylla Lamk par Debeaux, Notes in Soc. française de Botanique, 1894, p. 238).

M. Fernand Camus fait à la Société la communication suivante :

LE LOBELIA DORTMANNA L. DANS LE MORBIHAN;
par M. Fernand CAMUS (1).

J'ai trouvé le 15 septembre dernier une nouvelle localité française du Lobelia Dortmanna. Cette localité, assez éloignée de celles qu'on connaissait jusqu'alors, est située dans la basse Bretagne, vers l'extrémité N.-W. du département du Morbihan, à une pe

(1) Note ajoutée après la communication (séance du 22 novembre 1901).— J'ai recueilli le Lobelia Dortmanna le 15 septembre. Le 16, j'annonçais par lettre le fait à quelques-uns de nos confrères. Le 17, l'un d'eux l'annonçait au public dans un article adressé au Journal de Botanique « Le Lobelia Dort

tite distance de celui du Finistère. L'étang qui m'a fourni cette plante touche au bourg de Priziac, distant lui-même de 8 kilomètres de la petite ville du Faouët. C'est une cuvette assez étendue

quarante à cinquante hectares - occupant un plateau granitique de 160 mètres d'altitude, et dont la profondeur, sauf peutêtre en son milieu, paraît peu considérable: les grèves exondées étaient à peine inclinées, et j'ai pu m'avancer de 50 à 60 mètres dans l'eau sans me mouiller les genoux. Le fond est formé d'un sable quartzeux grossier mélangé d'une petite quantité de limon. Cet étang, qu'on m'a dit très poissonneux, est bien entretenu, et l'on n'y voit que très peu de plantes aquatiques envahissantes, grandes Graminées ou Carex. Parti à pied du Faouët et m'étant attardé le long du chemin à fouiller quelques points intéressants pour la bryologie, je ne suis arrivé qu'assez tard à Priziac et je n'ai parcouru, et encore incomplètement, que la portion de l'étang située à l'opposé du bourg, soit un tiers au plus du pourtour. Je crois utile de noter le fait les étangs sont rares en basse Bretagne, celui-ci est d'une étendue relativement grande, et il y a chance pour qu'une exploration moins incomplète y fasse découvrir quelque autre rareté botanique.

Le Lobelia Dortmanna abonde dans la partie que j'ai visitée. Je ne crois pas exagérer en disant qu'il y avait bien un millier de pieds fleuris. J'en ai arraché une cinquantaine sans qu'il y parût. Ils se montraient à tous les états de floraison, et certaines hampes portaient des fruits déjà assez avancés. La taille de la plante m'a semblé normale. Les auteurs lui donnent 2 à 5 décimètres; la majorité des pieds atteignaient 30 centimètres, plus ou moins, le maximum était de 40, le minimum de 12. Quelques pieds seulement étaient exondés et de mauvaise venue 12-15 centimètres ; les autres étaient plus ou moins enfoncés dans l'eau, jusqu'à une quarantaine de centimètres, et, à cette profondeur, seule la partie fleurie de la hampe émergeait. Le Lobelia Dortmanna a pour principal compagnon, à Priziac, le Littorella lacustris, qui y pullule. Dans les lacs du nord de l'Europe, il est manna L., dans le Morbihan, par M. le Dr C.-A. Picquenard », numéro de septembre 1901. Bien que dans cet article, dont je n'ai eu connaissance que le 20 novembre, l'auteur m'ait attribué la découverte du Lobelia Dortmanna à Priziac, je n'en proteste pas moins contre la liberté qu'il a prise de publier sans mon autorisation, sans même m'avoir prévenu, les renseignements dont je lui avais fait part.

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