Pour mettre le comble à ses attentions à l'égard de la Société mauriennaise, Madame la Comtesse la conduit dans une autre allée du parc, où se trouve improvisée une table avec des rafraîchissements. L'antique Sauterne de..... est bu à la santé de Madame la Comtesse et des visiteurs enchantés de l'antique manoir. Le président formule quelques paroles de remerciments, et, comme il est midi, la Société, pour remplir la seconde partie de son programme de la journée, se rend à l'hôtel Neyroud où le banquet a été préparé sous les ordres de M. le docteur Foderé, l'organisateur traditionnel de nos excursions. C'est aussi la gaité et l'entrain traditionnels qui règnent au banquet, remarquablement servi du reste. Aux membres de la Société se sont joints MM. le Curé Gaden, le notaire Carcel, et le curé Flandin, de Villardléger. M. le notaire Mamy, maire de Chamoux, également invité, a été malheureusement retenu par ses affaires, et a envoyé une fort courtoise lettre d'excuses et de regrets. Au dessert, M. Truchet, président, porte la santé de Madame la comtesse de Sonnaz, qui, quoique absente, préside à la fête par les souvenirs de sa bonne et franche amabilité, et de Mesdemoiselles Thomas, ses voisines, qui ont également accompagné la Société dans la visite du château, mais qui viennent encore de se recommander à la reconnaissance des archéologues par quelques bouteilles d'un excellent Crépy. M. Gros, vice-président, porte la santé des hôtes de la Société qu'il invite à resserrer, en devenant membres actifs, les liens qu'ils ont commencé aujourd'hui de nouer. Le Secrétaire, après avoir rappelé en quelques mots le souvenir des membres décédés depuis la dernière excursion, demande à ses collègues de ne point crain-dre de l'accabler de travail par des communications archéologiques, car il a un remplaçant dévoué. Nous nous en voudrions d'oublier une discussion aussi courtoise que vive sur le budget de la Société et qui se termine, sans dégénérer, par un toast de M. Jourdain, curé d'Orelle, à la probité du Trésorier. Une petite promenade aux gorges du Nant, en passant par la fromagerie du bourg, succède agréablement au banquet. Et M. Carcel qui l'a conduite, nous ramène alors près de l'église, jusque sous les treilles de son clos, où il nous présente sa gentille famille, qui nous offre la bière des adieux avant notre départ pour la station, d'où le train nous ramène en Maurienne. Fort agréable journée d'archéologues, digne des excursions précédentes, malgré les appréhensions qu'avait pu faire naître l'éloignement de Chamoux. Et l'on se donne rendez-vous pour les séances de travail de l'an prochain. Séance du 4 Novembre 1907. Présidence de M. Truchet, président. Après l'ouverture de la séance, M. l'abbé Gros faisant fonction de secrétaire, expose que la Société n'a rien publié depuis trois ans, qu'elle possède maintenant des matériaux suffisants pour faire paraître la deuxième partie du tome IV, 2e série de ses Travaux. L'impression de cette partie est votée. A cette occasion, M. Buttard annonce le prochain dépôt d'un mémoire intitulé : « Une dynastie d'artistes, Les Gilardi. » L'assemblée vote l'admission de trois nouveaux membres effectifs M. l'abbé Gaden, archiprêtre-curé de Chamoux; M. Carcel, notaire dans ce chef-lieu de canton; M. Louis Jourdain, pharmacien à Modane. M. l'abbé Gorré, que ses fonctions de professeur au Petit Séminaire retiennent loin de nous, ne laisse pas d'apporter sa contribution aux travaux de la Société. Il nous a envoyé de Suse une note très intéressante faisant suite à un de ses précédents mémoires sur l'industrie en Maurienne avant la Révolution. M. l'abbé Gros donne la lecture de ces pages, dont l'insertion au procès-verbal est votée : LA MANUFACTURE BERTRAND à St-Michel en 1777. Dans un petit Mémoire sur l'établissement d'une manufacture pour occuper les pauvres de Saint-Jean-deMaurienne, mémoire inséré dans le Bulletin de la Société IIme Série, Tome IIIme, 1re partie, nous avions fait la connaissance du sieur Jacques Antoine Bertrand, de St-Michel, qui dirigea