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Au faîte des palais lancez vos girandoles ;
De vos franges d'albâtre entourez ces coupoles;
Montez, tourbillonnez, flottez au gré des vents
En voile diaphane, en panaches mouvants,
Et tandis qu'au soleil votre gerbe limpide
Disperse le brouillard de sa poussière humide.
Et dans l'air qui s'épure à son flot argenté,
Verse au loin la fraicheur et répand la santé ;
Tombez sur ces gradins en bruyantes arcades;
Sur le pavé glissant retombez en cascades;
Que le flot qui serpente et qui lavé nos murs,
Chasse un limon bourbeux dans des canaux obscurs.
C'est ainsi que d'un roi la féconde puissance
Fait du luxe un bienfait, même pour l'indigence.

Mais d'un peuple nombreux prévenir les besoins,
Est-ce donc tout le fruit de ses généreux soins?
Non; il veut que des arts la pompe tutélaire
Imprime à tout ce peuple un noble caractère.
Il dispute à l'oubli les vertus, les exploits;
Fait asseoir l'Hôpital aux portiques des lois (12);
Place un guerrier fameux sous le dais funéraire,
Près de l'autel funèbre où repose Voltaire ;
Et sur ces grands débris confiés au tombeau
De l'immortalité fait veiller le flambeau.
Par lui, des monumens la visible éloquence
Raconte le bienfait, redit la récompense;
Agrandit le passé d'un noble souvenir;
D'un vertueux exemple enrichit l'avenir;
Propage des talens la sainte idolâtrie;

Et grave dans les cœurs la gloire et la patrie.

Oui, ranimer l'honneur, enflammer le devoir,
Tel des grands monumens fut toujours le pouvoir:
Et sans chercher ailleurs tant d'exemples célèbres
Qui de la nuit des tems ont percé les ténèbres,
Voyez chez les Romains, au mépris des lieteurs,
Un nouveau Marius braver les sénateurs.

(12) Il serait sans doute superflu de désigner plus particulièrement les statues, les temples, les monumens de tout genre auxquels on fait allusion dans ces vers ↑ et qui sont exposés aux yeux de tout le monde.

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Implore les autels de Jupiter Stateur (13).
A ce grand souvenir, à ce nom protecteur,
Le sénat se rassure; il voit l'auguste idole,
Comme au tems de ses rois, sortir du Capitole :
Catilina frémit, le foudre manaçant

Semble déjà tombé sur son front pâlissant :
Il fuit; l'aigle vengeur poursuit l'incendiaire :
Il meurt. Et le sénat, le peuple, Rome entière,
Dans le temple où jadis triomphaient ses aïeux,
A ce nouveau triomphe appelle encor ses Dieux;
Et croit que du consul éclairant la victoire,
L'astre de Jupiter luit sur le char d'ivoire (14).

Ainsi, chez nos neveux, en des siécles nouveaux,
Leur roi, si la victoire avait fui ses drapeaux,

S'écrierait : « Je t'implore, 6 temple tutélaire (15)

› Où des mânes guerriers le culte héréditaire

>

> Sur un marbre vieilli fait triompher encor

» Les vainqueurs d'Iéna, les vainqueurs du Tabor ! »
Sa douleur des héros invoquerait l'exemple:

Les héros indignés sortiraient de leur temple;

(13) Allusion à cette fin de la première Catilinaire : « Et toi, > Jupiter Stateur, dont le temple a été élevé par Romulus, sous les > mêmes auspices que Rome même ! toi, nommé dans tous les tems » le soutien de l'Empire romain! tu préserveras de la rage de ce bri> gand tes autels, ces murs et la vie de nos citoyens, etc. »

(14) Ces deux derniers vers sont une imitation de Virgile qui peint le vainqueur d'Antoine : Stans celsá in puppi, et ajoute: Patriumque aperitur vertice sidus. On n'a fait que substituer à la poupe guerrière le char des triomphateurs, et l'astre de Jupiter Capitolien, dieu tutélaire de Rome, à l'étoile de César, génie tutélaire de son fils adoptif Octave-Auguste. Personne n'ignore combien ces sortes d'images étaient familières aux poëtes de l'antiquité. On pourrait en citer de nombreux exemples; et j'ai eru qu'il était encore permis de les employer dans des sujets tirés de l'antiquité même.

(15) Le temple de la Gloire qui va s'élever en face du palais du Corps-Législatif.

Et nos soldats, conduits par ces chefs belliqueux,
Forceraient la fortune à les suivre comme eux.
Monument protecteur, hâte-toi de paraitre!
Sur le marbre et l'airain hâtez-vous de renaitre,
Vous que dans son enceinte appellent vos exploits!
Oh! quand viendra le jour où l'arbitre des rois
Sur le char de la paix conduira la victoire
Du Palais de l'Honneur au Temple de la Gloire !...
Il est venu : déjà l'aigle triomphateur,

De ce dôme élancé, plane sur sa hauteur,

Et porte dans les cieux la palme et le tonnerre ;
Le bronze retentit sans alarmer la terre,
Et, chassant les vapeurs de l'orient vermeil,
Aux fêtes de la Gloire invite le soleil.

Les clairons belliqueux, les lyres poétiques,
Des fêtes de la Gloire entonnent les cantiques.

<< Gloire ! » le char paraît; devançons les coursiers :
« Gloire!» suivez le char et semez les lauriers...

