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C'est que s'il avait pu se réserver l'usufruit des biens donnés, il n'eût éprouvé personnellement aucune diminution de ses revenus, et au fond une telle libéralité n'aurait souvent eu pour but que de frustrer la communauté. Or, si le mari a et devait avoir le droit de faire un acte de générosité ou d'humanité, il ne saurait avoir celui de spolier la communauté, sans se nuire à lui-même. L'esprit du Code doit, selon nous, faire aussi déclarer nulles toutes autres donations de meubles individuels qui auraient un caractère frustratoire. Ainsi, lorsque le mari fait une donation de meubles à un ascendant âgé pour qu'il les convertisse en immeubles, lesquels lui reviendront tôt ou tard par succession à titre de propres, cette donation porte en elle un caractère manifeste de fraude et l'on ne saurait, à notre avis, la maintenir.

Lorsque, en fait, le mari a donné soit un immeuble, soit un meuble dont il s'est réservé l'usufruit, la donation estelle nécessairement nulle? D'abord il est certain que l'objet donné devra être compris dans la masse active, lorsqu'il s'agira de la partager entre les deux époux ou leurs héritiers. Si, par l'effet du partage, l'objet tombe dans le lot du mari donateur ou de ses héritiers, il n'y a pas de raison pour que la libéralité ne reçoive pas son exécution. S'il tombe dans le lot de la femme, il est certain que l'objet lui-même ne pourra pas être remis au donataire; mais lui en devra-t-on l'estimation? Lorsqu'il s'agit d'un legs, la loi accorde cette estimation au légataire, et véritablement il n'y a pas de raison de différence entre le legs et la donation. Celle-ci, nulle quant à l'objet, restera donc valable quant à son estimation.

Reste à examiner si la prohibition faite au mari de donner entre vifs les immeubles de la communauté peut cesser par le concours de la femme à la donation. La question est des plus controversées. Nous admettons la négative :

1° Parce que les pouvoirs du mari sur les biens de la communauté sont toujours indépendants du concours de la

femme, que la prohibition du Code est absolue, et qu'on ne voit pas comment le concours de la femme pourrait augmenter les pouvoirs du mari et lever la prohibition dont il s'agit;

2o Parce que le consentement de la femme qui est sous la dépendance du mari, n'aurait, la plupart du temps, aucune signification sérieuse, et qu'en réalité les intérêts de la communauté n'y trouveraient pas la protection que le législateur a voulu leur assurer.

On objecte en vain que le concours de la femme rend possible la donation de l'un de ses propres, et qu'il serait inconséquent que ce concours ne rendît pas également possible la donation d'un immeuble commun. En effet la femme ne consent habituellement à l'aliénation de ses propres qu'en cas de nécessité absolue ou d'avantage évident, et l'on n'a pas à craindre qu'elle concoure facilement à la donation que le mari voudrait lui imposer. Mais comment pourra-t-elle refuser ce concours lorsqu'il s'agira d'un immeuble de communauté, le plus souvent acquis par le travail ou l'industrie du mari? Et si son consentement suffit pour valider la donation, pour l'obten'a-t-on pas à craindre que les tentatives du mari nir, ne deviennent une source de troubles pour le ménage, comme elles sont une menace pour les intérêts communs ? Reconnaissons la sagesse de la loi qui a voulu, dans la mesure du possible, protéger ces intérêts contre les abus et les dilapidations des époux, et disons que la donation des immeubles communs, même faite par le mari avec le concours de la femme, est toujours nulle, parce qu'elle ne peut jamais que nuire à la communauté, et par suite à l'avenir de la famille 1.

Des legs. Le mari peut léguer toute sa part dans la communauté, mais pas davantage, puisque le surplus appartient à la femme survivante, ou à ses héritiers. D'où la conséquence que si la femme ou ses héritiers renonçaient à la communauté, celle-ci aurait pu valablement être léguée tout

1 Sic, Marcadé, art. 1422. Duranton, t. XIV, no 272.

--

Rodière et Pont, t. 1, no 662.
Troplong, t. II, no 903 et suiv.

Contrà,

entière par le mari, puisqu'alors elle lui aurait intégralement appartenu.

