SUR

L'ABBAYE DES AYES

(PRÈS GRENOBLE)

DE L'ORDRE DE CİTEAUX,

PAR M. EDMOND MAIGNIEN

Membre correspondant de l'Académie Delphinale.

Séance du 21 décembre 1866.

Parmi les monastères que le Dauphiné a vus naître, il en est un dont l'histoire nous a occupé tout spécialement par l'intérêt très-vif qu'elle présente pour l'étude de notre pays.

Fondée par les Dauphins, l'abbaye des Ayes méritait qu'on la tirât de l'oubli, c'est ce que j'ai essayé de faire, dans la mesure de mes faibles moyens.

Aucun écrivain ne s'en était occupé, du moins avec les détails qu'elle me semble comporter. Nous nous sommes servi, pour cette simple Notice, des chartes, papiers et inventaires des Ayes que renferment les archives de l'évêché; nous avons tâché de tirer quelques faits intéressants et curieux de ces précieux parchemins: puissions-nous y avoir réussi! mais surtout nous comptons sur l'indulgence du lecteur, et nous espérons qu'il nous

saura gré d'avoir voulu faire renaître, dans ces quelques pages, le passé d'une de ces saintes retraites dont le souvenir, s'effaçant toujours un peu plus d'âge en âge, finirait par s'éteindre et disparaître entièrement.

A quinze kilomètres de Grenoble, sur la rive droite de l'Isère et tout près de Crolles, s'élevait autrefois l'abbaye des Ayes, fondée, en 1141 (1), sous le vocable de la Sainte-Vierge et la règle de Citeaux, par Marguerite de Bourgogne, fille d'Etienne, duc de Bourgogne, et femme de Guigues IV, dauphin de Viennois. L'emplacement offert par cette princesse pour la construction du monastère était bien choisi; il devait s'élever dans la vallée du Graisivaudan, non loin des bords de l'Isère.

Par cette fondation, elle donna à l'abbaye une grande partie de la forêt du Devey, la grange de la Creune avec ses dépendances au mandement de Moras, et un grand nombre d'autres possessions dans les mandements de Voiron, de Moirans, de Rives, de Beaumont, de Clermont, de la Mure, de Monteynard, de la Motte, de Marcieu, de Rattier, d'Albon et de Châteauneuf. Toutes ces donations furent confirmées par une bulle du pape Adrien IV, de 1155, qui prit l'abbaye sous sa protection, déchargeant les religieuses des dîmes des fonds qu'elles

(1) L'acte de fondation de l'abbaye n'existait déjà plus dans ses archives en 1550, mais une plainte de Hugues II, successeur immédiat de saint Hugues, à la comtesse Dauphine sur la perte de plusieurs droits qu'elle avait donnés, à son préjudice, aux moniales des Ayes, et la translation de cet évêque à l'archevêché de Vienne en 1147, prouve que le monastère des Ayes était déjà fondé depuis quelques années.

cultiveraient. On se mit immédiatement à construire le monastère les dortoirs, le réfectoire et l'église furent achevés en peu de temps, et des religieuses de nobles familles dauphinoises peuplèrent cette sainte retraite, pénétrant dans les bois la serpe et l'Evangile à la main.

Abbesses.

Nous donnons des abbesses des Ayes une liste aussi exacte et complète que possible, d'après tous les documents que nous avons pu consulter. Guy Allard en a inséré une dans son Dictionnaire du Dauphiné, mais elle est incomplète et même erronée (1).

L'abbesse a toujours été élue par le chapitre du monastère jusqu'au 16 janvier 1659, époque à laquelle Louis XIV donna cette dignité à Espérance de Girard de Saint-Paul, à cause de ses vertus et en considération des services rendus à l'Etat par Balthazar de Girard de Saint Paul, son père, mort lieutenant- général, conmandant les armées dn Roi au siége de Thionville.

