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Voulut, aux vils censeurs dont l'impuissante ligue
Opposait au talent les clareurs de l'intrigue,'
Joindre du fier Rotrou le suffrage imposant;
Mais des palmes du Cid généreux partisan :

« Aux écrivains, dit-il, laissez l'indépendance,
» La liberté de l'ame échappe à la puissance.
» Consacré par la voix, par les pleurs de Condé,

» Sur tous les nobles cœurs son triomphe est fondé.

> Quand la patrie ensemble avec orgueil vous nomme,
» Grand homme, gardez-vous d'outrager un grand homme.

> Les talens sont sacrés; fort de votre grandeur,
» Ne cédez pas le droit d'être leur bienfaiteur.
> Par cet usage auguste honorez la puissance;
» La gloire de Corneille est celle de la France. »

Il dit, et confirma ce refus glorieux.
En sa tendre amitié, fidèle, ingénieux,
Déployant de son art et l'audace et l'adresse,
Dans les jeux de la scène il sut avec noblesse
Offrir à son rival un encens généreux (1),
Et Paris enchanté les admira tous deux.

Muse, si son génie osa rouvrir ton temple,
Que sur le lit de mort ton orgueil le contemple;
C'est à toi, vierge auguste, à toi de recueillir
Et son souffle immortel et son dernier soupir;
Viens, de sa faible main reconnaissons les traces.

« L'auteur de Venceslas à l'auteur des Horaces :
» Ami, tu l'as prévu, je partais sans retour;
» J'ai combattu la mort qui me frappe à mon tour.
» Nos adieux fraternels en vain nous attendrirent,

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Tu ne m'arrêtas point; nos ames s'entendirent!

» Je confie à toi seul, ami tendre, assidu,

2 Le soin de consoler les cœurs qui m'ont perdu,

» Et mourant, sûr du moins de vivre en ta mémoire,

» Je laisse aux écrivains mon exemple et ta gloire.

» L'airain qui doit gémir sur chaque infortuné,
› Pour la vingtième fois depuis l'aube a sonné;

(1) Dans sa tragédie de Saint-Genest.

. Quand le voudra du ciel le décret inflexible,
> Il sonnera pour moi; je l'attendrai paisible. »

A peine il a tracé ces mots avec lenteur,
De la mort sur ses traits se répand la pâleur;
La plume qu'il guidait échappe à sa faiblesse ;
Melpomène frémit: il meurt! et la déesse
Enveloppant son front d'un long voile de deuil,
De lauriers, en fuyant, a couvert le cercueil.

Traduction du passage du second livre de l'Énéide qui

décrit la mort de Laocoon.

MAIS à nos cœurs émus s'offre une autre infortune.
Laocoon, élu pontife de Neptune,

Sur la rive troyenne, en habits solennels,

Du sang d'un fier taureau consacrait ses autels.
Soudain (à ce récit tout mon cœur s'intimide)
Vomis par Tenedos dans un calme perfide,

Deux serpens, vers nos bords, ennemis monstrueux,
S'allongent sur les flots en orbes tortueux.

Tous deux, voguant de front, hors des ondes tremblantes,
Dressent leurs cols gonflés et leurs crêtes sanglantes;
Le reste de leurs corps plonge, et, fendant les eaux,
Déroule en mille tours leurs immenses anneaux.
L'onde écume et frémit : déjà les fiers reptiles
Touchent en menaçant nos campagnes fertiles.
Leur orbite sanglant roule un œil enflammé ;
Leur langue siffle, et darde un trait envenimé;
Tout pâlit et s'enfuit : le couple affreux s'avance,
Court à Laocoon, sur ses deux fils s'élance ;
Embrasse en longs replis ces enfans malheureux,
Les serre, les déchire, et s'acharne sur eux.
Le père vole armé : les monstres le saisissent,

De leurs liens étroits l'entourent, l'investissent,

Serrent deux fois ses flancs, deux fois son col nerveux,

Des cercles écaillés de leurs corps tortueux,

Et, dressant sur son front leurs têtes triomphantes,
Dominent fièrement leurs victimes mourantes.
En vain l'infortuné, dont les sacrés festons
Dégouttent de son sang et de leurs noirs poisons,

Veut rompre avec sa main leurs chaînes redoutables,
Et pousse vers les cieux des cris épouvantables.
Tel mugit un taureau, qui, du temple échappé,
Se dérobe en hurlant au fer qui l'a frappé.
Enfin les deux serpens abandonnent leur proie,
Vont au temple, où Pallas reçut l'encens de Troie,
Et déposent tous deux leur courroux meurtrier.
Sous ses pieds immortels et son saint bouclier.

