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ez-de-chaussée, se communiquaient leurs craintes ou leurs espérances. Tout-à-coup M. Erskine se lève, s'agite avec transport:

Bacchatur vates, mognum si pectore possit
Excussisse Deum : tanto magis ille fatigat

Os rabidum.

EN. 6.

Il s'écrie qu'il aperçoit ce qui est invisible à tout autre il que le sien: il voit, dit-il, le corps de sa mère que l'on sortait d'un pavilion séparé du château, pour lui rendre les derniers devoirs. Il désigne et montre l'endroit où sont déposés, selon lui, les restes inanimés de Mme Erskine.

Cette fureur étant appaisée et le calme ayant reparu, les parens s'approchent de M. Erskine et lui disent: « Vous voyez bien maintenant et vous êtes obligé de >> convenir que vos visions ne sont que des lubies, puis» que votre mère a toujours habité et qu'elle se meurt » dans le château et non dans le pavillon dont vous parlez. »Tout comme il vous plaira, répond-il, mais il n'en » est pas moins vrai que j'ai vu ce que je vous ai raconté. » Un instant après, un laquais entre : il annonce, de la part de sa maîtresse, que voyant son dernier moment approcher, elle désirait d'être transportée au pavillon et de mourir loin de la partie qu'elle avait toujours habitée avec son mari, parce qu'elle craignait que celui-ci ne voulût plus continuer d'y demeurer si elle y rendait le dernier soupir. On exhauça le vœu de Mme Erskine et la vision de son fils fut réalisée. (4).

La sœur de M. Erskine épousa le comte de Leven et Melville père de Mme Hamilton. Un jour Mme *** lui rendait visite; M. Erskine éprouve un de ces transports auxquels il était sujet, et s'adressant à cette dame, il lui

(4) On peut croire que la mère avait parlé précédemment de ce projet, et que M. Erskine était occupé de cette idée. Mais au fait suivant, il n'y a rien à répliquer si ce n'est par le doute. Du reste. je ne suis qu'historien et je raconte sur des témoignages dignes do foi; (ce qui n'est pas toujours un motif suffisant pour croire.)

[me ***

dit qu'il voyait sa sœur mourir, et qu'il la voyait elle lui succéder, et mariée au comte de Leven. Mme se récrie sur des prédictions aussi invraisemblables. Elle ajoute même qu'elle est obligée d'abréger sa visite, parce qu'elle sait que le comte a, pour elle, une extrême antipathie. M. Erskine répète avec énergie qu'il voit ce qu'il annonce. Il parle même du nombre d'enfans qui naîtraient de ce mariage, de ceux qui survivraient et de leur destinée respective.

Quelque tems après, la comtesse de Leven mourut. Le comte épousa la dame en question qui n'était nullement remarquable par sa beauté, mais que des qualités rares et une piété sincère et éclairée rendaient l'objet de l'estime générale. Sa franchise et son amour pour la vérité étaient comme passées en proverbe. Tout ce qui avait été vu est arrivé de point en point; et la comtesse, frappée de ce qui la concernait personnellement dans les prédictions de M. Erskine, n'a jamais douté qu'il ne fût doué de la faculté de voir et de prédire. Sa confiance était même à un tel point que lorsqu'il se présentait pour sa fille, aujourd'hui milady Mary Hamilton, un parti différent de celui désigné par le prophête, elle avait coutume de lui dire ce mariage n'aura pas lieu, vous en ferez un autre (5).

Telles sont, entre mille, les anecdotes que nous avons cru devoir offrir, parce qu'elles ne sont point connues, parce qu'elles ont rapport à l'auteur de la Famille de Popoli, parce qu'enfin elles peuvent servir à justifier l'intervention de Maggy Macpherson. Mais ce qui la justifiera mieux encore, c'est l'intérêt qu'elle répand sur tous les personnages. Ces anecdotes rappelleront à milady Mary Hamilton de tristes souvenirs, mais elles ne peuvent la blesser, et nous les aurions même suppri

(5) Cette circonstance rappelle le songe de Saint-Preux, le voile dont Mme d'Orbe couvrit le corps de son amie pour accomplir la pré diction enfin cette réflexion sensée : « Je crois que si l'on y regar» dait de bien près, on trouverait ce même rapport dans l'accomplis sement de beaucoup de prophéties. L'événement n'est pas prédit parce qu'il arrivera; mais il arrive parce qu'il a été prédit. »

mées, si nous eussions pu soupçonner que leur publicité lui déplût (6).

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Du reste, toutes les discussions relatives à la supersti tion des Ecossais et à leur immémorial second-sight pourraient se réduire à cette question: quand une société bien civilisée, bien polie, bien renommée pour son urbanité, pour ses lumières, admet dans son sein des discuses de bonne aventure, quand elle les consulte, quand elle croit qu'une combinaison de cartes peut faire connaître la destinée, a-t-elle le droit de se moquer des Ecossais et de leurs inspirés? V. D. M.

HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ESPAGNE DEPUIS LES TEMS LES PLUS RECULÉS Jusqu'a la fin DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE ; par G. B. DEPPING. TOME I et II, in-8°. Prix, 12 fr., et 15 fr. francs de port. A Paris, chez D. Colas, imprimeur-libraire, rue du VieuxColombier, n° 26, fauxbourg Saint-Germain ; Lenormant, libraire, rue de Seine, n° 8.

