Le Pré de l'Evêque, appelé aussi Grand-Pré, Champ de foire; il s'étendait autrefois jusqu'au chemin de la Réclusière. Il était de toute antiquité la propriété de l'Evêque, auquel il produisait quarante livres annuellement, eu égard à la servitude des foires et à celle du pacage qui devient public d'abord que le premier foin est retiré. Mgr. de Martiniana en céda la propriété à la ville par l'acte d'affranchissement du 23 juillet 1768. La maison qui est au fond du Pré de l'Evêque porte le nom de Paradis, à cause d'une tour qui, en 1465, appartenait à Jean Paradis. A l'autre extrémité, la Manutention ou Caserne est une chapelle de la Confrérie du St-Sacrement, construite vers 1595, sur l'emplacement d'une antique chapelle dite la Réclusière. La Réclusière, actus ou chemin romain, venant du pont d'Hermillon par Lancesset (ou La Charité, longeait le champ de foire, montait à la petite place appelée La Croix de l'Orme (Ad crucem Ulmi), descendait dans la rue aussi appelée de l'Orme, traversait la ville et se dirigeait vers le pont d'Arc. L'orme était planté sur la place même et abritait une croix : en 1805 cette croix fut adossée au mur de la propriété de M. Grange. La rue St-Antoine débouche dans le champ de foire au XVIe siècle, on l'appelait aussi rue de l'hôpital St-Antoine. Cet hôpital avait été une dépendance d'un prieuré bénédictin, dont l'origine se perd dans la nuit du XIe siècle, peut-être du VIII. Il contenait encore des malades en 1622. La chapelle qui en reste est une reconstruction moderne. La rue ne se terminait avant 1831 qu'après le passage voûté qui est au bout du portique de droite, au Pointet du Bourg, Poentelum Burqi, maintenant commencement de la rue du Collége. Poentet était synonyme de pot c'est sur cette place qu'étaient déposés les poids et les mesures publiques. Au sommet du Poentet, à droite, la petite rue de l'Ancien-Hôtel-de-Ville porta jusqu'au XVIIe siècle le nom de rue de la Sonnerie Vieille, carreria Veteris Campana. Au fond de la rue se dresse l'antique tour ronde du beffroi, adossée à une maison qui a appartenu aux nobles Baptendier, au nobles des Flammes, puis à la ville. Là commençait la rue Bonrieu, qui a reçu bien des fois, notamment en 1440, la visite du mauvais voisin dont elle a pris le nom. Il faut y signaler, en face de l'église du petit-séminaire, l'ancien hôpital de la Miséricorde; sa première fondation est probablement due à l'évêque Amédée de Miribel, qui en 1217 l'appelle sa maison de l'Aumône. Au bas du Poentet s'ouvrent deux rues latérales: d'un côté, la rue Grenette, autrefois Granaterie; de l'autre, la rue Borcière, dont le vrai nom serait rue Bourse, carreria Bursa. C'est le nom d'une famille Bourse (Bursa) qui y habitait dès le XIe siècle. Jean Bourse vivait en 1075. La rue Borcière tournait à gauche dans la place de l'Officialité, souvent appelée au XVe siècle place du Mau-Conseil, platea Mali Consilii. Là étaient les tribunaux de l'official et du juge de l'évêché, et les études des principaux avocats et procureurs, le chef-lieu de la chicane. Là aussi s'ouvrait la porte Marenche, qui donnait entrée à l'évêché, au cimetière, à la cathédrale et à l'église paroissiale (porta Marenchia). D'où vient ce nom? J'ai lu des dissertations où, comme de juste, figuraient les noms du consul Marius et de Marcus ou Marius Julius Cottius. Comment admettre que la porte ait existé sept ou huit cents ans avant l'évêché et les églises où conduisait cette porte? Ici encore je me permets de proposer du nouveau. Tout à côté de cette porte, à l'intérieur, des chartes du XIIe siècle malheureusement je n'ai pas conservé le texte parlent d'une petite chapelle dédiée à Notre-Dame de Pitié et en grande vénération à St-Jean. Porta Marenchia serait-il synonyme de Porta Mariana, la Porte de Marie, la Porte de la Sainte-Vierge? Je n'affirme rien. Après un étranglement produit par un avancement de la prison vers le clocher, s'ouvrait la rue du Mollard ou du Mollard d'Arvan, Molarium Arvani. Molarium signifie lieu élevé, butte, colline. A St-Jean-d'Arves, à Albiez-le-Vieux, à Albiez-le-Jeune, à Valloires... il y a des hameaux du Mollard placés sur des ressauts de la montagne. La rue du Mollard, actuellement Grand'Rue, coupe en deux le cône de déjection sur lequel la ville est bâtie. Il y a à St-Jean d'autres Mollard. Au bas du Verpil, sur