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PRÉCIS

DE

L'ANCIEN DROIT

COUTUMIER FRANÇAIS.

(Deuxième article.)

LIVRE II. DES BIENS ET DES DIFFÉRENTES MODIFICATIONS DE LA PROPRIÉTÉ.

SECT. I. Division des biens.

La division fondamentale des choses, celle qui marquait le plus profondément leur distinction juridique, se fondait, dans le droit coutumier comme sous l'empire du Code, sur leur nature mobilière ou immobilière. Les meubles et les immeubles se divisaient en outre, en corporels et incorporels, véritables et fictifs. Nous diviserons, en conséquence, cette section en trois paragraphes: 1o Des meubles corporels, véritables et fictifs; 2o Des immeubles corporels, véritables et fictifs; 3o Des meubles et des immeubles incorporels.

1o Des meubles corporels, véritables et fictifs. La classe des meubles corporels comprenait toute chose susceptible d'être transportée d'un lieu à un autre, quel qu'en fût d'ailleurs le prix ou la rareté. Plusieurs coutumes disposaient spécialement que la qualité de meuble appartenait aux pressoirs et cuves non édifiés en fonds de terre, aux moulins sur bateau, aux vaisseaux sur mer, aux bestiaux même affermés avec le fonds, aux matériaux réunis ou amassés pour bâtir, mais non encore employés. Il en était de même pour les poissons en réservoir ou en boutique, et pour ceux qui se trouvaient dans un étang ou vivier dont la

III. (Troisième série.)

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bonde était levée; pour les pigeons en fuie, et pour les deniers d'un immeuble vendu, trouvés en nature dans les coffres du défunt, ou dus au jour du décès. L'on n'exceptait que le prix du propre vendu pendant la dernière maladie du vendeur, et dont il aurait disposé au préjudice de ses héritiers des propres.

Quant aux fruits, la plupart des coutumes leur attribuaient la qualité de meubles, du moment qu'ils étaient séparés du fonds, quoique non encore recueillis. D'autres, au contraire (Artois, Reims), prenaient une époque fixe pour base de l'ameublissement des fruits ainsi les foins à couper étaient meubles après la mimai, les blés ou autres grains après la Saint-Jean, et les raisins à la mi-septembre. Les bois ne devenaient meubles que par la coupe effectuée; ainsi la vente ou la disposition testamentaire d'une coupe de bois était réputée porter sur une chose immobilière.

La qualité des fruits civils variait suivant leur nature. Les loyers de maisons, de moulins, de forges, les arrérages des rentes constituées à prix d'argent, devenaient meubles au fur et à mesure de la jouissance; les arrérages des cens et censives le devenaient, pour le tout, au jour de l'échéance des termes auxquels ils étaient dus; enfin les fermages des héritages ruraux étaient considérés comme subrogés aux fruits naturels, et prenaient la qualité de meubles au jour où ceux-ci se trouvaient eux-mêmes ameublis.

La classe des meubles fictifs ne comprenait véritablement que les immeubles ameublis par contrat de mariage. Les meubles incorporels ne recevaient pas, en général, cette qualification.

Il faut encore noter que, dans les textes des coutumes, le mot de meuble se prenait, à moins d'exception expresse, pour toute espèce de meubles corporels ou incorporels, tandis que, dans les dispositions de l'homme, il ne s'entendait communément que des meubles meublants. Le Code civil aurait dû peut-être emprunter cette règle à la pratique constante des pays coutumiers.

Quant à la qualité des meubles, elle se réglait par la coutume où celui à qui ils appartenaient avait son domicile, en quelque lieu d'ailleurs qu'ils fussent trouvés. C'était ce que l'on entendait par cette maxime, que les meubles suivent le corps.

2o Des immeubles corporels, véritables ou fictifs. La qualité d'immeuble véritable n'appartenait qu'au sol et aux bâtiments

élevés sur le sol. Les immeubles par fiction étaient, au contraire, fort nombreux. Cette qualité appartenait d'abord aux meubles incorporés à perpétuelle demeure à un héritage par le propriétaire, et ne les abandonnait qu'au moment de la séparation effectuée. Les ustensiles d'hôtel, mis dans une maison pour perpétuelle demeure, et attachés à fer et à clou, ou scellés en plâtre, étaient également réputés immeubles. Il en était de même des moulins fondés en terre ou bâtis sur pilotis en rivière; quelques coutumes seulement avaient une disposition contraire, quant aux moulins sur bateaux et pilotis. Les pressoirs fondés en terre pour perpétuelle demeure, les poissons en étang, les pigeons en colombier, les lapins en garennes, les ruches d'abeilles, étaient aussi expressément déclarés immeubles. Il en était de même pour les fruits, jusqu'au moment où ils prenaient la qualité de meubles, suivant ce qui a été dit ci-dessus. Les foins, pailles et fumiers; les échalas portés ou employés dans une vigne; les canons et autres armes, destinés pour la défense d'un château; les ornements, parements et livres des chapelles des châteaux et autres maisons; les matériaux provenant de la ruine et démolition d'une maison, laissés sur les lieux pour être employés à sa reconstruction; les deniers provenant de la vente des propres des conjoints ou du rachat des rentes du mineur, étaient également réputés immeubles. Il en était de même des sommes de deniers données par les ascendants à leurs enfants en contemplation de mariage, pour être employés en achat d'héritages. (Art. 93, Cout. de Paris.)

Enfin l'on appelait immeubles par destination ou convention, les meubles ou effets mobiliers, qui, par contrat de mariage, prenaient la nature de propres de communauté.

3o Des biens incorporels. -Parmi les biens incorporels, l'on réputait meubles : 1° les obligations et cédules portant promesse de payer une somme d'argent ou autre chose mobilière, quelle que fût la cause de cette obligation, excepté celles qui étaient faites à un mineur pour soulte de partage ou pour deniers provenant du rachat d'une rente, ou de la vente d'un héritage à lui appartenant; 2° l'action pour dommages et intérêts en cas d'éviction d'un immeuble; 3° l'action de remploi, portée par contrat de mariage, à moins de clause de siens d'estoc, côté et ligne; 4o suivant quelques coutumes, les rentes constituées à prix

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