voie romaine longeait le bas de la montagne. XX. Le bassin de La Chambre. Entre les deux montagnes qui forment le territoire de Montgellafrey et qui se rejoignent au Col de la Madeleine (1), par où l'on descend en Tarentaise, est creusée uue vallée étroite, ravinée, marécageuse, traversée par le Bugeon. Elle porte le nom de Covatières - on trouve quelque fois Cavatières, Cava terra, terre creusée, creux. Ce creux marque la place que remplissait, avant la fonte des glaciers, le cône de déjection sur lequel est bâti le bourg de La Chambre. En glissant, la moraine a laissé, à droite, à mi-hauteur de la montagne, une sorte de longue corniche, sur laquelle est accroupie, non sans une inquiétude justifiée par de fréquents petits éboulements, la partie principale de la commune. Ce nom de Montgellafrey, dans les chartes Mons Gellafreddus ou Gellafridus, ne serait-il pas composé des trois mots: Mons, Gella ou Gelatus, et Frigidus, Fridus, de la basse latinité? Il se traduirait donc par Mont des glaciers et du froid. Si quelqu'un trouve une meilleure étymologie, je suis tout prêt à abandonner celle-là. Le bassin de La Chambre forme un carré encadré de hautes montagnes sur trois côtés : l'Arc est le quatrième. Gênée par le cône de déjection, la rivière lui a peu à peu rongé les pieds, de façon à le terminer, sur une partie de sa largeur, par des parois verticales. Ce n'est qu'au milieu du XVIIIe siècle qu'on l'a reculée, pour l'endiguer, en laissant entre elle et la moraine la bande de terrain sur laquelle sont établies, côte à côte, la route et la voie ferrée. (1) Voir note 25. Au bas des montagnes, trois communes se sont formées, il y a plusieurs siècles, de portions détachées du territoire de La Chambre; à gauche, au débouché de la vallée de Montgellafrey et du Bugeon, Notre-Damedu-Cruet, de Croso, placée dans le creux, sur la rive droite du torrent; au milieu, St-Martin-sur-La-Chambre; à droite, au pied de la montagne, là où se rejoignaient la voie romaine arrivant par la plaine et l'actus descendant de Montvernier, St-Avre: c'est le nom d'un prêtre, Aper, natif du diocèse de Sens, au VIIe siècle, qui, après avoir passé quelque temps et subi de douloureuses épreuves dans le diocèse de Grenoble, se retira en ce lieu, y bâtit un hospice et s'y dévoua au service des voyageurs. Les deux montagnes qui se rencontrent à l'angle de droite, sont bien couvertes de bois, de prairies, de cultures, et un peu haut des villages qui composent la commune de Montaimon, Mons Aimonis, la montagne d'Aimon. Ce ne peut être que le nom d'un propriétaire ou d'un seigneur féodal qui attira les colons et les y fixa par des franchises, des concessions de terres, la construction d'une église, etc. I appartenait néces sairement à la maison de La Chambre. Quand vécutil? Je ne puis citer qu'un nom, Aimon de La Chambre, qui vivait en 1097. René, un des fils de Jean de La Chambre et de Barbe d'Amboise, lequel mourut en 1544, portait le titre de seigneur de Montaimon. La Chambre Camera « Ce bourg, dit Grillet (Dictionn. histor.), fut appelé Camera, La Chambre, suivant le Glossaire de du Cange, parce que, du temps des Romains, les peuples de la basse Maurienne, dépendants de la préfecture de Suse, chef-lieu des populations des Alpes Cottiennes, s'y rassemblaient pour la répartition des impôts. » C'était donc une localité importante, plus importante peut-être que Maurienne; la sixième voie la traversait, tandis que la ville de Maurienne n'avait qu'un actus. Au XIe siècle, on y trouve installée et en portant le nom une famille qui, pour l'ancienneté, l'illustration et la puissance, vient immédiatement après celle de Savoie Guillaume, Anselme et Aimon de La Chambre sont mentionnés dans des actes des années 1038, 1055 et 1097. Leur château s'élevait sur une éminence dans la partie du territoire de La Chambre qui devint la commune de Notre-Dame-du-Cruet ; il en reste quelques lambeaux de murailles. La Chambre posséda: 1° un prieuré antérieur au XIIIe siècle, dont le nom est resté à la première maison que l'on trouve, à droite, en venant de la gare, et le souvenir demeure attaché au portail remarquable de l'église paroissiale; 2o une collégiale qui succéda, en 1515 au prieuré et subsista jusqu'à la Révolution; 3° un couvent de Cordeliers fondé en 1345, à l'autre extrémité du bourg, et dont les restes s'effondrent peu à peu; 4o un hospice, en face de ce couvent; 5° une maladière ou hospice de lépreux, dont il n'y a plus que le nom, dans la plaine au-delà du Bugeon. XXI. Pontamafrey. Le