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De toutes les nations de l'Europe moderne, l'Espagne est celle qui semble présenter à l'histoire le champ le plus vaste et le plus fécond. Quelle contrée fut jamais le théâtre de plus de révolutions? Où vit-on se succéder plus d'événemens extraordinaires, régner plus de peuples opposés de mœurs, de lois, de puissance et d'industrie? Quelle nation s'illustra par une fermeté plus héroïque, une volonté plus constante, un caractère plus opiniâtre et plus indomptable? Dans quelle autre région vit-on dominer alternativement le trident de Carthage et l'aigle romaine, briller l'étendard de la croix et le croissant de Mahomet? Où trouver une source plus féconde d'éloquence et d'intérêt ?

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Cependant en examinant avec plus d'attention ce riche et fertile sujet, on s'aperçoit bientôt que si ces grands

(6) Nous apprenons à l'instant que la Famille de Popoli a été composée en français par milady, c'est un autre de ses ouvrages qu'elle a traduit et dont l'impression se prépare.

tableaux sont propres à enflammer l'imagination, la multitude de faits dont ils sont chargés, oppose à l'historien des obstacles presque insurmontables. Comment se flatter de lier ensemble tant de parties opposées et diverses? Par quel art tracer, sans confusion, l'histoire de tant de peuples, de conquérans et de monarques, qui se sont, dans le même tems, partagé le vaste et précieux territoire de l'Espagne ? L'esprit humain serat-il capable de placer dans son entendement, de conserver dans sa mémoire tant d'objets si multipliés, tant de faits si compliqués? Ici l'unité est dans le mot, elle ne se trouve point dans les choses. Pourquoi notre histoire de France offre-t-elle tant de désordres et d'embarras sous les successeurs de Clovis et de Charlemagne? N'est-ce pas parce qu'alors divisée en monarchie indépendantes et souvent ennemies, elle cessa de former un seul Empire? C'est ainsi qu'avant la réunion de toutes les parties de l'Espagne sous la puissance de Ferdinand et d'Isabelle, ses annales n'offrent souvent qu'un amas obscur de faits confus et incohérens. C'est l'unité de pouvoir, de lois, de mœurs, d'intérêt, qui donne aux peuples une existence, un rang et une histoire.

L'auteur de la nouvelle Histoire d'Espagne est trop éclairé pour que ces réflexions lui aient échappé. Il ne dissimule point ses désavantages, et dans une préface sage et judicieuse il nous prévient que les deux volumes qu'il offre au public seront loin d'offrir l'attrait qu'on peut se promettre des derniers. Mais peut-être a-t-il luimême multiplié les difficultés il me semble qu'il s'est créé, sur la manière d'écrire l'histoire, un système susceptible de quelques observations: « Considérée sous le » rapport littéraire, dit-il, notre entreprise se présenté » hérissée d'obstacles difficiles à surmonter. Le peu de » modèles de ce genre que l'antiquité nous a conservés, » prouve combien il faut de génie et de travaux pour les » égaler. Ces difficultés, loin de disparaître aux lumières. >> toujours croissantes des derniers siècles, n'ont fait que » se multiplier à mesure que le domaine des sciences » s'est accru. Le lecteur ne se contente plus d'être » charmé et énu; il veut être éclairé; il exige avco

» raison que l'historien lui prête le flambeau dont il s'est >> guidé dans sa marche. Avant tout, il faut qu'il soit ras»suré sur la véracité de l'écrivain et qu'il juge, par lui» même, ce qui peut l'engager à admettre un fait comme » vrai ou à le rejetter comme faux. »

M. Depping conclut de ce principe, qu'il n'est point de fait obscur ou contesté que l'historien ne doive éclaircir, dont il ne doive mettre les pièces justificatives sous les yeux du lecteur. Il me semble que ce n'est pas l'idée que nous nous sommes faite de l'histoire. Nous pensons qu'elle consiste particulièrement en récits; que le principal mérite de l'historien est de recueillir les faits dans le silence et la méditation du cabinet, de les soumettre en secret à une critique sévère et judicieuse, et de ne produire sous les yeux du lecteur que les résultats propres à l'intéresser. Telle a été la marche des plus célèbres écrivains. Rien, dans l'antiquité, de plus rapide. et de plus précis que les ouvrages d'Hérodote, de Xénophon, de Tacite, de Tite-Live. Jamais aucun d'euxn'a songé à surcharger ses pages de dissertations savantes sur l'origine d'une peuplade, la position d'une ville, la date prédise d'un événement; et dans nos siècles modernes, jamais nos bons écrivains n'ont mêlé l'érudition à leurs récits. Si Vertot, dans ses Révolutions romaines, suspend quelquefois le cours de sa narration pour examiner un point relatif aux lois, aux mœurs ou aux intérêts de Rome, ses digressions se recommandent toujours par la précision et la brièveté ; il sait que le lecteur l'attend, et il se hâte de répondre à son impatience. Le sage et judicieux Robertson, dans son excellente Histoire d'Amérique, a eu soin de rejetter dans des notes tout ce qui pouvait arrêter le cours de sa narration. C'est ainsi qu'on évite de donner à des tableaux historiques la forme d'un factum.

Je sais que depuis quelque tems l'érudition est rentrée en grâce parmi nous, que nos fréquentes communications avec l'Allemagne nous ont inspiré du repect pour la manière germanique, qu'on aime aujourd'hui à charger un ouvrage de variantes et de scholies, et qu'on oserait à peine publier un almanach sans discours pré

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