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de tableaux pleins de chaleur et de vie, qui donnent à cet ouvrage un intérêt soutenu, et lui obtiendront infailliblement une célébrité égale à celle des autres productions du même écrivain.

F.

DES ERREURS ET DES PRÉJUGÉS RÉPANDUS DANS LA SOCIÉTÉ; par J. B. SALGUES. Avec cette épigraphe :

Nihil magis præstandum quàm ne pecorum ritu sequamur antecedentium gregem, pergentes non quà eundum est, sed quà itur.

SENEC. de Vit. Beat. c. I.

Tome second. A Paris, chez F. Buisson, libraire, rue Gilles-Cœur, n° 10; et chez Delaunay, libraire, Palais Royal, no 243.

Il n'y a pas encore un an que M. Salgues nous a donné le premier volume de cet ouvrage. Son succès nous paraît suffisamment constaté par la publication de celui-ci. En effet, les journalistes et les lecteurs se sont généralement accordés à reconnaître que l'auteur avait combattu avec autant de force que d'adresse certaines erreurs plus communes que l'on ne pense, certains préjugés qui pour être devenus ridicules n'en conservent pas moins en secret un pouvoir assez étendu. Les anecdotes singulières et peu connues dont il a semé ce premier volume amusèrent les lecteurs frivoles; une érudition sobrement et judicieusement dispensée lui concilia les suffrages des gens instruits; son esprit plut à tout le monde, et si l'on eut à lui reprocher d'outrer quelquefois l'ironie, de pousser trop loin la plaisanterie, et de n'être pas toujours soigneux de ménager la délicatesse des femmes à qui son livre pouvait tomber entre les mains, ces défauts purent être excusés par le genre même de l'ouvrage où l'on ne pouvait guères relever des erreurs ridicules sur un ton sérieux, ni passer sous silence certains préjugés dont la discussion amenait nécessairement certains détails difficiles à exprimer avec une délicatesse parfaite. Tout bien examiné, les juges

impartiaux durent prononcer que l'auteur avait rempli, autant que son sujet le permettait, le sage précepte d'Horace Utile dulci.

M. Salgues s'y est-il aussi heureusement conformé dans son second volume? A-t-il su y mêler avec autant d'adresse l'amusement à l'instruction? Voilà les questions que nos lecteurs sont en droit de nous faire, et auxquelles nous nous félicitons de pouvoir répondre affirmativement. Ce second volume ne doit pas avoir moins de succès que le premier, car l'auteur y a suivi la même méthode. Lorsqu'il veut attaquer une erreur, un préjugé qui jouit encore de quelque influence, il commence par le présenter dans toute sa force, appuyé de toutes les autorités, étayé de tous les faits qui peuvent contribuer à l'établir; puis il attaque ouvertement avec les armes de la raison, il sape avec celles de la płaisanterie l'édifice imposant qu'il vient d'élever, et il le détruit sans retour, puisqu'il a renversé à la fois tous ses moyens de défense.

Et que l'on ne croie pas que dans ce combat M. Salgues ait fait le Don Quichotte, qu'il ait attaqué des géans et des monstres qui n'avaient d'existence que dans son imagination. Quoique nous vivions dans un siècle qui se vante de ses lumières, dans une société qui passe pour exempte d'erreurs et de préjugés, M. Salgues en a encore trouvé de très-réels à combattre et à détruire. Peut-être n'est-ce que le peuple qui conserve encore quelque confiance dans les Bohémiens, qui se flatte de trouver dans les lignes de sa main le secret de sa destinée; peut-être n'est-ce qu'au village que l'on a encore quelque foi dans la science des curés et quelque frayeur du grimoire; mais si l'on ne cherche plus l'avenir par le secours de l'astrologie et de la chiromancie, on veut le lire dans les cartes, et M. Salgues en administre une bonne preuve dans la fortune de Mlle Lenormant. On ne croit plus à Mathieu Lansberg ni à l'Almanach de Milan; mais que de gens consultent encore Nostradamus! quel bruit n'a pas fait le liber mirabilis faussement attribué à Saint-Césaire ! Le chapitre où M. Salgues fait connaître cette prétendue prophétie, en raconte l'histoire et en

explique le succès, n'est pas le moins curieux de son

ouvrage.

En médecine, des erreurs scientifiques ont succédé aux erreurs superstitieuses. On ne cherche plus à guérir les maladies par la vertu de quelques mots, par le moyen des amulettes; mais le jugement des Académies n'a pas fait abandonner à tout le monde les mystiques. baquets de Mesmer. Plus d'une femme flétrit encore son teint, détruit sa santé par l'usage pernicieux des cosmétiques. Plus d'un vieillard qui ne croit pas à la fontaine de Jouvence, n'a pas renoncé à trouver dans la nature des moyens de recouvrer sa première vigueur. Bien des gens, enfin, étudient encore sérieusement la science physionomique et se préviennent pour ou contre les individus avec qui ils ont à vivre, selon que leur physionomie est heureuse ou malheureuse d'après les règles de Lavater. Il s'en faut de beaucoup que même de nos jours ces erreurs soient sans conséquence. Qui sait combien de haines se seraient éteintes ou ne seraient pas nées sans les préjugés physionomiques? Combien d'hommes auraient prolongé la durée de leur vie, et de femmes celle de leur beauté, sans les aphrodisiaques, les cosmétiques, les baquets magnétiques? Combien de gens doués d'un bon cœur, mais affligés d'un esprit un peu faible, se seraient égargné des inquiétudes, des angoisses, et même une mort prématurée, s'ils n'avaient pas eu la folie de consulter des devins et des devineresses, et de se frapper de leurs prédictions? M. Salgues en dissipant leurs illusions a donc fait une œuvre méri– toire.

