Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

quel géographe français il prétend désigner; est-ce » d'Anville, Gosselin, Fleurieu, Beautems Beaupré, etc.? » Ou est-ce que le libelliste prétend voir dans Pinkerton. un géographe français ? A cette réponse décisive, j'aurais du joindre l'observation que j'ai pu maltraiter les abrégés de Hassenfratz, de Mlle Crozat, de M. John Pinkerton, mais que M. Biot, dans le Mercure, à montré envers cette sorte de livres une sévérité encore plus grande que celle dont j'avais usé.

Enfin , pour terminer ces observations, je trouve singulier que dans un journal distingué par un ton modéré et poli, on n'ait point remarqué la différence des formes qui existent entre le pamphlet du libraire Dentu et ma replique. On m'accuse d'invectiver, sans en citer une seule preuve ; on absout, au contraire, le libraire qui a rempli toutes ses pages des termes les plus grossiers, tels que coquin, filou, brigand, forban, bas, vil, infâme, etc.

[ocr errors]

Je ne répondrai plus d'aucune façon aux attaques de la cotterie cachée sous le nom de Dentu. Qu'elle fasse encore des brochures pour prouver que tout ce qu'il y a de mieux dans les géographies physiques de Bergmann, de Kant et d'autres, dans les histoires des découvertes géographiques par Dalrymple, Burney, Sprengel, Forster dans les géographies anciennes de Mannert, de d'Anville, etc., etc. se trouve réuni dans les deux premiers volumes de mon Précis; ce sera un nouveau service rendu au succès toujours croissant de mon ouvrage; ce sera une nouvelle démonstration qu'il est ce qu'il doit être, un traité complet de géographie universelle. MALTE-BRUN.

ERNESTINE.

IL était neuf heures du matin : j'arrivais dans une petite ville d'Allemagne; mon projet était d'aller plus loin; mais je fus surpris de voir une foule assemblée autour d'un édifice, que je reconnus à sa gothique structure pour être lo lieu où se rendait la justice. Accoutumé aux scènes cruelles d'insurrection, de révolte, je crus qu'il en éclatait une : cependant les différentes personnes qui composaient ce groupe hombreux, n'avaient pas sur leur figure cette expression d'agitation, de fureur, qui annonce des projets hostiles; la curiosité, une légère teinte de tristesse animaient les regards des hommes; la pitié, la crainte, la contrition se

peignaient dans ceux des femmes. Croyez-vous qu'elle soit irrévocablement condamnée, se demandait-on à demivoix?-Un homme paraît sur le seuil de la porte; entouré de la foule, il a peine à la percer. Plusieurs voix s'écrient àla-fois : Eh bien! cette cruelle sentence est-elle confirmée? —Hélas! oui. —A ces mots les femmes poussent un cri de consternation et d'effroi, couvrent de leurs mains leurs yeux inondés de larmes, ef se séparant de la foule, s'éloignent lentement et en silence. - Oui, son sort est à jamais décidé, continua le même homme, mais pouvait-on faire grâce? son crime fait frémir la nature ! - Elle est si jeune, reprit un homme âgé, et sans doute elle est bien plus à plaindre qu'à blâmer. Oui, mais la loi est précise. Dites qu'elle est cruelle et digne des sauvages les plus féroces. Ce que j'avais vu, ce que je venais d'entendre excita vivement ma curiosité, et plus encore ma sensibilité. Je tentai de faire quelques questions, on n'y répondit pas, ou si vaguement que je ne pus être instruit : j'appris seulement que l'infor tunée dont on venait de prononcer l'arrêt, était une jeune fille. La foule se dissipa, et je gagnai la première hôtellerie, brûlant du désir d'en apprendre davantage.

[ocr errors]

