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il faudrait donc admettre que la prescription est à leur égard suspendue; or, ne serait-ce pas là une exception beaucoup plus souvent applicable que la règle? Le parti le plus sage est donc de s'en tenir au texte même du Code et de n'admettre que les exceptions formellement écrites. Voici ces exceptions: CAS D'EXCEPTION. — 1° Aux termes de l'art. 2252, la prescription ne court pas, du moins en principe, contre les mineurs et les interdits. Le législateur n'a pas voulu qu'ils pussent être victimes de la négligence de leurs tuteurs. La prescription ne commencera donc, à leur égard, ou ne continuera qu'à partir de leur majorité ou de la mainlevée de leur interdiction. De là il résulte que, si plusieurs mineurs ou interdits se succèdent, la prescription pourra être suspendue pendant un temps illimité. Le Code eût peut-être dù fixer un temps au delà duquel personne, pas même les incapables, n'eût été à l'abri de la prescription. Ajoutons que, d'après certains auteurs, l'interdit par suite de condamnations criminelles n'aurait pas le bénéfice de la suspension, qui serait exclusivement réservé à l'interdit judiciaire 1.

2o La prescription est suspendue, mais dans quatre cas seulement, au profit des femmes mariées qui sont majeures. Elle est premièrement suspendue à l'égard des actions en nullité des contrats faits par la femme sans l'autorisation de son mari. En effet, aux termes de l'art. 1304, elle ne commence dans ce cas à courir qu'à dater de la dissolution du mariage. En second lieu, la prescription est suspendue à l'égard du fonds dotal, tant que les époux ne sont pas séparés de biens, et à la condition que la prescription n'ait pas commencé avant le mariage (art. 1561). Troisièmement, elle est suspendue, aux termes de l'art. 2256 10, « dans le cas où l'ac

tion de la femme ne pourrait être exercée qu'après une « option à faire sur l'acceptation ou la répudiation de la com<«<munauté; » et, en effet, cette option ne peut avoir lieu qu'à

1 Aubry et Rau, t. II, § 214, note 3, p. 301.

la dissolution de la communauté, et le Code serait tombé dans une véritable contradiction, si d'un côté il avait fixé l'option de la femme à l'époque de cette dissolution, et si, de l'autre, il lui avait fait subir une prescription, qui ne pourrait être interrompue qu'à dater de cette option. Précisons tout cela par un exemple. Aux termes de l'art. 1422, le mari ne peut faire de donation ayant pour objet les immeubles de la communauté : supposons qu'en fait il les ait donnés; les tiers ne pourront les prescrire tant que celle-ci durera. Il faudrait en effet que, pour avoir le droit d'interrompre la prescription, la femme acceptât plus tard la communauté, puisque, renonçante, elle se trouvera n'avoir jamais eu de droit aux immeubles dont il s'agit. Or, comme elle ne peut opter entre une acceptation et une renonciation pendant la durée de la communauté, l'art. 22561° suspend avec raison la prescription jusqu'à ce que celle-ci soit dissoute. De la sorte, la femme pourra revendiquer sa part dans les immeubles donnés, lors même que les tiers les auraient, avant la dissolution de la communauté, possédés pendant le temps nécessaire à la prescription.

Enfin, aux termes de l'art. 2256 2°, « la prescription est << suspendue dans le cas où le mari, ayant vendu le bien pro« pre de la femme sans son consentement, est garant de la « vente, et dans tous les autres cas où l'action de la femme « réfléchirait contre le mari. » Cette exception a pour but de maintenir la paix entre les époux. En effet, si les tiers pouvaient prescrire l'immeuble de la femme vendu sans son consentement par le mari, la femme qui agirait contre les tiers provoquerait de leur part un recours en garantie contre le mari, et en réalité l'action interruptive de prescription se trouverait nuire à ce dernier. Or, on comprend très-bien que le législateur n'ait pas voulu mettre la femme dans l'alternative ou d'intenter une action réfléchissant contre son mari, ou de subir, par prescription, la perte de son immeuble. Mais si le mari ne doit aucune garantie, soit parce qu'il a vendu avec clause expresse de non-garantie à un acheteur

sachant que le fonds appartenait à la femme, soit parce qu'il a donné l'immeuble de la femme croyant donner le sien, la prescription courra contre cette dernière, puisqu'elle peut agir contre les tiers détenteurs, sans que ces derniers puissent agir à leur tour contre son mari.

En dehors des quatre cas qui précèdent, la prescription court contre les femmes, tant par rapport aux biens administrés par leurs maris, que par rapport à ceux administrés par elles-mêmes, et rien n'est plus juste, puisque la femme, même non autorisée, peut toujours faire des actes conservatoires de sa fortune. Il importait de ne pas exposer les tiers à des suspensions trop nombreuses.

