Carmelum, Carmetum, Carmesium, en français Carmel, Charmair, signifie lieu abondant en pâturage, au dire de plusieurs étymologistes. C'est ici le nom de la montagne dont l'arête est coupée par les cols de Vallée étroite, de la Roue et du Fréjus, par où l'on va en Italie, du ruisseau qui en descend, et d'une antique chapelle blottie dans un rocher surplombant le torrent, Notre-Dame-du-Charmaix, Dira Virgo Carmensis, dit le médecin Jacques Bertrand dans le livre latin qu'il lui a consacré au commencement du XVIIe siècle. Dans cette chapelle on vénère une statue de la Sainte Vierge, haute de vingt-cinq à trente centimètres, d'un marbre blanc assez grossièrement travaillé et recouvert d'une teinte noirâtre, comme les statues de Lorette, de Myans, de Fourvière. de Clermont.... Ces statues ont été apportées d'Orient, plusieurs disent du Carmel. Jacques Bertrand suppose que l'arrivée de celle du Charmaix peut être fixée au VIe et même au IIe siècle, mais il n'en existe aucune preuve. Ce qui est certain, c'est qu'au XVe la chapelle était déjà fort ancienne. Le ruisseau du Charmaix sépare Modane des Four neaux. On lit dans une récente monographie des Fourneaux : «Les Romains avaient découvert, dans les massifs montagneux du Charmaix, des filons de métaux précieux. Ils fondèrent alors, sur l'emplacement actuel de la commune, une ville qui prit le nom de Civitas Fornetorum, d'où est venu le nom de Fourneaux (1). >> Il aurait fallu, avec les chartes, mettre Fornelloram fornella, hauts fourneaux (1). Peut-être aussi conviendrait-il de reléguer civitas dans les exagérations des légendes locales. Que les Romains aient eu (1) Une jolie coqui'le de la brochure citée (p. 91): Pontamafrey tire son nom de pontus (mer) Amanfredi, au lieu de pons (pont) Almafreddi. une station en ce lieu, qu'ils y aient établi des hautsfourneaux, qu'ils aient exploité des mines dans les montagnes du Charmaix, les objets trouvés, en 1869, dans les tranchées du chemin de fer en sont une preuve suffisante. Mais une civitas, au sens romain du mot, supposait une importance et des conditions géographiques, économiques, politiques qui ont difficilement pu se rencontrer en ce coin de terre. Quoiqu'il en soit des Romains, au Xe siècle, les Sarrasins exploitèrent, dans les montagnes de Modane, la mine qui a gardé leur nom et curent des hauts fourneaux dans la plaine. La fonderie que le comte Granéry établit en 1647, était alimentée par le minerai de la montagne des Sarrasins (1). XI. Saint-André. Orelle. - SAINT-ANDRE. Parmi les domaines qu'Abbon avait repris à l'alliée des Sarrasins Siagria, il nomme Obliciasca, entre Missiotanum, Modane, et Magus, Saint-Michel. C'est peut-être Saint-André, dit Lancellot. Admettons-le; car ce ne peut être que SaintAndré, ou Orelle, ou tous les deux, et il n'existe aucun moyen d'éclaircir la chose, pas plus que de savoir ce que signifie ce baroque Obliciasca. Etait-ce bien le vrai nom du lieu et, s'il n'était pas le nom ancien, d'où venait-il? Le pape Lucius III, approuvant, dans sa bulle du 16 octobre 1184, les donations faites à l'évêque de Maurienne par le roi Gontran, dit : « Il (Gontran) statua que tout droit de souveraineté (omne jus regale), dans tout le territoire des villes de Saint-André et d'Argentine appartienne aux évêques de Maurienne. » Il semble résulter de là qu'au temps de saint Gontran, Saint-André était le nom de (1) Grillet, Dictionn., t. 3. l'une des deux localités, comme Argentine était le nom de l'autre. Obliciasca et les autres noms barbares du testament d'Abbon pouvaient bien n'être que des appellations de circonstance imposées par les Sarrasins et par Siagria. En 1793, les Jacobins n'ont-ils pas appelé St-Jean-de-Maurienne Commune d'Arc, St-Michel Pas-du-Roc, St-Léger Rocaille...? Abbon ne restitua donc pas à l'évêque de Maurienne les domaines qui lui avaient été enlevés. Ce dernier les récupéra cependant, par la cession des moines, ou par suite des événements, nous le savons. A Saint-André il possédait un château, situé sur le petit plateau du Mollard, au bas du bourg. Le cardinal de Gorrevod y rendit, le 5 janvier 1532, un décret qui démembra la paroisse de Bonneval et celle de Bessans le châtelain épiscopal y résidait. Le château fut détruit pendant les guerres du XVIe siècle. Après avoir traversé le pont du Freney, la route de Saint-André rejoint la voie romaine et cotoie un haut rocher à pic désigné