nés de la tradition historique, nous estimons qu'elle a une valeur supérieure aux hypotèses les plus ingénieuses et qu'elle ne doit céder que devant des faits solidement établis. M. l'abbé Gros est chargé de faire un rapport sur le mémoire de M. le Chanoine Truchet, intitulé « Quelques noms de lieux en Maurienne ». Un grand nombre d'étymologies données par l'auteur ont paru trop fantaisistes, pour que la Société les publie sans réserve et en prenne pour ainsi dire la responsabilité. Comme, par contre, il y a dans ce travail beaucoup de renseignements intéressants, il serait regrettable de le laisser moisir dans les cartons de notre regretté Président. Il n'y avait donc qu'un seul parti à prendre publier une édition annotée et corrigée. Nota. Diverses circonstances ayant empêché la régularité des réunions de la Société au cours de cette année, il ne sera pas publié de compte-rendu des séances. L'EXCURSION DE CHAMOUX (24 Juillet 1907) Chamoux, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Chambéry, mais qui se rattache à la Maurienne pour la juridiction ecclésiastique et par de nombreuses traditions historiques était choisi en cette année 1907 pour le but de l'excursion traditionnelle de la Société d'Archéologie. C'était le mercredi 24 juillet. Le train descendant de la matinée recueille dans les diverses stations les mem bres de la Société que leurs affaires ne retiennent pas, MM. Pascal Sylvère, à Modane, Jourdain, curé, à StMichel, à St-Jean, Truchet Florimond, président, Gros, Taravel, chanoines, Foderé, docteur, Gravier, pharmacien, accompagné de son frère M. Gravier Laurent, étudiant en médecine, Gorré, secrétaire de la Société, que rejoignent à Pontamafrey M. Deschamps, professeur, et à Epierre MM. les curés Pommet et Mottard. On descend à la petite station de Chamousset, et de là on se rend à Chamoux dans le char préhistorique de la poste, d'autres dans la voiture du château de Sonnaz, quelques-uns à pied. Malgré leur intrépidité, les piétons arrivent bons derniers, mais ils sont attendus par leurs collègues au presbytère où M. l'abbé Gaden, archiprêtre qui, accompagné de M. le notaire Carcel, a reçu la Société à l'entrée du bourg, leur fait promptement oublier par un délicieux vin blanc la poussière de la route. Sans perdre temps, les archéologues se dirigent bientôt vers le château de Sonnaz, dont le parc avoisine l'artère principale de Chamoux. Le château est une construction massive rectangulaire avec deux ailes en saillie sur la façade principale. Au premier coup d'œil, on voit que le bâtiment a subi de nombreuses modifications successives et des aménagements si divers qu'il est difficile et peut-être impossible de deviner le plan primitif. Ce qu'il y a de plus curieux, c'est que l'ancien château, et sans doute les premières constructions n'ont pas disparu, mais sont tout simplement sous terre, enfouies par une inondation du torrent voisin du Nant dont les alluvions constituent le sol du parc et des propriétés voisines. Mais voici qu'à l'entrée du château la Société est reçue par Madame la comtesse de Sonnaz, la dame de céans. C'est sous la direction de la comtesse, le plus aimable et le plus entendu des cicérones que les archéologues mauriennais visitent les grandes salles féodales aux majestueux plafonds à caissons, aux murailles parfois d'une épaisseur si énorme qu'elle atteint ou dépasse trois mètres, et qu'elles ont été en maints endroits creusées comme des rocs pour faire place à des boudoirs ou des cabinets de toilette. Nous jetons de rapides coups d'œil sur les portraits de famille, sur les portraits des princes de Savoie, sur les grandes tapisseries d'allure antique qui recouvrent les murs de la salle d'honneur. D'étage en étage, nous arrivons aux combles, où nous suivons l'ancien chemin de ronde, non sans donner quelques regards furtifs aux bahuts et coffres remplis de vieux parchemins et papiers que du reste Madame la Comtesse met obligeamment à la disposition des travailleurs. Montés sur ce faîte, nous aspirons maintenant à descendre vers les substructions et les souterrains que nous décorons du nom d'oubliettes. Comme nous l'avons dit, ce sont les constructions primitives enfouies sous les alluvions. A la lueur de quelques bougies nous descendons une vingtaine de marches; on pourrait