l'avons fait avec tout le soin dont nous avons été capable. En terminant, nous aussi nous formons le vœu que le souvenir de notre ancien président soit fécond et engendre à la patrie de Maurienne de nombreux et généreux dévoûments. M. MOTTARD. SUSE & LA MAURIENNE дв дв дв Lorsque deux amis se rencontrent, ils n'ont rien. tant à cœur que de s'entretenir de leurs liens de parenté, s'il en existe, et de leurs communs souvenirs. Puisque nous avons aujourd'hui la bonne fortune de nous rencontrer avec une délégation de la Société d'archéologie de Turin, c'est un plaisir pour moi de rappeler les liens historiques qui unissent Suse et la Maurienne. Tout le monde sait que la Maurienne fut le berceau de la maison de Savoie, berceau bien modeste qui ne laissait pas prévoir la haute fortune à laquelle cette famine était appelée. Notre église cathédrale conserve pieusement la tombe d'Humbert aux Blanches-Mains, premier comte de Maurienne, dont les nombreux bienfaits firent oublier qu'il avait d'abord été le vainqueur et le conquérant de notre ville. Le mariage d'Odon, fils d'Humbert I, avec Adélaïde, marquise de Suse; faisait de ses successeurs les « portiers des Alpes » et inaugurait cette union de la Savoie et du Piémont, dont les destinées devaient être associées pendant plus de huit siècles. Je me trompe en parlant de commencement d'union politique, car celle-ci est bien antérieure au mariage du troisième comte de Maurienne avec la riche héritière que le cardinal Pierre Damien, un des plus illustres personnages de ce temps, qualifie « duchesse des Alpes Cottiennes ». Le plus beau monument de Suse, c'est l'arc-detriomphe que nous avons sous les yeux, élevé par Marcus Julius Cottius en l'honneur d'Octave Auguste. Sur le frontispice de ce monument se lisent les noms des peuplades alpines qui étaient soumises à l'autorité de ce Cottius, dont Auguste avait fait un préfet des Alpes Cottiennes. Les savants ne sont pas d'accord pour déterminer les pays respectivement occupés par chacun de ces peuples; mais il en est au moins deux dont l'identification ne laisse pas de doute. Ce sont les Ségusiens qui habitaient la vallée de Suse et les Médulles qui avaient pour territoire la Maurienne. Ainsi donc, dès les commencements de l'empire, nous voyons nos deux vallées faisant partie de la même circonscription administrative et soumises au même chef, Cottius, auquel les historiens donnent indifféremment le titre de préfet ou celui de roi. Plus tard, la résidence du préfet fut transférée de Suse à Turin. Dans le démembrement de l'empire disputé par les diverses hordes d'envahisseurs, les vallées de Suse et de la Maurienne ne furent pas séparées ou du moins ne le furent pas pour longtemps. Après quelques vicissitudes, elles firent l'une et l'autre partie du royaume des Francs. Mais le christianisme avait créé entre les deux vallées subalpines un autre lien, qui devait durer plus longtemps que la domination franque. L'usage de l'Eglise, surtout dans les Gaules et depuis Constantin, était d'établir des évêques dans les chefs-lieux de cités, et des métropolitains dans les chefs-lieux de province. D'après ce principe, Suse, qui avait cessé d'être la résidence du préfet des Alpes Cottiennes, dut ressortir au diocèse de Turin, ainsi que la Maurienne, qui était un pagus de la même province. Après avoir bâti à St-Jean-de-Maurienne une église pour recevoir les reliques de St-Jean-Baptiste nouvellement apportées d'Orient, le roi Gontran fonda un évêché dans cette ville, bien que sa qualité de simple vicus ne lui donnât aucun droit à un siège épiscopal. Les considérations politiques ne furent probablement pas étrangères à cette fondation. Prévoyant que les vallées situées sur le versant oriental des Alpes pourraient un jour échapper à l'autorité des Francs, il déplaça le centre religieux de Suse pour l'établir au vicus de Maurienne, dépendant de la même préfecture, mais situé en-deça des Alpes. C'était si bien les droits de Suse que le roi de Bourgogne transférait à la ville de St-Jean, que pendant longtemps le titulaire du nouvel évêché porta le titre d'évêque de Maurienne et de Suse. Ainsi, dans une charte de Boson, roi de Provence, de 887, l'évêque Asmonde est encore qualifié de Secusing civitatis vel Maurianorum episcopus. Et, comme pour perpétuer le souvenir de la primauté de Suse, l'évêque de Maurien ne dut garder le titre et les droits de prévôt du chapitre de