Entraîné par notre goût pour les choses gaies en fait de mœurs, et aidé par les conseils et la collaboration de plusieurs de nos amis, parmi lesquels nous comptions M. le duc d'Otrante, qui a légué sa savante collection bibliographique à la Bibliothèque Impériale, nous avons publié en 1861, à 300 exemplaires seulement, la première édition du présent ouvrage, édition qui fut épuisée en quelques mois. Cependant, nous ne nous étions pas dissimulé son imperfection; aussi, afin de tâcher de reconnaître la bienveillance du public lettré, et aidé des nouvelles observations et communications qui nous furent faites, nous publiâmes en 1864, une nouvelle édition plus complète que la première (qui n'avait que 298 colonnes de texte), car elle présentait, sans la table, 716 colonnes. Nous ne supposions certainement pas alors devoir mettre au jour plus tard encore une nouvelle édition; tout au plus pensions-nous, à la suite des observations qui pourraient nous être adressées, être amenés à publier un Supplément rectificatif et complétif. Mais les communications des bibliophiles se sont tellement multipliées, et l'ouvrage, épuisé déjà depuis plusieurs années, a été si souvent redemandé que nous nous sommes déterminé, afin d'éviter une contrefaçon belge de la seconde édition, à en entreprendre une troisième qui sera plus que double de la seconde, car elle aura cinq volumes de 450 pages chacun environ, c'est-à-dire, plus de 2250 pages. Cette dernière édition surtout sera principalement dûe au bienveillant concours, aux excellents conseils, avis et renseignements que, sur notre sollicitation, nous avons reçus d'un grand nombre de bibliophiles, quelquesuns très-éminents, et parmi lesquels nous citerons, leur témoignant en même temps toute notre reconnaissance, MM. Ravenel, Richard, Paul Lacroix, conservateurs des bibliothèques de Paris, Vignères, A. Claudin, Potier, Prosper Blanchemain, Ch. Mehl (de Strasbourg), J. Campbell (de Londres), Emil Kuntze (de Naples), et surtout notre excellent ami Philomneste junior. Grâce à l'aide de tous ces vrais amis des livres, nous avons pu ajouter à cette édition plusieurs améliorations importantes et qui lui obtiendront, nous en avons la ferme confiance, l'approbation des bibliophiles, des amateurs et des libraires eux-mêmes qui cette bibliographie sera certainement utile. D'abord, nous avons ajouté aux livres galants et gaillards les grosses facéties pantagruéliques, scatologiques, etc., éliminées presque toutes du Manuel du libraire, bien qu'elles soient, en général, fort recherchées des curieux et qu'on les paye dans les ventes quelquefois des prix fous. Puis, nous avons cité scrupuleusement les sources, les témoignages, et surtout certains catalogues, qui, comme Cigongne, Leber, La Vallière (Nyon), etc., représentent de grandes bibliothèques accessibles aux amateurs (celles du duc d'Aumale, de Rouen, de l'Arsenal). Enfin, nous avons cherché à adoucir, autant que possible, l'aridité d'une énumération de titres, en donnant quelques analyses, quelques citations d'ouvrages peu communs, et en signalant diverses particularités biographiques ou littéraires. Le principal reproche qui ait été adressé à nos deux premières éditions était la difficulté de trouver les articles que l'on cherchait. On nous a conseillé d'adopter, comme M. J.-Ch. Brunet dans le Manuel du libraire, l'ordre alphabétique pour le corps de l'ouvrage, et de réserver le Résumé systématique ou Table méthodique comme Supplément au Dictionnaire bibliographique. Nous nous conformons à ce vou: les cinq premiers volumes parcourront l'ordre alphabétique; le dernier sera classé par ordre de matières, et dans chaque classe les articles seront rangés chronologiquement. Les collectionneurs nous disent encore: « Vous mettez trop d'articles insignifiants, par exemple, les comé dies, les vaudevilles, etc.; alors il faudrait tout prendre et, comme M. de Soleinne, faire une bibliographie dramatique. » — Nous répondons à cela que nous ne faisons pas seulement une bibliographie des articles rares et précieux, mais des ouvrages relatifs à l'amour, etc.; et que, d'un autre côté, bien qu'il y ait un mariage dans presque toutes les pièces, ce n'est pas une raison suffisante pour les admettre toutes! Ainsi la Métromanie, Ruy-Blas ou l'Africaine ont trop peu de rapport à notre sujet pour que nous les citions. D'autres, au contraire, pensent que nous devrions admettre toutes les facéties; mais ce serait agrandir notre cadre, et nous n'avons pas voulu sortir de ce qui se rapporte, au moins indirectement, à l'amour et aux femmes. A notre avis même, tout ce qu'il y a de bon et de vraiment drôle en fait de facéties se trouvera compris dans la présente édition. Castigat ridendo mores. Jusqu'ici nous n'avons parlé que des reproches de nos amis, mais nous avons des ennemis aussi, et même des ennemis passionnés. Le genre même de notre livre leur déplaît. On n'y a pas admis assez de bons ouvrages (1), tandis que, au contraire, il s'y trouve catalogué non-seulement des ouvrages licencieux, mais des pro (1) Ainsi nous n'avons pas admis, par exemple, le Réveillematin des dames, du sieur de la Serre; ni le poëme trop connu par ce vers: Tombe (au lieu de précipite-toi) aux pieds de ce sexe (aux pieds d'un sexe!) à qui tu dois ta mère (et ton père, tu le devrais donc à l'autre sexe ?); ni l'Éducation de ce bel éducateur de filles, comme dit Béranger, M. de Fénélon, etc. ductions réellement abominables. Nous leur avons répondu, dans la préface de notre seconde édition, que ces ouvrages détestables qui représentent les erreurs les plus dangereuses des égoïstes cruels et débauchés, les mettre en lumière, les faire connaître, c'est les démasquer et rendre par là un plus grand service à l'humanité, que de les passer sous silence et de se contenter de les anathématiser avec emphase. Nous leur avons fait observer aussi que, en outre de quelques grandes bibliothèques de premier ordre qui conservent ces sortes de livres devenus ordinairement très-rares, les amateurs qui les recherchent et qui en font collection sont généralement des personnes très-réservées, très-discrètes et de la conduite la plus exemplaire, tandis que, au contraire, les débauchés et les hypocrites les craignent et les éloignent d'eux avec le plus grand soin, et souvent même avec colère. « Pour un esprit chaste, ajoutions-nous, les priapées d'Herculanum n'offrent rien de dangereux, tandis que pour un esprit corrompu, le plus léger sous-entendu, l'allusion la plus gazée équivaut à une obscénité grossière. L'opinion, en France, est sévère pour les productions galantes; elles y ont été souvent défendues et tolérées tour à tour; mais les pays voisins, moins pudibonds, bien que les mœurs soient aussi chastes qu'en France, la Hollande, la Belgique, l'Allemagne, etc., les ont imprimées, et même les vendent d'une manière très-publique. Les questions morales que soulèvent ces productions, sont de la plus haute importance, leur solution est controversée, et b |