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celui sous l'influence duquel tout s'opérait, avait, ajoute t on, dans son imagination les plans de la Providence'. Quelles paroles !

Voilà bien les révolutionnaires et les faiseurs d'utopies. Ils se mettent à rêver une organisation sociale. Une fois lancés dans le domaine des chimères, ils se posent comme les interprètes de la Divinité ; ils s'imaginent que son sentiment les inspire; ils ont la prétention d'avoir découvert les plans de la Providence. Et leur rêve, ils le présentent comme le but souverain vers lequel doit marcher l'humanité. Pour le réaliser, ils sauront, si le pouvoir tombe entre leurs mains, tout sacrifier, tout détruire, tout briser par la force. Chaque nouveau rêveur qui surgira se croira aussi les droits de Dieu, et, pour implanter son utopie, il se transformera, s'il le faut, en génie exterminateur 3. Tels sont les principes devant lesquels se prosterne M. de Lamartine; c'est en leur nom qu'il absout Robespierre.

Mais ce n'était pas assez pour lui d'avoir été, selon l'expression de M. de Lamartine, le Génie exterminateur de la révolution, il aspirait à un autre honneur et se croyait une autre mission. Après avoir jeté dans l'exil ou livré aux bourreaux les prêtres de la France, il veut se faire le Pontife d'une religion nouvelle. Il ordonne donc la célébration d'une grande fête en l'honneur de l'Etre suprême. Le soleil du 20 prairial l'éclaire de ses rayons. Robespierre paraît. A lui la parole. Il s'enivre des applaudissemens de la foule; ses traits mornes et livides s'animent d'orgueil; sur sa figure ingrate brille un éclair de satisfaction. Il se pose comme le Dieu du jour. Sa puissance est à son apogée; la justice divine l'attendait là.

n'obéir plus qu'à douze hommes; et il s'établissait le chevalier de ces douze. Ibid. p. 144.

1 M. De Lamartine, Histoire des Girondins, t. vi, p. 377.

2 Robespierre se croit les droits de la Providence, parce qu'il en a le →→ sentiment et le plan dans son imagination. Il se met à la place de Dieu. » M. de Lamartine, ibid. p. 377. Ces tristes paroles portent avec elles leur commentaire.

3 Voir un article remarquable ayant pour titre : Des convictions individuelles en philosophie, et de leur valeur. Revue de l'instruction publique Se année, 15 avril 1849, p. 1479. Nous regrettons que l'auteur de cet article n'ait pas donné à ses idées tout le développement dont elles étaient susceptibles.

IV* SÉRIE. TOM. IV, No 19. 1851.-(43o vol. de la coll.) 2

Bientôt un orage puissant se forme et éclate. Tallien, l'homme du 9 thermidor, s'élance à la tribune. Elle retentit de paroles accusatrices. Un poignard brille aux yeux de Robespierre. Il veut parler et se défendre; mais la terreur qu'il inspirait autrefois passe dans son cœur ; car de toutes parts des voix nombreuses, fortes, terribles, s'élèvent étouffant celles du tyran et de ses partisans, le vouant à l'exécration et demandant sa mort. Enfin il est mis hors la loi, on l'arrête, puis il est délivré, mais on le saisit de nouveau. Il n'échappera plus; sa tête roule sur l'échafaud. La France respire et la justice divine est vengée.

L'abbé V. HEBERT-DUPERRON.

Polémique philosophique.

LETTRE

DE M. L'ABBÉ GRATRY A M. VACHEROT

DIRECTEUR DE L'ÉCOLE NORMALE,

sur les origines du christianisme.

PREMIER ARTICLE.

La lettre de M. l'abbé Gratry à M. Vacherot est un véritable événement dans la polémique entre le Rationalisme et le Christianisme. En effet, l'un était aumônier et l'autre était, depuis douze ans, le directeur officiel des études de l'Ecole normale, où les jeunes professeurs vont puiser leur science philosophique et religieuse. C'est donc ici le Christianisme ou si vous voulez la Théologie et la Philosophie-nous dirons, nous, la Tradition et le Rationalisme-qui se sont trouvés en présence. Jamais adversaires plus honorables ne sont entrés en lice. L'attaque a été polie, nous dirions affectueuse et amicale, et cependant qu'est-il arrivé par rapport aux personnes? L'un, le prêtre, a été obligé de donner sa démission; l'autre, le rationaliste, a été destitué.

Que nos lecteurs lisent attentivement la discussion que nous allons mettre sous leurs yeux. Ils y verront deux choses :

1° Que lorsque le Rationaliste s'est engagé dans la région des faits ou de la tradition, quand il s'est aventuré à dire le dogme de la Trinité s'est formé successivement, S. Pierre s'en tenait à la loi juive, S. Paul a ajouté la foi, S. Jean l'amour; S. Justin ne croyait pas à la divinité de la seconde personne, etc., alors M. Gratry l'a écrasé de citations, de textes, de preuves palpables et évidentes. Jamais ca. valier n'a démonté son homme et ne l'a couché sur la poussière avec autant de netteté. Première démonstration de ce que nous.ne cessons de dire que c'est sur les faits qu'il faut attirer nos adversaires, sur la tradition qu'il faut établir le combat. Là, nous marchons sur un terrain solide et qui nous appartient exclusivement.