Châtel et Hermillon. Le Pont Villa Pontis (1184), le village du Pont. Ce pont, sur l'Arc, ne desservît point la voie romaine, en supposant qu'il ait existé quand cette voie était ouverte en cette partie de son tracé; car elle suivait le pied de la montagne de Montvernier, au-dessus des vignes du Pont. Il ne pouvait que mettre le village en communication avec ses propriétés de la rive gauche. Peut-être aussi ne fut-il construit que quand les éboulements de rochers eurent coupé la voie. Un hospice avoisinait le pont, selon l'usage. Au XIIIe ou au XIVe siècle, le village ajouta à son nom celui d'Amafrey, Pontamafrey, Pons Amalfredi, le pont d'Amalfred. On peut supposer que c'était un bienfaiteur de la commune, peut-être celui qui avait construit ou reconstruit le pont, et fondé l'hospice pour les voyageurs. Le notaire Etienne Amalfred vivait en 1273, Poncet Amalfred en 1282, Jean Amalfred en 1382 et il possédait des fiefs au Châtel et à Hermillon. En même temps que les Amalfred, le village du Pont avait une famille qui devint la plus puissante de la Maurienne après celle de La Chambre: elle y était probablement née, puisqu'elle en portait le nom, la noble famille du Pont. Elle avait sa maison au milieu du village, à côté du ruisseau qui descend de Montvernier. Pierre du Pont y fit son testament le 24 mai 1356. Il en reste un monceau de pierres. Les du Pont possédaient presque au-dessus du Pont, au bord des hauts rochers perpendiculaires du Châtel, la forte tour du Villaret dont le temps n'a pas encore abattu les grandes murailles. Ils s'éteignirent en 1600. Au débouché du pont, un rocher peu élevé, de forme arrondie, planté au bord de l'Arc, est couronné d'une chapelle de style ogival. La chapelle a été construite en 1853 sur les ruines d'un fort. Le rocher porte dans les documents des archives du Pont le nom de Pierre Allamand il a dû appartenir, au XI ou au XIIe sièele, à la puissante famille dauphinoise des Allamand. Le fort était désigné sous le nom de Fort des Sarrasins : deux souterrains, encore ouverts, mettaient la garnison en communication avec la plaine et avec la rivière. D'après la tradition, il fut construit par les Sarrasins au Xe siècle. Plusieurs fois détruit et rebâti, il ne fut jamais qu'une charge inutile pour la province de Maurienne qui, en 1636, obtint sa démolition définitive. La petite plaine qui va de la rivière à la montagne, aujourd'hui couverte de cultures, il y a plusieurs siècles abandonnée à l'Arc, est divisée en deux parties: Les Essarts, Essartum, dont on connait la signification: Colassol, Costa subtus, la côte sous le fort. Une vieille route la contourne, allant du pont de Pontamafrey au pont de la Madeleine. Ce n'est pas la voie romaine, qui nulle part n'a traversé l'Arc; mais une route beaucoup postérieure. Au bas de cette plaine existe une source d'eau salée, Golia sala, qui, pendant quelque temps, au XVIIe siècle, fut exploitée, puis abandonnée à cause de son rendement insuffisant. Jusqu'en l'année 1660, où s'éteignit la maison de La Chambre, le petit village de Pontamafrey, bien que ne formant qu'une seule paroisse, était politiquement divisé en deux parties par le ruisseau rive gauche, les ducaux, sujets immédiats des ducs de Savoie ; rive droite, les chambrains, sujets des seigneurs de La Chambre. On pense bien qu'entre les uns et les autres les contestations ne manquèrent pas quant à la jouissance des biens communaux. Armariolum. - C'est cette haute tour carrée, dressée sur le rocher qui s'avance, comme un promontoire ou comme un bastion, au sommet de la vallée de Pontamafrey, là où la montagne se recule et se creuse pour faire place à la commune d'Hermillon. Si vous demandez son nom, on vous répondra : « C'est la tour du Châtel » ; quelques-uns plus savants diront : « C'est la tour de Bérold. » De fait, la Chronique de Savoie la fait construire au Xe siècle par le légendaire Bérold de Saxe, tige, selon l'opinion ancienne, de la Maison de Savoie. Malheureusement pour le récit de Paradin, la tour était déjà bien vieille à l'époque où aurait vécu Bérold. En 887, le roi Boson donna à Asmond, évêque de Maurienne et de Suse, « le château d'Armariolum », pour qu'il pût y mettre en sûreté sa personne et ses trésors; car, dit-il, « les anciens l'ont appelé une forteresse, armarium, bien placée et bien munie ». Quels sont ces anciens? Peut-être les Romains qui jugèrent bon de placer cette sentinelle entre la ria qui passait au pied du rocher et l'actus qui montait entre lui et la |