de-Cuines; la montagne du Sapey à Modane, rive droite de l'Arc; Montsapey, Mons supeti, la montagne des sapins, canton d'Aiguebelle, dans les hauteurs qui dominent Epierre; Bessans, avec une transposition des syllabes. Au IXe siècle, Bessans s'appelait Mansus sapainus, le domaine des sapins. On me dit que les forêts qui encadrent la plaine de Bessans ne contiennent que des mélèzes. Cet arbre s'accommode d'une plus haute altitude que le sapin. Mais la plaine, le centre du mansus, pouvait être planté de sapins (1). En 1357, le comte de Savoie, Amédée VI, cédant Lanslevillard à l'abbaye de St-Michel de La Cluse, en échange du territoire et du château de Tournon, dit que la chavannerie ou ferme de Bessans (chavaneria de Beczano) doit annuellement deux sols et six deniers forts; la forêt de Bessans (nemus Beczani) douze deniers forts. On pourrait conclure de là que Bessans était encore à cette date une dépendance de Lanslevillard. L'abbé de la Cluse lui accorde des franchises, qui furent peut-être l'origine de la séparation (2). Bonneval fut érigé en paroisse vers 1552, mais fit partie encore pendant quelque temps de la commune de Bessans. Vallée dénudée, au rude climat, Bonneval doit peut-être son nom (Bona vallis) aux riches mines de fer que les Sarrasins y exploitèrent au Xe siècle. Au XVIe, elles l'étaient par les habitants eux-mêmes. Les franchises, que le duc Emmanuel Philibert accorda ou confirma à Bessans en 1567, portent « que les creux des mines du lieu ne se pourront vendre aux étrangiers et que nul ne puysse fere cuyre les mines du bois du dit lieu pour ne grever ceulx qui n'ont point de mines. >> Retournons à nos bois et cueillons encore quelques étymologies. Frency, près Modane, de Frarinetum, lieu planté de frènes. 1. Voir note 6. 2 X Irat, de la Societe Pser 4 3, p 129, 191 Thyl, au-dessus de St-Michel. L'orthographe ancienne Til est plus conforme à l'étymologie: Tilium, de Tilia, le Tilleul (ecclesia de Tilio, charte du XIe siècle). Au bas de Fontcouverte, il y a le hameau du Tilleret, Tilliretum, bouquet de tilleuls (vinea de Perreria quæ est in Tillireto, charte du XIIe siècle). Je termine cette série au Bochet, hameau situé au bas de Montricher, centre d'une importante exploitation de carrières d'ardoises. Au XIIe siècle, il y avait déjà là quelques maisons et les chartes appellent le plateau Bochetum et Boschetum, le bosquet. Montricher, caché là haut dans un bassin marécageux, au pied d'une forêt de sapins, porte bien son nom: Mons Richerius et plus souvent Rocherius, la montagne des rochers (1). Il y en a partout, arrêtés sur les bords ou perçant la terre. En 1209, le chapitre de la cathédrale y avait depuis longtemps trois propriétés (tres mansos) et une ferme (cabannariam unam) dans laquelle l'église était placée. Parmi les redevances, il y a de l'avoine, des pains pour les vendanges, des fèves, des journées d'ouvriers. Chaque propriété doit, à la St-Jean, un mouton de deux ans avec sa queue (cum cauda). Pourquoi cette clause? Histoire de mode. Les parapluies n'étaient pas inventés. On se faisait pour l'hiver un manteau de peau de mouton bien 'apprêtée, peinte, bordée, avec capuchon et la queue gentiment attifée. Un mouton perdait avec sa queue une partie de sa valeur. VIII. Routes antiques. De Bessans à Bramans. A l'époque de l'introduction du Christianisme dans notre vallée, deux routes conduisaient du Piémont en Maurienne. L'une montait de Suse au lac Savine et Voir note 7. par le col du Clappier descendait à Bramans. Elle avait été construite, vers le commencement de l'ère chrétienne, par le roi Cottius, fils de Donnus, dont Suse était la capitale et qui, allié des Romains, avait été maintenu par Auguste au gouvernement et à la défense de ces montagnes. C'était, paraît-il, une voie étroite, un actus de 7 à 8 pieds, un élargissement et une rectification du chemin que, dit-on, les Gaulois avaient suivi. Plus tard cette route vit passer Pepin, Charlemagne et Charles-le-Chauve (1). Pour descendre à Bramans, elle traversait les pâturages d'Extravache. On a voulu tirer ce nom d'extra viam, hors de la route. ce qui n'est pas admissible, puisque la route y passait. M. Ducis (2) donne l'étymologie gauloise extra-cach, route étroite (3). Quelques autres supposent que Bramans, Bramanum, vient des Bramovices ou Brannovices; mais d'autres assurent que cette peuplade habitait dans le pays d'Autun. M. Ducis tire ce nom des radicaux galliques Bram, Brema, qui signifient bord, rivage, voisinage. Bramans est