2o On remarquera que, toutes les fois qu'il s'agit de la Philosophie proprement dite, c'est-à-dire de principes abstraits et métaphysiques, par exemple quand M. Vacherot affirme la participation de la raison humaine à la raison divine, de l'incarnation du verbe, non point dans un homme, mais dans l'humanité; quand il invoque cette lumière divine qui illumine tout homme venant en ce monde, lumière qui se communiquerait, non point naturellement par l'enseignement du verbe humain, redisant les paroles du verbe divin, mais qui se comInuniqueront directement, c'est-à dire surnaturellement à l'homme; ob! alors on entre dans ces nuées où Aristophane pousse Socrate, région sans voie, sans issue, sans sol même pour appuyer son pied. Car on demande à l'âme humaine une chose qu'elle ne sait pas ; ou si l'on dit qu'une seule le sait, ou le voit, on ne peut logiquement le refuser à aucune autre.

3° Nous ferons observer que, quelle que soit la force de la polémique de M. l'abbé Gratry, il a peut-être un peu trop négligé de faire entrer dans sa réponse, la grande autorité de la tradition, cette voix de l'Eglise, qui s'est toujours perpétuée, et qui la constitue une personne toujours vivante et qui explique elle-même ce qu'elle entend et a toujours entendu, par telles et telles paroles.

C'est ce tripble point de vue que nous allons développer dans la lettre de M. l'abbé Gratry. C'est pour cela que nous y ajouterons quelques notes. Ces notes, nous en avons l'assurance, ne déplairont pas à un homme qui vient de prendre une place si distinguée parmi les apologistes catholiques. Nous croyons au contraire pouvoir le compter, dès ce moment, parmi les polémistes nouveaux qui s'uniront aux principes que Mgr de Montauban a énoncés avec tant de précision et de clarté dans sa lettre adressée aux Annales. Voici maintenant la lettre de M. l'abbé Gratry.

1. Observations prélimniaires.

« Monsieur,

» Votre troisième volume de l'Histoire critique de l'école d'Alexandrie, qui vient de paraître, renferme des conclusions telles, que c'est un devoir pour moi d'en parler publiquement.

» Sans doute il est bien dur d'attaquer un homme dont on a tant

fois serré la main. Mais, quand on aura lu cette lettre, on jugera si j'ai pu éluder ce devoir.

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Que si je m'adresse à vous-même, Monsieur, pour répondre à votre doctrine, c'est que je veux, en écrivant, avoir toujours devant l'esprit l'homme dont j'honore, avec tous ceux qui le connaissent, le caractère moral et la sincérité. J'entends ne rien écrire que je ne puisse vous dire en face.

» D'ailleurs, il ne s'agit ici ni de vous ni de moi. La question est beaucoup plus haute. Il ne s'agit pas de savoir si vous vous êtes trompé. Oui, vous vous êtes trompé d'une manière véritablement surprenante, inattendue. Nous l'allons voir. Mais ce n'est pas là la question, et ce n'est pas non plus ce que je veux montrer. Je n'ai, en écrivant ceci, qu'un seul dessein : c'est de faire bien connaître, par votre livre, la nouvelle et formidable situation intellectuelle du tems présent. Si un tel livre a pu être écrit par un esprit élevé, sincère; par un homme laborieux, sérieux, convaincu ; par l'homme chargé depuis douze ans de la direction des études de l'Ecole normale; si ce livre a été couronné par l'Institut : il y a là un événement plus que littéraire, il y a plus qu'un événement, il y a une situation intellectuelle en présence de laquelle tout homme de sens comprendra qu'il s'agit maintenant de nous sauver de la barbarie qui approche.

>> Du reste, Monsieur, la franchise et le courage sont toujours utiles. Vous en faites preuve en publiant ce livre. Ce livre, par la netteté de ses conclusions, va rendre un éminent service. Il était nécessaire à la cause de la vérité. »

2. Fausse origine donnée au christianisme.

Après avoir ainsi dessiné sa position qui, comme on le voit, a plus d'un rapport avec celle que la nécessité de défendre le Christianisme contre le Rationalisme nous oblige à prendre vis-à-vis de nos honorables adversaires, M. l'abbé Gratry divise ce qu'il a à dire sur l'ouvrage de M. Vacherot en partie théologique et en partie phitosophique. Voici comment il entre en matière sur la première partie.

» Certes, Monsieur, il est impossible de trouver, dans le camp de cette philosophie nouvelle, un adversaire du Christianisme plus res

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