LEGOUVÉ.

ENIGME.

Les nones et les rois me portent sur le front;
Robespierre en mourant me portait au menton;
Colin à certain jeu jouant avec Lison,
L'attrape, me détache et m'applique au tendron,
Au même lieu, de la même façon,
Que me porte toujours un petit dieu fripon.
Jeune fille et jeune garçon

Me portent sur le bras, quand la religion,
Après qu'ils ont souffert un salutaire affront,
Les oint de certaine onction.

Je deviens lors un précieux torchon
Qu'à l'église ils offrent en don.

S........

LOGOGRIPHE.

QUOIQU'EMBLEME de la justice,
Quoiqu'emblême aussi de la loi,
La violence et l'injustice
Font souvent usage de moi.
J'arme la main du criminel;

Mais je le frappe sur l'autel

Où, par un arrêt légitime,

On l'envoie, expier son crime.

J'ai six pieds bien comptés ; combine, si tu peux;
Tu trouveras que trois d'entr'eux,

(Ce sont les trois derniers ) te donnent

Ce

que les six entiers moissonnent;

Un mal qu'on gagne, deux oiseaux,

Ce qui reste au fond des tonneaux;
Ce que n'est pas un homine accablé de tristesse,
Ce qui procure aux oiseaux la prestesse ;
Une plante, ce que l'on gagne avec le tems,
Enfin ce que l'on voit échapper des volcans.

S......

CHARADE.

MON premier est un substantif

Qui reverdit dans la saison des fleurs;

Mon second est un adjectif

Qui convient aux amours et qui convient aux cœurs ;

Mon tout est un infinitif

Qui ne convient qu'aux grands seigneurs.

S........

Mots de l'ENIGME, du LOGOGRIPHE et de la CHARADE insérés dans le dernier Numéro.

Le mot de l'Enigme est Mousse ( matelot ), mousse (écume), et mousse (herbe menue ).

Celui du Logogriphe est Femmelette.

Celui de la Charade est Délit.

LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS.

ETUDES DE L'HISTOIRE ANCIENNE ET DE CELLE DE LA GRÈCE ; de la constitution de la république d'Athènes et de celle de Lacédémone; de la législation, des tribunaux, des mœurs et des usages des Athéniens; de la poésie, de la philosophie et des arts chez les Grecs; par PIERRE-CHARLES LEVESQUE, chevalier de la Légiond'Honneur, membre de l'Institut, professeur d'histoire au Collège impérial de France et dans la Faculté des lettres de l'Université impériale. - Cinq vol. in-8°. — A Paris, chez Fournier frères, libraires, rue Poupée, n° 7. (1811.)

IL est très-permis à un homme d'esprit, qui veut s'amuser un moment à soutenir un paradoxe, de s'écrier dans l'accès d'une feinte indignation:

Qui me délivrera des Grecs et des Romains?

Un pareil vers est très-bon dans un ouvrage qui n'est évidemment qu'un badinage ingénieux, parce qu'il n'y a pas un homme de bon sens qui puisse y être trompé ; mais nous avons vu ces hommes féroces et grossiers qui travaillaient en révolution, comme on s'exprimait dans ce tems-là, prendre cette idée au pied de la lettre; c'était très-sérieusement qu'ils songeaient à nous délivrer des Grecs et des Romains; déjà même ils avaient commencé à mettre à exécution ce beau projet, et ce n'est pas peut-être un des moindres maux qu'ils ayent faits. Cependant la même main puissante qui nous a délivrés d'eux, a rétabli, au contraire, par de solennelles institutions la culture des langues et de l'histoire des Grecs et des Romains, et c'est un bienfait dont la postérité ne devra pas être moins reconnaissante que la génération actuelle. En effet, c'est à cette culture que les peuples éclairés de l'Europe doivent la civilisation qui leur assure une supériorité incontestable

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