Au reste, comme notre but n'est ni d'exagérer le mérite de notre auteur, ni d'enfler la liste des erreurs et des préjugés dont peuvent encore être infectés quelques-uns de nos compatriotes, nous avouerons de bonne foi que tous ceux que M. Salgues a attaqués dans ce second volume n'étaient pas également importans à déraciner. Les connaissances en histoire naturelle sont aujourd'hui trop répandues pour qu'il reste parmi nous beaucoup de gens qui croient à la vue perçante du lynx et à la cécité de la taupe, au chant du cygne ou des

sirènes, et aux merveilles du Caméléon; nous pensons même qu'à l'exception, peut-être, de M. Malte-Brun, qui a rapporté le fait dans ses Annales des Voyages, personne en France ne voudrait admettre qu'un brochet peut vivre 267 ans et plus. On croft moins encore aux satyres, aux faunes et aux fées, à la sainte larme de Vendôme et aux trois soleils du dimanche de la Trinité. Mais nous ne saurions en vouloir à M. Salgues de s'être occupé, dans son ouvrage, de toutes ces vieilles erreurs. Si les chapitres où il les rapporte sont les moins utiles, ils ne sont pas les moins amusans, et peut-être même serait-il injuste de leur refuser toute utilité, puisqu'ils tiennent à l'histoire de l'esprit humain dont les aberrations même sont instructives.

Quoi qu'il en soit, nous avons encore à parler de divers chapitres de M. Salgues qui semblent rentrer moins naturellement dans son plan, et qui cependant, aux yeux des lecteurs éclairés, seront la partie la plus précieuse de son ouvrage. Ce sont moins des erreurs et des préjugés qu'il y combat que des questions qu'il y traite. Tel est le problême historique de la disgrâce de Bélisaire, que l'on croit généralement avoir été privé de la vue par ordre de l'empereur Justinien. Les lecteurs y verront, avec plaisir, cette fable solidement réfutée. Telle est, mais en sens contraire, l'histoire du miroir ardent d'Archimède, qui fut long-tems traitée de chimère par les savans, mais dont la possibilité a été prouvée de nos jours par la science plus avancée. Nous rangerons encore dans cette classe tous ces phénomènes d'incombustibilité dont tant de charlatans tiraient un parti si lucratif, tandis que la plupart des hommes éclairés refusaient d'y croire, et qui enfin répétés et dévoilés par M. Sementini, physicien de Naples, sont rentrés dans la classe des expériences chimiques qui n'ont rien que de vrai et 'naturel.

D'autres questions, quoique discutées avec beaucoup de sagacité par notre auteur, n'ont pu être aussi complétement résolues. Il expose fort bien, par exemple comment la rosée monté de la terre au lieu de tomber du ciel; mais il n'a pu trouver dans les expériences dés

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physiciens assez de données pour en expliquer tous les phénomènes. Il rend un compte très-satisfaisant de tout ce qu'on a su jusqu'à ce jour sur les pluies de pierre; il propose les différentes hypothèses par lesquelles les savans ont cherché à expliquer un phénomène qu'on avait si long-tems nié, et il convient, avec raison, que dans l'état actuel de nos connaissances on n'est pas encore assez avancé pour prendre un parti. Il traite aussi sagement la question des étoiles filantes, qu'un de nos savans les plus distingués a tenté récemment de résoudre par une hypothese trop peu vraisemblable; et l'on peut dire, en général, que dans la discussion des phénomènes d'histoire naturelle ou de physique, M. Salgues a fait tout ce qu'on avait droit d'attendre de lui, et que ses doutes ne seront pas moins instructifs que les décisions qu'il a adoptées.

Il est cependant un fait sur lequel nous croyons qu'il a pris parti d'une manière trop légère. La plupart des voyageurs qui ont parcouru les contrées désertes qu'habitent les bêtes féroces, s'accordent à dire qu'on peut se préserver, pendant la nuit, de leurs attaques en s'entourant d'une enceinte de feux. M. Salgues le nie; il prétend que ces voyageurs n'ont voulu que s'amuser à nos dépens; il aime mieux en croire Tavernier, qui raconte que des soldats usèrent vainement de cette précaution en Afrique, et qu'elle n'empêcha pas un lion de se jeter sur l'un d'eux pendant qu'ils étaient endormis. Nous ne discuterons pas le fait en lui-même, car nous n'avons pas l'ouvrage original sous la main, et d'après la manière dont M. Salgues le raconte il ne prouverait rien en sa faveur: mais M. Salgues aurait dû se rappeler que de tous les voyageurs, Tavernier est peut-être celui dont l'autorité est la plus suspecte, et qu'ainsi elle est -loin de pouvoir contrebalancer le témoignage de tant d'autres, qui tous affirment le fait contesté. Il est vrai que quelques-uns d'entr'eux ont aussi avancé qu'on se garantissait des tigres et des lions en mettant seulement sa pantoufle à quelque distance du lieu où l'on est couche; mais une chose absurde ne détruit pas celle qui est vraisemblable, par la raison que toutes deux sont allir

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