Le temple s'ouvre : aux yeux de la foule attendrie
Paraissent les Héros qu'a pleurés la Patrie ;

Voilà leurs noms, leur cendre et leurs traits immortels (16).
La Patrie, en ce jour, au pied de leurs autels
Apporta le tribut de sa reconnaissance.

Enflammant tous les cœurs, la voix de l'éloquence,
Fait retentir ces murs du bruit de leurs exploits :
Et, comme aux chants du Barde on voyait autrefois
Des fantômes guerriers s'agiter les nuages,

J'ai cru voir des Héros tressaillir les images.

A tout ce qui fut grand et qui servit l'Etat,

Sur les mers, dans les camps, au Lycée, au Sénat,

La déité du Temple apporte la couronne.

Le marbre la reçoit, le Monarque la donne.
Et, tel que Jupiter environné des Dieux,
Sur un trône entouré de ces morts glorieux
Qu'invoque la Patrie, et que l'Europe admire,
De ses vastes regards il parcourt son Empire;
Sur des monts applanis il voit les chars rouler;
Loin du lit paternel des fleuves se mêler :

(16) Les urnes, les statues des grands-hommes, les tables de marbre où leurs noms doivent être gravés.

La gerbe des marais fatiguer la faucille ;

Tandis qu'à ses côtés, l'espoir de sa famille,

Un fils qui, le front ceint du bandeau des Césars,
Régna, dès le berceau, sur la ville de Mars,
Se plaint que, de sa gloire épuisant l'héritage,
Un père ne réserve à son jeune courage
Que des rivaux vaincus, que des trônes amis,
Des remparts achevés et des fleuves soumis.

LES EMBELLISSEMENS DE PARIS.

Pièce qui a obtenu le premier accessit au jugement de la Classe de la langue et de la littérature française de l'Institut; par M. MILLEVOYE.

ILs ne sont plus ces jours où des rois avilis
Dans un lâche repos dormaient ensevelis.

D'un héros souverain l'activité féconde

Sur sa France immortelle attache l'œil du Monde.
Il peut tout, et, d'un mot, au sein de nos remparts,
Des tributs de la guerre il enrichit les arts.
Venez, bronzes captifs, dépouille des batailles,
En pyramide altière embellir nos murailles;
Venez du vieux soldat frapper les yeux ravis;
Que du bras qui lui reste il vous montre à ses fils.
Tombe aux champs de Rosbac, insolent témoignage
Qui d'un jour de revers éternisait l'outrage!
Glaive de Frédéric ! brille au Temple de Mars.
Livre-nous, Memphis! tes monumens épars;
Et vous, marbres conquis dans la superbe Rome,
Vers la grande cité précédez le grand-homme.

Peiudrai-je, aux flancs neigeux de l'Apennin soumis
Sur l'abîme, à sa voix, les chemins affermis?
A travers les sommets, perdus dans les nuages,
Le verra-t-on frayer d'audacieux passages;
Partager aux cités l'urne immense des eaux ;
Sous la terre profonde étendre les canaux,
Et, traçant au commerce une route hardie,
Rapprocher les confins de la France agrandie ?...
Mais Paris me rappelle en son sein triomphant.
C'est-là que du guerrier le belliqueux enfant,

Sur le bronze amolli, sur la pierre animée,
D'un père à chaque pas trouve la renommée.
A cent jours de victoire il assiste en un jour.
Le passé, le présent lui parlent tour-à-tour.
La colonne éclatante et dans l'air élancée,
Atteste de Trajan la grandeur surpassée.
Les voilà ces parvis où l'éloquent burin,
Sur des pilastres d'or et des tables d'airain,
De tant de morts fameux doit graver la mémoire,
Et raconter aux yeux leur immortelle histoire !
Plus loin s'élève et brille un arc triomphateur,
Dont Septime lui-même eût envié l'honneur :
Là semblent tressaillir, devant la noble enceinte,
Ces bronzes dont Lysippe enorgueillit Corinthe,
Ces coursiers voyageurs, conduits par leurs destins
De la ville éternelle aux murs des Constantins,
Et qui, formés jadis pour le char de la gloire,
Sont venus jusqu'à nous de victoire en victoire.

A tous ces monumens de pompe et de grandeur
Vient s'allier encore une utile splendeur :
Des toits du vieux Paris la masse informe et sombre,
Voit le soleil percer les vapeurs
de son ombre :
De ponts majestueux le fleuve est couronné;
Le rivage s'enchaine au rivage étonné ;
La fontaine s'épanche et le quai se déploie ;
L'espace s'élargit dans la publique voie ;
Les pieux hôpitaux dotent la pauvreté ;
Les marchés abondans nourrissent la cité,
Et Cérès établit ses granges opulentes

Où Mars amoncelait ses armures sanglantes (1);
Seine ! réjouis-toi, le propice canal

Qui vient grossir ton cours de son cours libéral,
Fait voguer jusqu'à nous les fruits de l'industrie,
Enrichit de ses flots la Naïade appauvrie,
Epure au loin les airs; et, dans Paris charmé,
Arrête l'incendie en son vol enflammé.
Pour enchanter les yeux, un luxe moins austère
Imprimé à ses travaux un plus doux earactère ;

(1) Greniers d'abondance sur le terrain de l'Arsenal.

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