La première abbesse dont nous ayons pu constater le

nom est :

Lantelme. Elle signa, en 1245, une convention avec Mayence, prieure de Prémol (*)..

Viennent ensuite :

1245

Philippine de Bercio (Liste des abbesses des Ayes dans un inventaire de cette abbaye, page 627).... 1246

() M. H. de Maillefaud l'a reproduite textuellement dans ses Recherches historiques sur le monastère de Montfleury, p. 13. (*) Guy Allard n'indique pas cette prieure de la chartreuse de Prémol.

Vuille'me, Guillelme de Vado. Elle signa une convention avec Lionet, fils de Hugues de Porte Troynes et de Gaudine, ainsi qu'un accord avec Falco, évêque de Grenoble, concernant les biens d'André des Estables, homme lige du Dauphiné, décédé sans héritiers.... 1251-1262

Beatrix de Vado. Elle écrivit à Odo de Costavol, recteur de l'hôpital de Pontcharra....

1264

1271-1283 1286

Rissent. Il est fait mention de cette abbesse dans plusieurs donations faites à l'abbaye.... Elisabeth du Savel. Liste précitée. Nantelme, Lantelme Domengent. Signa une convention entre les coseigneurs de Rives, Audisie, veuve du seigneur Guillaume d'Aylin, chevalier, et noble Cruylus de Paladru, au sujet d'un domaine appelé Charnècles... 1289-1300

Jordane de Toylin. Agnès de Theys lui vendit plusieurs

terres.

1303

Alix Alleman. Signa un accord au sujet des pâturages de l'abbaye avec Pierre de Roynes, prieur de SaintMartin-le-Miséré, et Guillaume, évêque de Gre1311-1320

noble.....

...

Catherine Alleman. Signa un accord avec le seigneur de Montfort .....

1323-1343

1346

Anne, Annelle d'Avallon. Assista à la prise de possession du monastère de Montfleury.. Alisia Alleman. Signa différents accords au sujet de l'hôpital de Pontcharra.....

1352

Philippine de Briançon (Liste de Guy Allard) 1353-1376

Gilette de Beaumont.

(Ibid)..

1376

Alix de Beaumont. Fille de François de Beaumont

Isabelle de Saint-Agnan. Elle avait été religieuse du monastère de l'Esclache ('). Elle résigna en faveur de la suivante... 1420-1459 Catherine de Saint-Agnan. Elle fut mise en possession

de l'abbaye à l'âge de 25 ans, par Georges, abbé de Tamies (2), le 23 octobre 1459.

Charlotte de Saint-Agnan. (Liste de Guy Allard).. 1482 Marguerite de Ribiers. Elle était religieuse de l'ordre de

Citeaux en l'abbaye de l'Esclache, depuis l'âge de 12 ans. Elle fut nommée à l'abbaye des Ayes par bulle de Clément VII en 1524; mais elle résigna, en 1548, en faveur de sa sœur, en se réservant l'administration du couvent.... 1524-1548 Catherine de Ribiers. Fille de Eyme Terrail et de dame

Alleman; gouverna l'abbaye de..... 1548 à 1558 Jeanne Alleman. Fut élue par le chapitre de l'abbaye; mais Antoinette de Saint-Marcel d'Avançon, religieuse de Montfleury, l'avait été par brevet du roi. Un grand procès eut lieu; cette religieuse fut condamnée aux dépens d'une très-longue et bien disputée procédure. Jeanne Alleman fut maintenue abbesse. Elle résigna plus tard en faveur de sa nièce... 1558-1578

(1) Licentia Ysabellæ de Sancto Aniano de se transferendo de monasterio Esclachie ad monasterium Ayarum, 1420. Archives de l'évêché. L'Esclache était un monastère de l'ordre de Cîteaux, situé près de Clermont-Ferrand.

(3) Tamies, Stamedeum, abbaye de Citeaux, diocèse de la Tarantaise, en Savoie.