3° Aux termes de l'art. 2253, la prescription ne court point entre époux. Ainsi, ni le mari ne peut prescrire les biens de sa femme, ni la femme ceux de son mari. Le Code a voulu, en établissant cette exception, empêcher les époux de se faire indirectement des donations irrévocables, et notre article était une sanction nécessaire de l'art. 1096 1°. Ajoutons que l'on ne pouvait raisonnablement contraindre un époux à faire contre son conjoint des actes interruptifs de prescription. A défaut de distinction établie dans le Code, on doit même décider que la suspension survit à la séparation de corps prononcée entre les époux 1.

4° La prescription ne court point à l'égard d'une créance conditionnelle, jusqu'à ce que la condition arrive (art. 2257 10). Et, en effet, on ne peut reprocher au créancier de n'avoir pas poursuivi le débiteur tant que son droit n'avait pas pris naissance.

Nous ferons observer que cette suspension ne serait pas applicable aux droits réels dépendant d'une condition, l'exception du Code étant formellement restreinte aux créances conditionnelles. Le possesseur d'un immeuble qu'un tiers aura le droit de revendiquer si telle condition se réalise pourra donc,

1 Aubry et Rau, II, § 214, p. 305.

Marcade, art. 2252 à 2256, no 5.

dans l'intervalle, l'acquérir par prescription et se mettre ainsi à l'abri de toute revendication. A son égard l'impossibilité légale où est le propriétaire conditionnel d'intenter son action est sans aucune espèce d'effet 1.

5o La prescription ne court point à l'égard d'une action en garantie jusqu'à ce que l'éviction ait lieu (art. 2257 oo). Et, en effet, l'action en garantie est toujours subordonnée à une éviction préalable; elle est donc conditionnelle, et le motif de suspension donné pour le cas précédent reçoit encore ici son application.

6° Elle ne court point à l'égard d'une créance à terme jusqu'à ce que le terme soit arrivé. Et, en effet, quoique le terme n'empêche pas l'existence de la dette, il exclut, tant qu'il n'est pas échu, la présomption d'un payement. Or, nous savons que la prescription libératoire repose sur cette présomption, qu'il a existé une juste cause de libération. Le motif de suspension que nous venons de donner peut également s'appliquer au cas d'une créance conditionnelle.

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7° Enfin la prescription ne court pas, aux termes de l'art. 2258 contre l'héritier bénéficiaire, à l'égard des créances qu'il a contre la succession. La raison en est que l'héritier bénéficiaire possède les biens constitutifs de son gage, et que, certain d'obtenir le dividende afférent à sa créance, il n'a pas d'intérêt à agir contre la succession. Doit-on admettre la réciproque, et dire que la prescription est suspendue à l'égard des créances de la succession contre l'héritier? Sans aucun doute, car l'héritier est tenu de faire tous. actes conservatoires, et, s'il pouvait prescrire contre la succession, en se dispensant de faire contre lui-même des actes interruptifs, il violerait le principe que nul ne peut améliorer sa condition par sa faute. On doit donc admettre d'une manière générale que la prescription est suspendue entre la succession et l'héritier.

1 G. Demante, Rev. crit., 1854, t. IV, p. 455. Marcadé, art. 2257, no 2.

La prescription court contre une succession vacante, parce que les ayants droit sont en faute de ne pas se présenter ou de ne pas poursuivre la nomination d'un curateur, et les tiers ne doivent pas souffrir de leur négligence. Pareillement la prescription court contre la succession pendant les trois mois, pour faire inventaire, et les quarante jours pour délibérer, parce que les successibles peuvent l'interrompre sans faire acte d'héritiers (art. 2259).

CHAPITRE V

DU TEMPS REQUIS POUR PRESCRIRE.

PREMIÈRE SECTION

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

ART. 2260. La prescription se compte par jours, et non par heures. 2261. Elle est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.

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Comment SE COMPTE la prescription. Aux termes de l'art. 2260, la prescription se compte par jours, et non par heures. Aux termes de l'art. 2261, la prescription est seulement acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. Mais si le dies ad quem doit être complet, faut-il en dire autant du dies à quo, c'est-à-dire du jour où commence la possession ou l'obligation? Dans un système, qui est celui de Merlin, le dies à quo doit être compté, quoique non complet. Dans un second système, on suit le droit romain, et l'on compte le dies à quo pour la prescription acquisitive, mais non pour la prescription libératoire. Peut-être vaut-il mieux s'en tenir à un troisième système, qui est celui de l'ancien droit français, où l'on avait fini par négliger le dies à quo, et où, par conséquent, le premier jour utile pour la prescription, tant acquisi

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