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sent un vaste champ ouvert aux recherches des curieux.

Deux questions m'ont préoccupé. Fallait-il me borner à donner l'étymologie des noms, en indiquant les publications où le lecteur trouverait des renseignements historiques sur les localités qui les portent? Ç'aurait été bien aride, peu intéressant et fort incommode pour ceux qui liront ce petit travail dans le but de reconnaître, au moins sommairement, l'histoire des diverses parties de notre vallée. Il m'a paru préférable de rattacher à chaque nom, quand il y donne lieu, quelques faits locaux qui souvent éclairent et complètent l'étymologie proposée.

Dans quel ordre convenait-il mieux de placer ces notes? L'ordre alphabétique, en forme de vocabulaire, facilitait les recherches du lecteur, mais brouillait tout, le faisait courir d'Aiguebelle à Albanne, d'Argentine à Bessans..., et ne faisait nullement connaître le pays. J'ai suivi ce que j'appellerai l'ordre géographique: le centre, la ville de Maurienne, ses alentours, le demi-cercle de montagnes qui l'entoure: Jarrier, Fontcouverte, Arves, Albiez.....; noms en quelque sorte communs: Villards; noms tirés des bois et forêts. Je prends ensuite, au sommet de la Maurienne, l'antique Lanceum et les deux voies de Bessans et du Petit-Montcenis; je descends la vallée jusqu'à St-Julien et je vais reprendre mon étude à Aiguebelle pour la terminer à Hermillon; il sera facile d'y introduire les additions qui en pourront combler les lacunes.

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Peu de noms ont, autant que celui de Maurienne, exercé le scalpel des étymologistes du XVIIe siècle, et Dieu sait s'il était aiguisé. Les uns introduisirent une nouvelle orthographe et écrivirent Moriana, Morienne. Le verbe latin mori, mourir, se présenta naturellement et l'on fit deux histoires, au choix.

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Les habitants de cette ville elle s'appelait Acitarona, ajoutèrent quelques uns civitas nova, la ville nouvelle. Les habitants done d'Acitavona étaient si amoureux de leur indépendance que, plutôt que de se rendre aux Romains, ils tuèrent leurs femmes et leurs enfants et ensuite se tuèrent tous. D'où Moriana, pays des morts.

Le fait n'est pas sûr, dirent d'autres qui avaient aussi une idée. Il est plus admissible que les Romains trouvèrent l'endroit excellent comme lieu de déportation et qu'ils prirent l'habitude d'y envoyer ceux dont ils voulaient se débarrasser. Moriana, la ville où l'on va mourir. Il paraît que les condamnés mirent trop de temps à mourir, que la ville se peupla et que les Romains trouvèrent un climat ou un instrument plus expéditif. Mais le nom de Moriana resta.

D'autres étymologistes, aux conceptions moins féroces, se contentèrent de supprimer l'u dans le mot latin seulement, et ils présentèrent également à la ville deux parrains, au choix: le consul Marius, qui probablement n'y passa jamais, ce qui ne l'empêcha pas, d'après la légende, de la faire bâtir ou rebâtir cent ans avant Jésus-Christ; et le dernier roi des Alpes Cottiennes, Marcus on fut obligé de dire Marius Julius Cottius, lequel, peut-être depuis Suse sa capitale, livra notre ville aux Romains et leur ouvrit la porte, qui prit aussi de lui le nom de Marenche, par laquelle on arrivait à la cathédrale, c'est-à-dire, je suppose, à l'endroit où la cathédrale fut bâtie plus tard, et qui était à l'extrémité de la ville.

Cette dernière légende était consacrée, aux yeux du peuple, par un quatrain que l'on plaçait sur un arc de triomphe dressé devant la porte Marenche, à l'entrée de chaque nouvel évêque, et que l'on conservait avec soin dans les archives du Chapitre :

Quand Marius ouvrit cette porte aux Romains,
Il rompit de ce lieu l'invincible barrière.
Vous, Illustre Prélat, accessible aux humains,
Entrez-y pour finir une longue carrière.

Cette inscription ne remontait évidemment pas audelà de la seconde moitié du XVIe siècle. Avec beaucoup d'autres documents plus importants, elle a disparu à la Révolution.

Il y a eu encore des étymologistes à l'esprit plus moderne, trop moderne, qui ont tiré Mauriana de Mauri, les Maures, les Sarrasins, à cause des invasions que ces barbares ont faites dans notre pays. Il y a une difficulté. La première invasion sarrasine eut lieu en 732; la seconde en 906. Or saint Grégoire de Tours, qui mourut en 595, en son livre de La Gloire des Martyrs, parlant de sainte Thècle et des reliques de saint Jean-Baptiste, dit que cette sainte partit de la ville de Maurienne (a Mauriana urbe) et, plus loin, il répète que le lieu où elle déposa les reliques s'appelle Maurienne (locus ille maurianensis).