dans les chartes sous le nom de Pas de la Vernaz. La verne a disparu. Ce passage ou pas, resserré entre la rivière et le rocher, divisait en deux parties la châtellenie de Maurienne, on disait : du Pas de la Vernaz en bas et du Pas de la Vernaz en haut. La vieille voie traverse le bourg, par une rue où des portes ogivales et des fenêtres à croisillons rappellent le XVe siècle, et monte, pavée de pierres à niveau inégal, au plateau de St Etienne. J'en ai fait ailleurs la description (1). Il suffit de rappeler que la chapelle, par ses murs à petites pierres sans mortier avec rangée en fougère, son abside à voûte en coquille, ses trois fenêtres longues, autrefois étroites comme des meurtrières, maintenant regrettablement élargies, est du Xe siècle ou du commencement du XI, de cette époque où l'on travailla à relever les ruines accumulées pen(1) Travaux de la Société d'hist...... 1' part., t. 5. p. 183. dant l'occupation sarrasine. Une pierre d'autel adossée au mur extérieur de la chapelle et les ossements humains dont le sol du plateau est rempli, sont des souvenirs de la peste de 1630. L'histoire de la construction de cette chapelle loin de toute habitation, au bord d'un précipice, à côté d'une route, à cette époque de reconstitution totale du pays, serait fort intéressante. Simple lieu de dévotion, c'est peu admissible. Refuge pour les voyageurs? Asile d'un ermite, comme le dit une tradition? Malheureusement, mes plus anciens documents sont de 1574 et 1575. J'y vois seulement que, le chevalier Jean de Poipon dit de Belletruche, seigneur de Saint-Vial, ayant fait abandon du droit de patronage qu'il possédait sur cette chapelle de St-Etienne, Mgr. Pierre de Lambert en prit possession et l'unit avec ses biens au collège qu'il venait de fonder à St-Jean, et que l'acte fut dressé devant la porte même de la chapelle le 24 mars 1575. Parmi les petites propriétés de la chapelle, avant la spoliation de 1795, notons, pour marquer un nom qui se trouve en plusieurs localités des prés à Pralognan, Pratum longinquum, pré éloigné. Au bas de la montagne, il y a La Prat, pratum, le pré, connu par ses usines. Le pré y est, pas grand, faute de place. ORELLE Orella, D'orlum, orellum, bordure, petite bordure (1). La plus grande partie du territoire cultivé de cette laborieuse commune se compose de bandes étroites, soutenues par des murailles sur la pente raide de la montagne et qu'il faut relever souvent, terres et murailles. On a tenté de raffiner le nom de la commune et de le tirer d'un nom de saint ou de sainte. On lit dans les registres paroissiaux en 1672, Saint-Aurelle; en 1699, Sainte-Orelle. En 1674, Pierre d'Albert, avocat au Sénat, signait aussi de Saint-Aurelle. (1) Voir note 13. Mais cette transformation n'a pas pris. XII. Valloires. Valmeinier. Valloires, canton de St-Michel. On a tiré ce nom de Vallis ovium, vallée des brebis. C'est une étymologie sans fondement. Dans aucune charte on ne trouve Valovium, mais partout Volovium. Ne serait-ce pas plutôt une corruption de Bologium ? Le B et le se ressemblent fort dans les vieilles chartes et s'employaient même l'un pour l'autre. Or Bologium, dit du Cange, était synonyme de Batuda, sorte de pêche où l'on battait l'eau, pour effrayer les poissons et les forcer de s'entasser en un lieu déterminé. Une antique tradition fait du bassin de Place, le village principal, un lac alimenté par les deux ruisseaux de Neuvachette et de Valloirette qui se réunissent au bout du bassin. Il y avait là sans doute un barrage, qui fut emporté ou coupé, on ne sait quand (1). Place est dominé, au midi, par le haut clocher de St-Pierre. C'était le vocable de la première église, construite à quelques pas de là. Elle fut remplacée par une chapelle qui, étant complètement tombée, a été reconstruite il y a un demi-siècle. Sur le rocher même existait un château, propriété de l'évêque, depuis les premiers temps de l'établissement de l'évêché au VI siècle. Il commença à tomber en ruine vers le milieu du XVIe siècle. Ses derniers restes ont servi à la reconstruction de la chapelle St-Pierre et l'on trouva tout à côté un tombeau formé de quatre ardoises et ne contenant que quelques ossements. Après l'écoulement du lac et le dessèchement du bassin qu'il occupait, à une époque inconnue, un village ne tarda pas à s'y élever et à devenir le centre et comme la place publique, platea de la commune. (1) Voir note 14. |