Je fus bientôt assailli des questions d'usage... Je n'avais qu'une idée, elle remplissait mon cœur; à tout ce que l'hôtesse me demandait, je lui répondais, quel est le crime de cette malheureuse? et comment peut-on condamner à la mort la jeunesse, la beauté? Ah! monsieur, vous la connaissez donc? oui, elle est jeune, elle est belle, et elle va périr. Je suis étranger, j'arrive, et je vois toute la ville. émue de ce qui se prépare; veuillez, madame, m'instruire... Oh! volontiers, répond l'hôtesse en se plaçant dans un fauteuil à côté de moi. Hélas! celle pauvre Ernestine, combien je la regrette! si douce, si modeste! ah! elle ne méritait pas son sort!... Elle est d'une famille honnête, mais pauvre; elle travaillait sans relâche pour soutenir une mère vieille et infirme, elle était le modèle de toutes ses compagues, honnête, vertueuse; sa beauté la fesait remarquer des hommes, sa bonté, sa douceur, chérir des femmes. Un jeune homme de sa condition s'attache à elle, en fut bientôt aimé; le malheur rend sensible. Ernestine n'était pas heureuse, elle crut l'être du moment qu'elle aima. Fritz lui parut un Dieu; elle se livra sans défiance à l'amour qu'on lui témoignait, à celui qu'elle éprouvait..... Elle s'oublia; bientôt elle s'aperçut des suites d'une faute que sa jeunesse, sa passion pouvaient excuser; sa tendresse

pour Fritz en augmenta; osant compter sur la sienne, elle le conjure en rougissant de honte et d'amour de ratifier aux pieds des autels leurs mutuels engagemens : la malheureuse ignorait que ce qui devait augmenter ses droits sur le cœur de son amant, servait à les lui faire perdre. Il ne peut, dit-il, contracter cette union sans le consentement de ses parens (ah! il ne l'avait pas demandé pour séduire sa jeune et crédule amante). Il part dans l'espoir de l'obtenir, mais. il ne reparaît plus, et la laisse livrée à toute l'horreur de sa situation..... Cependant le moment où elle doit devenir mère s'approche, comment dérober à la sienne sa honte et son infortune? la connaissance de la faute de sa fille lui donnera le coup de la mort..... Sous le prétexte qu'elle est demandée pour aller travailler à la campague, elle la quitte et va s'établir dans une chambre isolée, y vit seule quelque tems dans la plus profonde mélancolie, et donne la vie à une innocente créature, qui la perdit au moment de sa naissance..... On le trouva mort à côté d'Ernestine, qui elle-même était inanimée. Le secret qu'elle avait fait de son état à sa mère et aux magistrats, la retraite dans laquelle elle avait vécu, ce corps privé de la vie, tout donne lieu de croire qu'elle a porté une main cruelle sur son enfant... On l'interroge; accablée par la honte, elle ne répond rien. Son silence fut pris pour un aveu. On la conduisit en prison. Elle y a subi plusieurs interrogatoires : elle n'a point rompu le silence.... Vous savez le reste, la justice..... Ah! dites la cruauté, interrompis-je avec véhémence; elle est innocente, j'en suis persuadé; les monstres! ils ont osé la condamner..... Et quand il serait vrai qu'elle est cou→ pable! placée entre l'opprobre et l'infamie, que n'emploîrait-on pas pour s'y soustraire. Je veux la voir; croyez-vous que cela soit possible? Sans doute; elle doit entendre sa sentence, qui se lit en public; et nous touchons à l'heure où on s'assemble.

Je vole au lieu indiqué, mille idées se confondent dans ma tête: celle qu'Ernestine est innocente, que je pourrais peut-être la sauver, que les juges ne seront pas inexorables, se fait jour au travers de ce chaos... J'entre avec précipitation, j'ai peine à percer la foule qui l'entourait; Ernestine était assise au milieu de la chambre: sa tête penchée la rendait semblable à un lis courbé par l'orage; ses cheveux épars, le désordre de son vêtement, sa pâleur extrême, ses yeux éteints, l'air d'abandon et de désespoir qui se peignait sur toute sa personne, redoublaient l'intérêt qu'elle m'inspirait

déjà. J'étais étranger, mais la vraie sensibilité, le désir d'être utile est un lien qui rapproche tous les hommes. J'élève la voix dans l'intention d'empêcher la lecture de la sentence; Ernestine tressaille, lève la tête avec un mouvement rapide, me regarde fixement, détourne les yeux en poussant un pesant soupir, et retombe dans l'état d'insensibilité où elle paraissait plongée. Ce regard me donne une nouvelle hardiesse. Je m'adresse aux juges, je les conjure de suspendre cette lecturé : ces accens font encore tressaillir la malheureuse victime; elle me regarde plus fixement, et son regard qui exprimait d'abord l'horreur, le reproche, parut s'adoucir..... Ah! il se retracera toujours à mon souvenir, ce regard qui peignait tous les mouvemens d'une ame angoissée et ulcérée. J'appris que j'avais quelque ressemblance avec le lâche qui l'avait abandonnée, avec ce perfide qui jouit impunément de son crime. Hélas! elle l'aimait toujours, et ce dernier regard était encore celui do l'amour : ah! si ma figure a quelque rapport avec la sienne, que je lui ressemble peu par le cœur !

