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DU

BIBLIOPHILE BELGE.

HISTOIRE

DES BIBLIOTHÈQues et des livRES IMPRIMÉS OU MANUSCRITS.

Coup d'œil sur la bibliothèque royale.

Le temps, qui résout les problèmes les plus insolubles, calme les passions, et dégage la vérité des ténèbres où l'on voudrait la retenir, le temps qui finit par mettre chaque chose à sa place, a été favorable à la Belgique. Sortie d'une crise menaçante, elle s'était montrée aux autres nations, dont elle était connue à peine, sous les apparences d'une irréflexion brutale et d'une frivolité violente. Sa modération, ses immenses travaux, son commerce, ses chemins de fer, et, peutêtre plus que tout cela, ses relations littéraires et scientifiques, ont appris qu'il existait une autre Belgique que celle dont on se faisait une image si peu favorable, une Belgique profondément morale, sensée, industrieuse, intelligente. Il reste sans doute aux étrangers beaucoup à apprendre sur son compte. Son histoire, sa géographie, ses mœurs, ses tendances, ses besoins sont encore une occasion d'erreur, une source de méprises bizarres, un texte de jugements hasardés; mais chaque jour les idées se rectifient à cet égard, et nous trouvons surtout de chaleureux défenseurs dans une contrée où toute manifestation de la pensée et de l'énergie humaine, quel qu'en soit le but, a le pouvoir d'exciter une vive sympathie : je veux dire l'Allemagne. La France qui, pour une génération de Belges tout entière, a été Том. II.

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une seconde patrie, la France vers laquelle nous entraînent nos affections et nos instincts, commence aussi à renoncer à ses dédains superbes. Toutefois, je ne crains pas de l'affirmer, c'est en France que continuent de circuler sur notre pays les notions les moins exactes. Pline le naturaliste a remarqué, il y a des siècles, que la lune, l'astre le plus voisin de nous, est aussi le moins connu (1). Cette remarque est d'une vérité frappante, si on en fait l'application à la Belgique et à la France. Toutefois, je le répète, les barrières s'aplanissent, on vient étudier de près ce qu'on se contentait naguère de juger sur des récits infidèles; on se rapproche, on se tend la main, et bientôt, pour ne parler que de livres et rentrer dans notre sujet, on ne se plaindra plus justement, il faut l'espérer, qu'il soit plus difficile de faire pénétrer en Touraine ou en Languedoc un volume imprimé à Bruxelles, que d'obtenir pour lui des lecteurs à Saint-Pétersbourg.

Au milieu de ce mouvement, la Bibliothèque royale, en se rendant nécessaire, indispensable, est parvenue à établir sa réputation au loin. Tantôt c'est M. Cousin qui recourt à ce dépôt pour compléter ses recherches sur Abailard, c'est M. V. Le Clerc qui y puise des matériaux pour l'histoire littéraire de la France, M. Pardessus pour la collection de chartes et de diplômes commencée par Bréquigny, M. d'Avezac pour l'ancienne géographie, M. Edelestand-du-Méril pour la poésie latine du moyen âge; tantôt c'est M. Jacques Grimm qui le consulte dans l'intérêt de la philologie teutonique, c'est M. Ranke qui le fouille en historien heureusement novateur... Ajoutez à cela des notes, des vérifications, des extraits que demandent sans fin, d'un bout de l'Europe à l'autre et même des autres continents, quantité de personnes vantées pour leur savoir et leur mérite, ou de simples dilettanti qui ne sont pas les plus faciles à satisfaire. De ce concert, de cette correspondance il est résulté l'aveu, consigné dans plusieurs journaux étrangers, que la Bibliothèque royale de Belgique est une des plus importantes du Nord, et ceux qui s'expriment ainsi sont des hommes qui non-seulement ont vu toutes les autres, mais qui les ont mises à contribution.

Cette Bibliothèque, où tout se fait en vue et au su du public, a publié la cinquième partie du catalogue de ses accroissements. Les

(1) Proximum ignorari maxime sidus, II, 6, 9.

imprimés nouvellement acquis étaient parvenus, le 31 décembre 1843, au no 7583, et les manuscrits au no 296. Qu'on parcoure ces inventaires, rédigés de manière à tenir tous ceux qui le souhaitent au courant des ressources que l'établissement peut leur offrir, et l'on s'assurera qu'en s'occupant à compléter le fonds Van Hulthem, on a tâché de suppléer à ce qui manquait au fondateur sous le rapport de l'esprit philosophique. Nous avons compris qu'une bibliothèque nationale avait d'autres obligations à remplir qu'une collection particulière, et que si un individu a le droit de disposer sa propriété selon ses goûts et de suivre jusqu'à ses caprices, il n'en est pas ainsi de celui qui doit tenir compte du goût et des besoins de tous.