au pied de la montagne, à l'entrée, au bord de la vallée. Dans les pâturages d'Extravache, on voit les ruines d'une antique église. Jusqu'à la Révolution, Extravache formait une petite paroisse, dont, en hiver, les habitants descendaient à Bramans. C'est là, si l'on en croit la tradition, que les saints Elie et Milet, disciples de saint Pierre, bâtirent la première église chrétienne de la Maurienne (4). Au Verney de Bramans la vallée, formée du lit de l'Arc et de la route, s'infléchit vers le nord et la montagne, à gauche, fait comme un promontoire occupé par Sollières, Soleria, ecclesia de Soleriis (1184), de sol, soleil, les terres bien exposées au soleil. Le village A. Perrin Hist. de Saroie. (2) Quest. Archeol et Histor () Voir note 8. () Voir tome IV, 1" partie, Excursion a Bramans et Termignon. perché dans la montagne au-dessus, qui forme une paroisse distincte, rappelle par son nom qu'autrefois la forêt descendait jusqu'à ces champs. Sardières, Sarderiæ, de sartum, ersartum, terres où l'on a arraché les bois et les broussailles, pour les mettre en culture. Au XVIIe siècle on disait encore des essarts, essarter une forêt. On arrive à Termignon, Termeinum (1184), Termenum (1190), plus tard Termenio. Ce sont, évidemment, des corruptions de Terminus, l'extrémité, le fond de la vallée; coupée brusquement, à sa droite, par une pente raide, au sommet de laquelle s'ouvre la gorge qui mène à Lanslebourg. Cette pente porte le nom de Barios. Il y avait là autrefois une barrière et un droit à payer, un barioz, pour l'entretien de la route. Quelques-uns poussent jusqu'à ce terminus le territoire des Médules; d'autres l'arrêtent à Modane, ou même à St-Michel. L'actus du roi Cottius se terminait à Sollières, où il rejoignait une via plus ancienne et plus large. C'était la sixième voie militaire, construite par Cneius Domitius Enobarbus, lorsqu'en l'an 628 de la fondation de Rome, 122 ou 123 avant Jésus-Christ, il eût commencé la conquête du pays des Allobroges, qui fut achevée par Quintus Fabius Maximus. Cette route partait de Turin, suivait la vallée de Lans et, par la montagne de la Vérolle, gagnait Bessans, Lanslevillard, Lanslebourg, Termignon, Sollières, Sardières et Aussois. Elle est encore bien marquée dans la montagne de Bessans par quelques portions des larges pavés qui la couvraient. M. Palluel dans son Annuaire... pour l'an XIII, dit : « C'est cette route que suivit César. Elle est encore aujourd'hui tracée et même praticable.....; une partie est tracée dans le roc vif en forme d'escalier. Toute la vallée, tantôt resserrée comme un défilé, tantôt en vallons verdoyants, qui va de l'entrée du territoire de Lanslebourg au fond du vallon de Bonneval, à la mine des Sarrasins, paraît avoir été réunie sous le seul nom de Lans. On a vu que Bonneval fut érigé en commune au XVIe siècle; Bessans l'avait été au XIVe très probablement; la séparation de Lanslebourg et de Lanslevillard remonte beaucoup plus haut. Au IXe siècle, on trouve Lanceum inferius (Lans inférieur); et Lanceum Supérius plus tard Lanceum Burgi (Lans-le-Bourg) et Lanceum Villarii (Lans-le-Villard). Ainsi la montagne de la Vérolle, franchie par la voie romaine, se dresse entre deux vallées de Lans. Cette communauté de nom ne marque-t-elle pas une communauté d'origine? La route l'indique peut-être. Je soupçonne le mot Lanceum d'avoir eu la même signification, appliquée au territoire, que Lancetus et Lanceta des chartes des monastères d'Angleterre, au dire de du Cange. C'était un dérivé de l'allemand land-sete, qui signifie indigène, colon, et désignait un groupe de colons astreints à certaines corvées, à raison des terres qu'ils tenaient en fief du monastère (1). Ce système venait des Romains. Notamment en ce qui concerne les routes, quand ils en avaient construit une, ils en confiaient la garde et l'entretien aux habitants, en les exemptant d'autres charges; si le lieu était désert, ils y envoyaient une colonie. Ils n'ont pu manquer d'agir ainsi pour la voie ouverte par Enobarbus, si difficile à maintenir praticable, surtout en hiver. Le mot Lanceum est de trop basse latinité pour remonter si haut. Il dut être employé plus tard pour exprimer une situation déjà ancienne, et devenir le nom des deux vallées. Celle située en Maurienne portait certainement ce nom au VIIIe siècle. Lanceum est un des domaines qui furent donnés au monastère de la Novalaise par le patrice Abbon en 739. Le passage par le Montcenis, qui avait déjà une certaine impor (1) Voir note 9. |