Ce léger incident suspendit toutes mes facultés, je voulus continuer, mais les sanglots me coupèrent la voix. La lecture de la sentence commença : en vain revenu à moi je voulus l'interrompre; on m'imposa silence. Tout-à-coup un petit chien entre, s'approche d'Ernestine, tourne autour d'elle, cherche ses regards, lèche ses mains pendantes, s'élance sur ses genoux, semble gémir de son malheur et le partager. Ses caresses arrachent l'infortunée à la stupeur dans laquelle elle est plongée.... Pauvre animal, tu m'aimes donc toujours?... Hélas! tu es le seul ami qui me reste.... Ils m'ont tous abandonnée, et bientôt je t'abandonnerai moi-même pour toujours; mais je puis encore te presser contre mon sein. Elle l'arrose de larmes et le couvre de baisers; l'animal pousse un gémissement confus, et paraît éprouver toutes les angoisses et les tourmens de sa maî

trease.

Rien, rien ne peut-il donc te sauver ? m'écriai-je suf foqué par la douleur ! Un sentiment violent rend éloquent je confierai au papier tout ce que j'éprouve, je le mettrai sous les yeux des juges; s'ils ont un cœur sensible, ils retracteront leur cruel arrêt.... Non, tu n'es pas, tu no saurais être coupable.... Et je quitte la salle, l'ame oppressée, le cœur agité, brûlant du désir d'épancher mes idées sur cet événement, de ramener les juges à l'huma mité, si ce n'est à la justice.

Je vole plutôt que je ne marche vers l'auberge ; j'arrive je demande une plume, du papier, j'écris toutes mes réflexions. J'oppose à la dure sévérité des lois la faiblesse humaine, l'entraînement de l'amour, l'horreur de l'infamie, le désespoir de l'abandon, tout ce qui peut excuser un crime, atroce en effet, mais que ces lois rendent presque nécessaire.... Ah! pourquoi furent-elles toutes prononcées contre le sexe le plus faible? Pourquoi entoure-t-on de la honte et de l'opprobre les sentimens les plus doux de la nature? Pourquoi la malheureuse qui a été séduite par celui qu'elle aime, par son propre cœur, devient-elle l'objet du mépris général, tandis que son séducteur jouit impunenent de ses succès et de son crime? Pourquoi la forcer à maudire le jour où elle devint sensible, à étouffer dans son ame les sentimens de la nature, à porter une main barbare et homicide sur l'être innocent dont l'existence la couvre d'infamie?.. Ce sont nos lois, nos préjugés, mos opinions qui la forcent à cette violence. Vous pardonnez un crime commis dans le délire; et quel égarement, quel délire peut égaler celui qui porte une mère à étouffer le fruit de ses entrailles parce que sa naissance entraîne pour elle la perte de son honneur et celle d'un établissement convenable? elle ne voit, elle ne sent que la honte et l'infamie qui la poursuivent. Vit-on jamais un homme immoler son enfant à ce faux point d'honneur? Croira-t-on qu'ils soient plus sensibles que les femmes ? Non.... Mais ils firent les lois et les dirigèrent toutes contre la faiblesse. Les réflexions se présentaient en foule, j'écri vais avec cette rapidité que donne un sentiment actif. J'entends le son d'une cloche funèbre, il retentit dans mon cœur, la plume m'échappe de ma main, je vole à une croisée, les coups répétés de distance en distance m'annoncent qu'Ernestine est conduite au lieu de son supplice, qu'elle va le subir.... Il est peut-être tems encore ; je me précipite dans la rue, j'arrive auprès de ses juges, je leur expose mes réflexions avec cette véhémence que donne une vive sensibilité. Je parlais à des cœurs de marbre, ils m'écou tent avec indifférence.-Nous ne sommes pas législateurs, nous exécutons les lois. Mais suspendez au moins l'instant fatal; tremblez, elle est peut-être innocente.-N'importe, elle est jugée coupable: l'exemple, les lois, tout ordonne ce supplice; d'ailleurs il est trop tard. En effet, la lugubre cloche ne se faisant plus entendre, annonçait que l'infortunée avait cessé de vivre. Je quitte cette maison

[ocr errors]
« VorigeDoorgaan »