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DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET

RUE DE VAUGIRARD, 9.

DE

M.-J. CHÉNIER

PRÉCÉDÉES

D'UNE NOTICE ET ACCOMPAGNÉES DE NOTES

PAR M. CH. LABITTE

PROFESSEUR-SUPPLEANT AU COLLEGE DE FRANCE

PARIS

CHARPENTIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR

29, RUE DE SEINE ST-GERMAIN

1844

29184 Prof. de Jumchrast

845
C5

2.1

MARIE-JOSEPH de Chénier, DE CHÉNIER,

SA VIE ET SES ÉCRITS.

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En 1764, l'année même de la naissance de Chénier, Voltaire, alors dans la plénitude de sa gloire et de są dictature, annonçait, par un de ces éclairs soudains que la passion fait éclater au sein du génie, l'imminence d'un grand bouleversement politique. La Révolution était prédite par lui en termes formels ; il écrivait au marquis de Chauvelin : « Ce sera un beau tapage. Les jeunes gens << sont bien heureux; ils verront de belles choses. » On comprend ce regret personnel de Voltaire, et on le partage. C'eût été, en effet, un curieux spectacle que celui de la littérature du xvIIe siècle venant, dans la personne même de son représentant le plus illustre, assister à la fois aux funérailles sanglantes de cette société vieillie qu'elle avait tuée, et au tumultueux avénement de cette société nouvelle qu'elle avait prédite avec pompe. Voltaire devant la Constituante, la cause jugeant l'effet, la pensée ayant conscience qu'elle se fait acte, assurément il y aurait eu là un enseignement profitable. Mais tel n'est point le jeu de l'histoire. Au lieu de ce flambeau de tout à l'heure qui ne versait qu'une lumière éclatante, bientôt vous aurez une torche incendiaire; aussi devra-t-elle passer en d'autres mains: quasi cursores vitaï lampada tradunt. Une génération commence, une autre génération achève: le temps est nécessaire aux grandes tâches.

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Il fallait bien pourtant que le drame sentencieux et la poésie philosophique de l'école voltairienne eussent leur témoin, leur délégué, dans cette révolution dont ils avaient hâté la venue; seulement, au lieu de Voltaire, ce sera Chénier, le disciple à la place du maître. Cela se comprend. Qu'avait été, en effet, l'histoire politique pendant tout le xvIIe siècle, sinon de l'histoire littéraire? Les vrais champs de bataille, c'étaient les livres, et il faudrait être aveugle pour tenir moins de compte de l'Encyclopédie que de Fontenoy. Mais plus tard, au dénouement, lorsque le branle donné par les lettres a mis la société en marche, quand les idées deviennent des faits, l'action, la politique reprennent naturellement leur place, le premier plan. C'est ainsi que, selon le besoin des temps, le génie a ses métempsycoses; les grands hommes alors, ce ne sont plus les poëtes: il fallait des orateurs et des soldats. En ces âges de rénovation, le talent lui-même semble avoir les instincts du génie, s'il n'en a pas la puissance. Pour être le vrai continuateur de Voltaire après 89, on devait l'être ailleurs encore qu'à la scène ; aussi ne faut-il pas s'étonner de trouver à la fois Chénier au Théâtre de la République et à la tribune des Jacobins. Marie-Joseph fut, avant tout, l'homme de son temps; il en eut les goûts, il en accepta les entraînements, l'enthousiasme, les colères. Poëte, vous le voyez aspirer aussitôt à la gloire retentissante de la tragédie politique et philosophique; citoyen, vous le voyez frapper sans pitié par ses votes ces mêmes rois qu'il avait frappés sans pitié dans ses vers. Sans doute les discours de Chénier sont peu de chose, si on pense à Mirabeau, à Vergniaud, à Danton; toutefois il semble que le poëte de la Révolution dut aussi en être un peu l'orateur et l'acteur. Durant tout le xvIe siècle, le théâtre n'avait-il pas été une tribune? la poésie n'avait

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