une arête qui domine la Torne, quelques débris de maçonnerie marquent l'emplacement de la maisonforte des nobles du Mollard. Sur la rive droite de Bonrieu, il y a Mollard-Bouchard (Molarium Bochardi) et Mollard des Favre (Molarium Fabrorum). Ce génitif indique le nom d'anciens propriétaires. Pierre Favre était notaire à St-Jean en 1409: l'auteur du nom peut avoir eu en ce lieu un atelier de forgeron, de taillandier (faber). La haute et raide montagne qui domine la ville au couchant, doit son nom aux roches nues de son sommet, Rocheretum, le Rocheray. Au milieu, dans un pli, se cache une grotte, une balme, balma, disent les chartes du XIIe siècle : elle se signale au loin par une grande croix et une haute muraille. S Thècle (VI siècle) aimait à s'y retirer et ces chartes l'appellent quelquefois Se Thècle de la Balme. Au XVe siècle, le bas du Rocheray, ravagé par les éboulis de la montagne, était encore couvert de vignes jusqu'au pont d'Hermillon, et le poète Nicola's Martin, faisant ses adieux à la ville de St-Jean et à chacun de ses vignobles, termine ses treize couplets par un triste Adioz bon vin du Rocherey. Le long du Rocheray coule, ou plutôt coulait le l'ir. Souvent il porte bien son nom, la poir, car ce n'est qu'une masse grondante de pierres et de boues noires dérobées à Jarrier. Au XVe siècle, on commença à le serrer entre des digues, turna, d'où son nouveau nom de la Torne. Mais il n'a pu s'habituer à cette gêne et, depuis quelques années, il a abandonné ses digues. Entre le Rocheray et le Pix s'allonge tout paisible Lancesset, Lancessetum, le petit domaine. En 1647, un grand ami des pauvres, le vicaire général Pierre Duverney, le donnant à l'hôpital voulut qu'on l'appelât la Charité et le nom est resté, bien que le domaine ait changé de maître. En descendant de Jarrier, le Pix roule d'abord dans une entaille profonde entre la montagne et le cône de déjection: celui-ci, bien couvert de champs et de prairies sur sa pente raide, porte le nom de Verpil. Au sommet, l'hôpital possède une petite ferme. Elle comprend peut-être la terre qu'en 1198 Guillaume Morard vendit. pour le prix de huit livres fortes, environ six cents livres de notre monnaie, à la maison de l'aumône de St-Jean et à son recteur, Hugues, curé de Villarembert. Le nom du lieu n'a changé que deux lettres : on disait Vulpil même en latin (ad Vulpil). Je cherchais l'origine de ce nom bizarre. Parbleu me dit un ami. Il vient de vulpes, renard, la terre des renards. Je donne l'étymologie pour ce qu'elle vaut, sans la garantir. (1) Au fait, le campement était excellent pour des renards au-delà du Pix, des bois, des vignes semées de rochers; au-dessus, les maisons des hameaux de Villard-Jarrier; au bas, celles des nobles d'Albiez, du Pont, du Mollard; à l'est et au midi, les grands vignobles qui, aussi loin qu'on puisse remonter dans les chartes, tapissaient le contour de la montagne jusqu'en face de St-Pancrace. Citons là deux noms qui annoncent le voisinage du torrent de Bonrieu. Margillan, Margina, le bord, la bordure; les Rippes, Ripa, les rives, sans cesse rongées par leur redoutable voisin. Au midi et à l'est, deux mas ou lieux dits, séparés par la route, contournent la moraine sur laquelle la ville est bâtie: le Clappey, clapperium, clappetum, lieu couvert de pierres; l'Epine, spinetum, lieu couvert d'épines. C'était le champ de courses de Bonrieu, d'Arvan, même. de l'Arc qui arrivait par les Plans. Au XVe siècle, après la grande inondation de 1440, les aumônes recueillies par les envoyés du Chapitre, les offrandes faites aux reliques de, S. Jean-Baptiste et les dons du cardinal d'Estouteville permirent de construire les digues qui doublèrent le territoire cultivé de la ville. Il serait juste de ne pas l'oublier, quand on parle des grands biens que possédait le clergé de StJean avant la Révolution. Le Clappey rappelle de lugubres souvenirs. Cest là que, pendant les pestes qui ravagèrent la ville au XV, au XVIe et au XVIIe siècles, on construisait les cabanes où l'on enfermait les pestiférés ; c'est là aussi qu'on les enterrait. Au XVIIIe siècle, une grande croix y était encore dressée et l'on s'y rendait en procession le 2 novembre pour chanter un Libera me. L'Epine aboutit au confluent de l'Arvan et de l'Arc. Au delà on voit Echaillon, Scalio, l'escalier taillé dans 4) Voir note 2. |