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$3. Formation du Sénat de Savoie.

M. Burnier consacre tout son livre III à l'histoire de l'établissement et de l'organisation de ce corps judiciaire.

C'est en 1559, l'année même où le traité de CateauCambrésis avait rendu ses Etats à Emmanuel-Philibert, que ce prince déclara vouloir établir, sous le nom de Sénat, une justice souveraine qui serait composée « d'un président, six sénateurs, un avocat et un procureur-général de son Altesse, et deux greffiers ou secrétaires, l'un civil et l'autre criminel. » La nouvelle cour devait connaître en dernier ressort de toutes causes et matières d'entre les sujets de son Altesse deçà les monts.

Ce Sénat n'était que le Parlement français de Chambéry reformé sous un autre nom.

Sous Charles-Emmanuel Ier, la Compagnie fut divisée en deux chambres; elle compta trois présidents, un chevalier, seize conseillers et les avocats généraux. En 1723, il n'y a plus de chevalier, et le Procureur-général du roi de Sardaigne prend le titre d'Avocat-fiscal général. En 1775, sous le règne de Victor-Amédée III, le Sénat se compose de trois chambres où siégent trois présidents et huit conseillers. Le chef du parquet a huit substituts.

Il paraît que dans les premiers temps de l'établissement du Sénat de Savoie, le bureau des pauvres avait une existence séparée de cette Compagnie. Il se composait d'un avocat, d'un procureur et d'un actuaire ou greffier, qui recevaient un traitement annuel pour défendre exclusivement les causes des gens dépourvus de ressources pé

cuniaires. Ce fut une femme, Marie-Jeanne-Baptiste, tutrice de Victor-Amédée III, qui ordonna en 1680 qu'un sénateur serait chargé d'examiner les suppliques des pauvres, de décider s'ils devaient être admis au bénéfice de la défense gratuite, et de surveiller l'avocat et les officiers ministériels chargés de leurs intérêts. Les Constitutions royales, publiées pour la première fois en 1723, placèrent le bureau des pauvres au même rang que le ministère public près le Sénat.

On voit de quel honneur était entourée la défense gratuite des indigents. On comprend que la Savoie regrette cette ancienne institution. Il semble, en effet, que le bureau de l'assistance judiciaire rétablit à peu près chez elle ce qui y existait avant 1680: et on peut lui pardonner de trouver qu'il lui impose par-là un pas rétrograde. C'était une belle idée de faire de l'assistance judiciaire des pauvres une véritable fonction et de la relever dans l'opinion en la confiant à l'un des magistrats de la cour suprême.

Le régime judiciaire de la Savoie l'emporta encore sur celui de la France, en ce que la vénalité des offices n'y fut pas admise.

Le Sénat, comme corps, fut entouré des plus grands honneurs. La noblesse attachée aux cours souveraines était transmissible aux descendants à perpétuité; et ce qui était bien remarquable et peut-être unique dans notre vieille Europe jetée partout dans le moule féodal, la noblesse de robe prenait place immédiatement après le clergé, avant la noblesse d'épée, lorsque les trois ordres de l'Etat se trouvaient réunis à Chambéry.

Les membres du Sénat de Chambéry ne pouvaient être jugés en matière criminelle que par la Compagnie entière formant une haute-cour de justice.

Le corps judiciaire était entouré de beaucoup de considération; mais de grands honneurs étaient réservés surtout au premier président, qui était assimilé au Chancelier de Savoie et prêtait serment entre les mains mêmes du Prince.

Le Sénat prenait beaucoup de part aux cérémonies religieuses et aux fêtes publiques. On croyait bon alors d'accoutumer le peuple à voir ses magistrats entourés d'honneurs et de respect.

La robe d'écarlate à grandes manches, les jours d'audiences solennelles, la simarre noire les jours d'audience ordinaire, et en ville, l'habit noir dit habit à la française, tel devait être le costume des sénateurs. « On vit, dit l'historien du Parlement de Bourgogne, le doyen Hector Bernard Pouffier dénoncé en 1684 par l'avocat-général Durand pour avoir été aperçu sur la place publique en habit gris. >>

Suivant les époques, la barbe longue fut admise ou exclue par les membres du sénat de Savoie : ils la portèrent sous Emmanuel-Philibert et ses successeurs; au dix-septième siècle, ils n'avaient conservé qu'une petite moustache. Depuis le règne de Victor-Amédée II, les magistrats furent entièrement rasés et ils portèrent des perruques poudrées à la Louis XIV.

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L'homme de robe était condamné à une certaine austérité de vie, soit en Savoie, soit en France : « Il ne » saurait guère danser au bal, disait La Bruyère, paraître aux théâtres, renoncer aux habits simples et modestes sans consentir à son propre avilissement, et il est étrange qu'il ait fallu une loi pour régler son extérieur et le contraindre ainsi à être plus grave et plus respecté. »

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Aujourd'hui on a détruit cette contrainte et brisé en quelque sorte les barrières qui séparaient le magistrat de l'homme du monde. Nous n'exigerions pas maintenant de nos membres de cours souveraines l'existence d'anachorète que menaient en Savoie les Antoine Favre, les Millet de Challes, en Dauphiné les Guy-Pape et les Expilly.

L'austérité du costume et des manières n'est plus imposée aux hommes de robe. Mais un magistrat qui se respecte sait toujours mettre dans la réalité de sa vie intime la dignité morale qu'il n'est plus obligé d'afficher à l'extérieur. L'opinion publique, qui supplée si bien aux lois et aux règlements abrogés, flétrirait énergiquement le magistrat capable d'oublier son caractère dans les entraînements d'un monde frivole ou corrompu.

SUR

LA PUBLICATION DES DOCUMENTS

RELATIFS A LESDIGUIÈRES

PAR M. CAILLEMER.

Séance du 22 juin 1866.

MESSIEURS,

Une des plus grandes figures de l'histoire de France est assurément celle de l'illustre connétable auquel le Dauphiné s'honore d'avoir donné le jour. L'Académie Delphinale l'a déjà répété plus d'une fois : « Lesdiguières ne fut pas seulement un vaillant chef de parti, continuateur heureux du baron des Adrets et de Montbrun, il fut encore un homme d'État de premier ordre. Avec d'humbles commencements, il arriva à de grandes choses, autant par sa sagesse et son habileté que par sa valeur militaire. Après avoir su discipliner et faire triompher les protestants, il s'associa des premiers aux efforts de Henri IV pour concilier les partis. Tandis que le Béarnais conquérait péniblement sa couronne aux alentours de Paris, Lesdiguières, aux extrémités du royaume, dominait la Provence et le Dauphiné, et protégeait nos frontières, toujours vainqueur et jamais vaincu. Les tra

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