cette manufacture du 26 juin 1774 au 18 novembre 1775. A cette dernière date, par suite de difficultés qui s'étaient élevées entre lui et les administrateurs de la Maison de charité, Bertrand avait renoncé à occuper les ouvriers et fait enlever les cardes et outils qui servaient à la manufacture. Où était-il allé ? Nous l'avions alors perdu de vue, mais un registre (1) de l'intendance de Maurienne nous a fourni l'occasion de retrouver ses traces. Bertrand était rentré à St-Michel, et là il avait établi une manufacture analogue qu'il dirigeait cette fois sans aucun contrôle. Pendant quelques mois même il put encore profiter du privilège dont il avait joui à St-Jean, d'extraire du Piémont, sans payer de frais, de la moresque, des cocons (1) Registre C, 773, Archives départementales de la Savoie. et bourre de soie. L'intendant de Maurienne fit un rapport sur cette affaire au comte Botton à Turin, et le privilège fut retiré, (Lettres du 30 mars et du 5 juin 1776), car il n'avait été accordé qu'en faveur des pau vres. Malgré la suppression du privilège, la manufacture prospéra, et prit même une certaine importance, à en juger par les détails d'un nouveau rapport de l'intendance de Maurienne au comte Petiti, président, et chef du Conseil du Commerce à Turin. (6 décembre 1777). Vingt trois ouvriers du pays, de St-Michel et des environs et même de St-Jean, et une huitaine d'Italiens étaient occupés aux cordages dans la manufacture ellemême. En outre, Bertrand fournissait du travail à domicile à une quarantaine de personnes de la paroisse et des environs, comme Beaune et Le Thyl, et même des Villards. Il avait même procuré des rouets dont il retenait le prix sur les salaires. En donnant de l'ouvrage à tous ceux qui lui en demandaient, il avait soin cependant de préférer les pauvres. Pour le cordage, il avait aussi des apprentis et il s'en présentait plus qu'on n'en pouvait accepter. Les nombreuses correspondances de Bertrand avec Lyon, Genève et la Suisse et les agrandissements qu'il faisait à sa manufacture montraient assez que l'établissement était en pleine prospérité. Même un des fils de Bertrand avait dû sur les ordres de son père interrompre ses études pour son commerce. L'agriculture n'avait pas à souffrir de l'industrie de Bertrand, car au filage il y avait surtout des filles jeunes et pauvres, et d'autre part les ouvriers du cordage, moins nombreux, avaient toute liberté aux époques où les travaux de la campagne devenaient plus urgents. « Et grâce à la manufacture susdite, ajoute l'intendant, plusieurs du bourg de St-Michel et des environs sortent de la mendicité, ou secourent leurs familles, ce qui est assez avantageux, car il y a là une certaine quantité de véritables pauvres ». Il est probable que la manufacture Bertrand a été en activité jusqu'aux troubles de la Révolution française. Quoiqu'il en soit de la suite, nous pensons que le nom de Jacques-Antoine Bertrand méritait de passer ou plutôt de repasser devant les yeux de nos lecteurs pour honorer son esprit d'initiative et les services qu'il a rendus à son pays. Le reste de la séance est consacré à la lecture de quelques notes relatives à Mont-André et Greny. Les notes sont détachées des œuvres postumes de notre regretté président, M. le chanoine Truchet. Séance du 2 décembre 1907 Présidence de M. Florimond Truchet, président. M. Buttard offre à la Société l'Histoire de l'indépendance italienne, par Ulloa, 2 vol. in 8°. M. le Président lui adresse les remerciments de la Société pour ce don qui vient enrichir notre bibliothèque. M. Buttard lit ensuite une note très intéressante sur une famille d'artistes italiens qui a séjourné longtemps en Savoie et dont les travaux comptent parmi les monuments les plus remarquables de nos églises. Cette notice sur la famille Gilardi paraîtra dans le prochain volume des Travaux de la Société. Dans les cartons de M. le chanoine Truchet, nous avons trouvé, entre autres reliques, un Mémoire sur quelques anciennes familles bourgeoises de St-Jeande-Maurienne. C'était pour nous un devoir de piété |