Comme le nom a cependant une origine quelconque et qu'il est d'une particulière importance, cherchons ailleurs.

Constatons d'abord que, d'après saint Grégoire de Tours et sans recourir à d'autres documents, l'orthographe vraie est bien Maurienne, en latin Mauriana; au Xe siècle on trouve Maurienna, mais cette variante est sans importance (1).

On me pardonnera de proposer du nouveau sur un nom travaillé, disséqué, interprété de tant de façons. Je suis dans les traditions constantes des étymologistes. Pour cela je n'ai qu'une ressource. L'histoire ayant été vainement explorée par mes prédécesseurs et le ciel ne pouvant m'offrir aucune lumière, il ne me reste (1) Voir, a la fin du mémoire, la note 1,

qu'à regarder à mes pieds. J'y trouve de la terre noire. Toute la ville et le territoire qui l'entoure sont placés sur un cône de déjection, énorme amas de roches et de pierres noyées dans des terres schisteuses, dont la place primitive se voit dans les montagnes au-dessus de Saint-Pancrace et qui a été amené ou par les glaciers ou par une effroyable inondation de Bonrieu.

Mauriana viendrait-il du radical grec mauros, noirâtre, et du suffixe latin ana, champs ou territoire, comme Mauritanie vient du même radical et du même suffixe? Seulement ce qui est noirâtre dans la ville de Maurienne, c'est la terre; en Mauritanie, c'est la peau des habitants. Mauriana est placé entre RocheNoire et le ruisseau de la poix ou Pyx.

Le nom de Maurienne devint celui de la partie de la vallée que le roi Gontran céda aux évêques en toute souveraineté, Terre Episcopale de Maurienne ; celui d'une châtellenie qui, dans la partie qui passa aux princes de Savoie, allait de Lanslebourg à Epierre, Châtellenie de Maurienne; enfin, dans sa plus grande extension, celui de l'évêché et du diocèse, Evéché de Maurienne.

Après le VIe siècle, la ville joignit peu à peu à son nom celui de son patron, saint Jean-Baptiste. Cependant jusqu'au XVIIe siècle les chartes l'appellent communément Cité de Maurienne, Civitas Maurianensis, et par abrévation la Cité. On sait que ce mot de cité indiquait une ville, ou plutôt un territoire, possédant des libertés particulières et se gouvernant par ses propres lois.

La Révolution, après l'avoir dépouillée de son évêché, de sa cathédrale, de son séminaire, de ses écoles, après avoir ruiné son collège et son hôpital, lui enleva mème son vieux nom et l'affubla de celui de Commune d'Arc.

II

Dans la ville.

Le Pré de l'Evêque, appelé aussi Grand-Pré, Champ de foire; il s'étendait autrefois jusqu'au chemin de la Réclusière. Il était de toute antiquité la propriété de l'Evêque, auquel il produisait quarante livres annuellement, eu égard à la servitude des foires et à celle du pacage qui devient public d'abord que le premier foin est retiré. Mgr. de Martiniana en céda la propriété à la ville par l'acte d'affranchissement du 23 juillet 1768. La maison qui est au fond du Pré de l'Evêque porte le nom de Paradis, à cause d'une tour qui, en 1465, appartenait à Jean Paradis. A l'autre extrémité, la Manutention ou Caserne est une chapelle de la Confrérie du St-Sacrement, construite vers 1595, sur l'emplacement d'une antique chapelle dite la Réclusière.

La Réclusière, actus ou chemin romain, venant du pont d'Hermillon par Lancesset (ou La Charité, longeait le champ de foire, montait à la petite place appelée La Croix de l'Orme (Ad crucem Ulmi), descendait dans la rue aussi appelée de l'Orme, traversait la ville et se dirigeait vers le pont d'Arc. L'orme était planté sur la place même et abritait une croix : en 1805 cette croix fut adossée au mur de la propriété de M. Grange.

La rue St-Antoine débouche dans le champ de foire; au XVIe siècle, on l'appelait aussi : rue de l'hôpital St-Antoine. Cet hôpital avait été une dépendance d'un prieuré bénédictin, dont l'origine se perd dans la nuit du XIe siècle, peut-être du VIII. Il contenait encore des malades en 1622. La chapelle qui en reste est une reconstruction moderne.

La rue ne se terminait avant 1831 qu'après le passage voûté qui est au bout du portique de droite, au

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