Il arrive souvent que les dispositions testamentaires du mari ont pour objet, non la quote-part de la communauté qui lui revient, mais un objet individuel appartenant à la communauté. Un tel legs est-il valable? La raison de douter vient de ce que l'objet légué peut lors du partage tomber au lot de la femme, et alors il semble que le legs doit être nul comme ayant pour objet la chose d'autrui. L'art. 1423 le déclare cependant valable. Seulement la disposition s'exécutera différemment, selon qu'en fait l'objet tombera dans le lot des héritiers du mari, ou dans le lot de la femme. S'il tombe dans le lot des héritiers du mari, l'objet sera délivré en nature au légataire. S'il tombe dans le lot de la femme, les héritiers du mari lui en donneront l'estimation. On voit habituellement dans cette solution de l'art. 1423 une dérogation au principe de l'art. 1021 qui frappe de nullité le legs de la chose d'autrui. Mais cette manière de voir n'est pas exacte. On ne peut pas véritablement appeler chose d'autrui, la chose de la communauté, chose qui par l'effet du partage peut parfaitement tomber au lot des héritiers du mari. Outre que celui-ci a sur la chose qu'il lègue un droit éventuel, il est encore certain qu'en léguant un objet de la communauté il a entendu faire un legs utile, lors même que l'objet tomberait dans le lot de la femme. C'est donc sainement interpréter son intention que de dire qu'au cas où l'objet ne pourrait point être délivré en nature, par l'effet du partage, il devra toujours être délivré en équivalent, c'est-à-dire en argent. Enexpliquant l'art. 1021, nous avons montré que son application doit être restreinte à l'hypothèse où il y a doute sur le point de savoir si le testateur avait ou non connaissance qu'il léguait la chose d'autrui. Aucun doute ici n'est possible, et le Code assure avec raison à la volonté du mari défunt une pleine et entière efficacité.

Nous avons vu, en traitant des droits et devoirs respectifs

des époux, que la femme n'a pas besoin de l'autorisation de son mari pour tester. Doit-on appliquer aux legs qu'elle ferait les règles que nous venons d'exposer pour les legs qui émanent du mari? Le Code ne s'en explique point, mais comme les raisons de décider sont les mêmes, il faut, selon nous, adopter les mêmes solutions. On objecte que dans le cas où la femme aurait légué un objet qui tombe au lot du mari, il faudrait appliquer ici la nullité que l'art. 1021 édicte pour les legs de la chose d'autrui, puisque la dérogation de l'art. 1423 ne s'applique formellement qu'au legs analogue fait par le mari. Nous avons réfuté d'avance cette objection, en montrant que l'art. 1423, loin de déroger à l'art. 1021, ne fait que l'appliquer judicieusement. Il n'y a donc aucune raison plausible de différence entre les legs d'objets individuels faits par la femme, et ceux faits par le mari, et on doit les régir par les mêmes principes 1.

COMMUNAUTÉ.

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Des OBLIGATIONS qui prennent naissance au COURS DE LA Toute administration suppose une série de contrats qui en sont l'expression et qui engendrent des obligations. En dehors des contrats, il peut encore se former des obligations d'une autre nature ayant pour cause les délits ou quasi-délits dont l'un des époux peut se rendre coupable, ou tout au moins devenir responsable. Voyons dans quelle mesure ces diverses obligations affectent ou non la communauté.

Des obligations du MARI. Toutes les obligations que le mari contracte comme administrateur de la communauté, et en tant qu'il gère ses affaires, tombent en communauté, ainsi que nous l'avons expliqué précédemment, et elles y tombent sans récompense.

Les obligations que le mari contracte dans son intérêt personnel, par exemple les emprunts qu'il fait pour payer le prix d'un propre, ou pour y faire des constructions; et

Contrà, 1 Sic, Duranton, t. XIV, no 280. - Rodière et Pont, t. I, no 671. Marcadé, art. 1423, no 6. Massé et Vergé, t. IV, p. 92, note 14.

celles dont il est tenu comme coupable ou responsable soit de délits, soit de quasi-délits, ne tombent en communauté qu'au point de vue de la poursuite, et si la communauté les paye, le mari lui en doit récompense.

Au sujet de cette récompense, il n'y a, nous le savons, aucun doute, ni pour les dettes contractées dans l'intérêt personnel du mari, ni pour les amendes (art. 1424); mais le doute existe pour les réparations civiles, c'est-à-dire pour les dommages-intérêts dont le mari serait tenu par suite de condamnations criminelles. L'art. 1424 ne parlant que des amendes, certains auteurs en ont conclu que si la communauté payait simplement des réparations civiles dues par le mari, n'aurait pas droit à récompense. Le mari, disent-ils, a le droit de dissiper la communauté en vaines prodigalités, et s'il peut la ruiner par ses folies, sans lui devoir de récompense, pourquoi lui devrait-il récompense quand il en emploie les ressources à indemniser les tiers qui ont souffert du délit dont il leur doit réparation?

elle

Nous ne saurions adopter un tel système. Le mari reçoit de la loi plein pouvoir pour administrer la communauté, et toutes les obligations afférentes à son administration incombent à cette dernière. Mais lorsqu'il est évident que ses obligations, loin de se rattacher à la gestion de la communauté, proviennent de faits qui ne peuvent que la compromettre et lui préjudicier, elles ne doivent pas rester à sa charge définitive. Une telle interprétation des pouvoirs du mari irait directement contre le but que la loi et le bon sens leur assignent. Que le mari ne doive pas récompense pour les sommes qu'il jette à ses caprices et à ses prodigalités, cela se comprend. Rarement il reste trace de ces dépenses; souvent la femme y participe, et enfin il pourrait y avoir inconvénient grave à ouvrir une enquête domestique sur le chapitre des dilapidations du mari. Mais quand il s'agit des réparations civiles, la situation n'est plus la même. Alors tout est liquide, et le caractère de la dette, et l'emploi des deniers

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