cette ancienne cité (1). Gontran rattacha le diocèse qu'il venait de créer à la métropole de Vienne. Ce démembrement du diocèse de Turin ne se fit pas sans protestations de l'évêque lésé. Nous avons un écho de ces plaintes dans une lettre du pape Saint Grégoire le Grand adressée aux rois Thierry et Théodebert, petit-fils de Gontran. «Notre frère dans l'épiscopat, Ursicin, évêque de Turin, se plaint amèrement d'avoir eu à supporter un grave dommage dans celles des paroisses de son diocèse qui font partie de votre royaume, de telle sorte que, contrairement à l'usage de l'église et à toutes les dispositions des saints canons, sans aucun démérite de sa part, on n'a pas craint d'y établir un nouvel évêque. » Irrégulière dans le principe, la création de l'évêché (1) Ducis. Mém. de l'Acad. de Savoie, 2 serie, 1. IX. de Maurienne au préjudice de celui de Turin obtint plus tard, à une date que nous ne pouvons préciser, l'approbation du Saint-Siège. D'ailleurs, par une bulle du 16 octobre 1184, le pape Lucius III approuvait de nouveau les donations faites à l'évêché de Maurienne par Gontran. La preuve que les réclamations de l'évêque Ursicin sont demeurées sans effet, c'est qu'un grand nombre de documents attestent, dans les temps subséquents, la juridiction de l'évêque de Maurienne. Nous voyons par la donation du patrice Abbon, du 30 janvier 726, qu'à cette époque le monastère de la Novalaise dépendait de l'évêque de Maurienne, que lui seul était en droit d'y donner la confirmation, d'y faire les ordinations et d'y consacrer les autels. Dans l'acte de donation de la tour d'Hermillon à Asmondus, évêque de Maurienne, le roi Boson déclare qu'il veut que l'église de St-Jean-de-Maurienne et celle de Sainte Marie de Suse, ainsi que les églises qui en dépendent fassent partie du diocèse de Maurienne, à la condition que l'évêque de ce diocèse se rendra au synode provincial de Vienne, quand il y sera convoqué. Mais cette union était trop contraire à la géographie pour être vraiment durable: les difficultés des communications rendaient très difficile l'exercice de la juridiction de l'évêque de Maurienne sur les paroisses de la vallée de Suse. Il paraît que, dès la fin du XIe siècle, les évêques de Turin, se ressouvenant que Suse avait autrefois fait partie de leur diocèse, profitèrent de toutes les occasions favorables pour tenter de s'en emparer de nouveau (1). Malgré ces constatations, les évêques de Maurienne maintinrent jusqu'au XIIIe siècle, peut-être même plus tard, leur juridiction sur la vallée ségusienne. Le 21 septembre 1262, Anthelme de Clermont, récemment (1) Mgr Alexis Billiet, Mémoires sur les premiers évêques de Maurienne. élu évêque de Maurienne, se rend à Suse, accompagné de quatre de ses chanoines. Il se transporte jusqu'au pont de Valovia près d'Aveillane pour exercer les fonctions de son ministère, « parce que la vallée de Suse jusqu'audit pont fait partie de son diocèse », déclare le procès-verbal notarié de cette visite pastorale. L'insistance avec laquelle Anthelme de Clermont affirme ses droits, la mesure insolite qu'il prend en faisant constater sa juridiction par un acte notarié montre bien que déjà alors elle n'était plus incontestée (1) Nous ne connaissons aucun acte d'autorité exercé depuis cette époque par les évêques de Maurienne dans la vallée de Suse. Si l'union religieuse de nos deux vallées subalpines fut alors dissoute, l'union politique continua à subsister jusqu'à une époque dont la plupart d'entre nous ont été les témoins. Quant à l'union morale, je veux dire les rapports amicaux et fraternels, ils n'ont jamais cessé d'exister entre les populations de Suze et de la Maurienne. A. GROS. (1) Leopold Usseglio, dans une notice sur Le Valli di Lanzo nella storia, en tête du magnifique volume que la Section de Turin du Club Alpin italien a publié en 1904, sous le nom de Le Valli di Lanzo, affirme que, sous la domination des Francs, les vallées de Lanzo étaient également soumises a la juridiction e l'évêque de Maurienne. Cette situation aurait duré jusqu'au jour où Charlemagne, réunissant sur sa tête les deux couronnes de France et d'Italie (774), établit une nouvelle délimitation des deux royaumes. Il est regrettable que l'auteur n'indique pas de document pour étayer son affirmation. Voir aussi un article de M W. A. B. Coolidge, Revue Alpine publiée par la Section lyonnaise du Club Alpin français, 1" novembre 1908. |