Cependant il reste toujours des personnes qui veulent ignorer ce qu'il est si aisé de savoir, et il n'y a que quelques semaines qu'un honorable écrivain se plaignit à moi du dénûment où se trouvait la Bibliothèque en ce qui concerne la linguistique comparée. Quel fut son étonnement lorsque, le catalogue à la main, je lui prouvai que nous possédions précisément tous les ouvrages dont il déplorait l'absence, avec quantité d'autres sur des matières analogues et dont l'existence était pour lui, homme du métier, une révélation imprévue!

Nous ne séparons pas la Bibliothèque royale des progrès de la bibliologie. C'est dans son sein, en effet, qu'a paru cette année le Bulletin du bibliophile belge, recueil sans prétention et qui, quoiqu'il n'ait pu ni voulu s'appuyer sur les coteries ou les partis, a obtenu, dès son début, un succès auquel de pareilles entreprises nous ont peu accoutumés.

Parmi les bibliographes belges qui cette année ont donné signe de vie, je citerai en première ligne M. Ch. Pieters, cet élégant amateur d'Elzevier, dont M. Brunet a signalé la somptueuse brochure sur ces célèbres typographes (1); M. P. Vander Meersch, qui a commencé un travail très-intéressant et nourri de faits sur les imprimeurs belges

(1) Analyse des matériaux les plus utiles, pour de futures annales de l'imprimerie des Elzevier. Gand, Annoot-Braeckman, mars 1843, gr. in-8° de 46 pages, avec deux grands tableaux et deux planches coloriées, dont l'une est lirée sur papier porcelaine, 8 pages de supplément; tiré à 50 exemplaires distribués. Voy. Manuel du libr., 4o éd., v, 801. En cet endroit le nom de M. Pieters est imprimé Peiters.

établis à l'étranger (1); et M. André Warzée qui a entamé, d'une manière aussi amusante qu'instructive, l'histoire des journaux belges (2). Le Messager des sciences historiques de Gand a été favorisé de leurs communications.

M. Henri Helbig, toujours amoureux des impressions de Mayence, a cherché vainement à la Bibliothèque l'ouvrage manuscrit de Servais: Annales typographici Moguntini (3). De notre côté nous avons tiré de la section des manuscrits un mémoire inédit de M. F.-J.-J. Mols, sur l'imprimerie d'Anvers, et nous l'avons inséré dans le Bulletin du bibliophile. M. Bock imprime Sedulius, d'après un manuscrit de

Kuss.

Quant à notre Annuaire, il a continué à être traité avec une bienveillance marquée. M. Auguste Scheler lui a fait de nouveau les honneurs du Serapeum, avec cette politesse si bien séante à un talent qui aurait le droit d'être sévère, et M. E. Fétis n'a pas été moins courtois dans le feuilleton de l'Indépendance (4).

Cet Annuaire, tout médiocre qu'il est, fera naitre probablement de bons ouvrages; c'est un père, au surplus, qui sera charmé d'être effacé par ses fils. Mon honorable ami le conseiller C. K. Falkenstein (5), premier bibliothécaire de la bibliothèque royale de Dresde, m'écrit qu'il a l'intention de publier également chaque année un volume relatif à l'établissement qu'il dirige. Quant à la bibliothèque impériale de Vienne, elle semble avoir ajourné son premier projet. Voyons maintenant ce qui concerne la nôtre.

(1) Recherches sur la vie et les travaux de quelques imprimeurs belges établis à l'étranger pendant les XVe et XVIe siècles: 1o Gerardus de Lisa de Flandria, imprimeur à Trévise, Vicence, Venise, Frioul et Udine, de 1471 à 1499; 1814, in-8 de 70 pages; 20 Antonius Mathias d'Anvers, imprimeur à Mondovi, en Piémont, de 1472 à 1473; in-8o de 84 pages.

(2) Essai historique et critique sur les journaux belges. Journaux politiques, 1re partie. Gand, Hebbelynck, 1844, in-8° de 131 pages.

(3) Ceci doit servir de correctif à ce qui concerne M. Helbig, p. 26 du volume

de 1844.

(4) 17 janvier 1844.

(5) Comme il faut être exact, je ferai observer qu'on a imprimé ailleurs Falckenstein.

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