descendre plus bas encore, car un orifice de deux pieds carrés laisse apercevoir d'autres espaces vides, mais nous sommes arrêtés dans nos explorations souterraines archéologiques par les hésitations du plus corpulent de nos collègues autant que par le souci légitime de ne point reparaître aux yeux des profanes en costume de puisatiers. Nous voici au jour. Madame de Sonnaz nous accompagne maintenant dans le parc du château aux grands marronniers séculaires. Ces géants respectables sont une marque d'antiquité qu'il est impossible de simuler. On pourrait se bâtir un château gothique avec des airs de vétusté pour satisfaire des goûts aristocratiques; on n'a pas trouvé encore le moyen de planter un parc d'arbres antiques; c'est un soin qu'il faut laisser au temps. A l'est du château, se trouve un hangar dont les murailles étaient jadis celles des bâtiments et de la chapelle de la collégiale de Chamoux. M. le chanoine Gros, vice-président, va nous en raconter l'histoire, avec celle du château dans une conférence que la Société et ses guides écoutent à l'ombre des grands arbres du parc. CHAMOUX Aujourd'hui chef-lieu de canton, Chamoux était autrefois le centre d'une petite seigneurie composée des quatre paroisses de Chamoux, Bettonnet, Montendry et Montgilbert. Vendue en 1427 par le prince Amédée de Savoie à Jean de Seyssel seigneur de Barjac, cette seigneurie passa successivement de cette famille, à celles des Chapel de Rochefort, des Mellarède, des d'Arestan de Montfort et des d'Albert de Maurienne. Le seigneur de Chamoux avait le droit de nomination au doyenné de la collégiale de Ste-Anne, « érigée en 1515 par le même Louis de La Chambre qui fonda le chapitre de la collégiale de Saint-Marcel au bourg de La Chambre En 1741, dans sa briève notice du Diocèse de Maurienne, Rd Savey, vicaire général de Mgr. de Rosignan, donnait cette description de la collégiale qui nous occupe : «Le chapitre de Ste-Anne de Chamoux est de la même fondation et catégorie que celui de La Chambre, sauf que, dès son origine, il n'y avait que six chanoines (1). Je ne sais s'il mérite aujourd'hui le nom de chapitre, étant réduit à un seul doyen et un seul chanoine, qui ont peine à vivre: c'est le baron de Chamoux qui les nomme, le révérendissime évêque ins (1) Dans un autre passage de son Mémoire, Rd Savey donne le chiffre de huit, titue le doyen, et celui-ci, par un abus que feu Monseigneur (1) n'a jamais pu souffrir, s'émancipe d'instituer le chanoine. Ils ne font aucun office dans leur église, sauf qu'à tour de rôle ils disent la messe à la commodité du baron leur patron, leur église ou plutôt chapelle se trouvant dans la cour de son château (2). Quelquefois ils prétendent aussi être exempts de la juridiction de l'ordinaire, mais ils sont si peu en état de faire valoir leurs prétentions qu'ils trouvent mieux leur compte à se soumettre comme les autres aux statuts du diocèse. »> Dans ces quelques lignes, nous avons une image concentrée, un tableau raccourci de la société cléricale sous l'ancien Régime pauvreté du bas clergé, en dépit de la légende qui le représente comme riche et propriétaire de presque tout le territoire; rivalité entre le clergé séculier et le clergé régulier qui invoque ses privilèges d'exemption; la chapelle dépendance du château et le prêtre placé sous le patronage du seigneur laïque. En 1596 et en 1609, Mgr. Philibert Millet visita l'église paroissiale et la collégiale de Chamoux. Nous avons le procès-verbal de cette seconde visite. Le curé se nomme Jacques Rémorin. A l'église paroissiale est annexé un prieuré, dont messire André Duguat est titulaire, et un bénéfice dit de la sacristie. Les avoirs de la cure se composent d'un revenu de cinq charriots de froment, huit charges de vin et six florins d'argent, et d'une propriété de neuf sétorées de pré et dix-huit fossorées de vigne. La maison du prieur étant tombée en ruines, l'évêque enjoint à l'abbaye de StRambert, de laquelle le prieuré dépend, de la faire rebâtir, sous peine de saisie des fruits. (1) Valperga de Masin. (2) Dans son Etat succint du diocèse de Maurienne, Rd Esprit Combet dit que cette église était très modeste: le chœur seul était vouté, la nef n'avait que le couvert et une partie de lambri. Il ajoute qu'il n'y avait jamais eu qu'un commencement de chapitre. |