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>>tient en ces pays. Qui la verroit aussi, après avoir payé à Dieu sa >> debte ordinaire et fait sa tasche journalière (qui sont sa dévotion et >> exercices de piété) occupée à œuvre manuelle en une compagnie de » dames et de filles très-chastes et pudicques, vacantes à coudre, broder, tapisser, en pourroit faire un jugement bien cornu, la blasoner et encoulper de méchanicqueté ou de sordivité; comme » faisant d'exercice indigne du rang qu'elle tient et de sa grande no» blesse. Mais tels indiscrets contreroolleurs et censeurs seroient » bien tost desmentis par tant de gens sages, qui vous honorent » pour un singulier ornement du pays, pour l'honneur de votre » sexe, et le vray parangon des dames.... tant d'hospitaux, monas» tères souffreteux, pauvres vefves, orphelins, prisonniers, escolliers, qui (que) consolés, entretenés et nourrissés par voz grandes largesses et aumosnes, donnent assez à entendre que tels exercices » vostres et de vos filles n'arguent aucune méchanicqueté, ains bien pratiqués le commandement du père S. Hiérosme il ne faut pas » pourtant (dit-il) que tu cesses d'ouvrer, parce que par la grâce de » Dieu tu n'as disette de rien, mais pourtant te faut-il travailler avec >> toutes les autres, afin que par occasion du labeur tu ne penses à » autre chose qu'à ce qui appartient au service de Dieu. »

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Jean-Baptiste de Glen date cette épître dédicatoire, en l'adressant à Anne de Croy, de vostre petit convent des Augustins lez-Liége, ce qui ferait croire que cette dame en était, sinon la fondatrice, la bienfaitrice au moins.

Dans un avertissement aux lecteurs, il nous informe qu'ayant achevé de prêcher l'avent, en l'église de Notre-Dame à Tournay, et se préparant aux labeurs du carême suivant, il fut requis par lettres importunes de son frère Jean, de lui bastir quelque sujet ou discours propre pour joindre avec ses pourtraits d'ouvrages de lingerie qu'il voulait mettre en lumière. Que fut cause que ce peu de temps, d'entre Noël et la quaresme (sic) y fut employé, et il eut à grande peine le loisir de le relire après Pasque, avant que de le mettre sur la presse. On aurait pu répondre au bon prieur, avec le Misanthrope, que le temps ne fait rien à l'affaire, et qu'une œuvre littéraire se juge en elle-même et non par le temps qu'elle a coûté. Toutefois la rapidité du travail, la promptitude de l'exécution, la vélocité de la pensée sont aussi des signes de force et de talent, et l'on est un peu revenu de ces génies

qui avaient besoin pour élaborer une idée d'autant d'années qu'on en mit à prendre la fameuse Troie : nonumque prematur in annum.

Le traité du devoir des filles est divisé en deux parties, partagées chacune en quatorze chapitres. La première considère la femme comme se destinant au mariage, la seconde comme vouée à la virginité. En bien des points le traité ressemble aux maximes qu'Arnolphe débite à son Agnès, dans l'École des Femmes, mais il n'est pas aussi amusant. La morale de Jean-Baptiste de Glen est réservée, sage, un peu sévère, sans aucune de ces subtilités matrimoniales où se délectait la prodigieuse pénétration casuistique des pères Sanchez et Diana. Il la corrobore de quelques exemples, malheureusement trop connus pour piquer la curiosité. Je me bornerai à citer celui-ci, qui ne déplaira pas probablement à des bibliophiles (p. 19):

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« L. Vivès, en son livre de femina Christiana, raconte que se » retroméant (J.-B. de Glen aime les latinismes à la manière de Montaigne) en la ville de Paris, avec le docte personnage Budeus, une » fort honeste et belle damoiselle les rencontrant en la rue, leur feit » l'honneur et révérence, et là dessus leddit Vivès s'enquit qui estoit » ceste damoiselle tant courtoise et gracieuse : « C'est ma femme, >>dict lors Budeus, laquelle, entre beaucoup d'autres perfections » dont elle est ornée, sçait si bien condescendre et s'attemparer à mes humeurs et affections, qu'elle ayme tout ce que j'ayme: et » parce qu'elle me voit aymer les livres, elle en est autant jalouse » et curieuse pour les garder, épouseter el entretenir que moy

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L'état de virginité paraît, comme de juste, à l'augustin, supérieur à celui de mariage, et il donne des conseils pour le défendre vaillamment : « La chasteté, dit-il (p. 111), est une place assiégée et qui a des ennemies dedans et dehors: au dedans est la chair, vray cloasque de toute ordure, fournaise ardente de toute concuspicence, vrayé maquerelle, ingénieuse ouvrière de toutes souillures et turpitudes; laquelle seule livre à la chasteté plus d'assauts et dresse une plus furieuse batterie que tous les autres ennemis ensem» ble, etc.

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Nous ne suivrons pas le P. J.-B. de Glen dans son système de fortification et de défense. Nous dirons seulement qu'il a été approuvé

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par le chanoine Jean Chapeaville, qu'on a eu tort d'appeler Chapeauville.

Aux devoirs des filles succèdent les pourtraicts pour toute sorte de lingerie. Après le titre sont deux pages offrant les armes de Billehé et de Perez, attendu que Jean de Glen dédie les patrons à madame Loyse de Perez, espouse à M. Charles de Billehé, chevalier et conseiller de monseigneur le sérénissisme électeur de Coloigne, évesque et prince de Liége, etc. On sait que la famille de Billehé s'est fondue récemment dans une branche de celle de Vilain XIIII.

Jean de Glen était un autre homme que son frère. Il avait une capacité plus vaste et plus nette, un style plus franc, plus vif, plus coloré. « Quant est de moy, écrit-il, pour en parler rondement et dire ce qui en est, j'ai passé tout mon bas aage hors de la maison pa. » ternelle, loin de ma patrie ; j'ai traversé toute la France et l'Italie; »et outre j'ay fréquenté les villes plus fameuses et célèbres et jaçoit qu'en plusieurs destroicts et inopinés accidens j'aye sentye une spéciale grâce de mon Dieu (dont aussi en remercie sa bonté de » tout mon cœur), si ne me connois-je pas rapporter rien de toutes ces >> choses cy-dessus mentionnées : mais bien ay-je faict quelque petit proufit en cest art, dont je fais profession. En quoy ayant faicte ma petite emplette après ceste ennuyeuse et laborieuse navigation, je suis venu surgir et jetter l'ancre de repos, ployer mes voiles et cordages, à un des plus beaux ports de ces Pays-Bas, au moins le » plus à l'abry de tous vents et orages de guerres civiles: je dis ceste » belle et fameuse cité de Liége, ville capital du pays, plaisant et gra» tieux séjour d'un clergé très-nombreux, demeure agréable et do» micile de tant d'hommes de lettres et d'honneur, asyle et franchise » très-asseurés de tant de personnages de vertus, réfugiés et retirés » du feu d'hérésies et des guerres civiles; en somme, retraicte de » toutes récréations, honnestetés, libertés et franchises. Ici m'a ra» mené non la riche chevance de science, non les grandes richesses, non les ornements rares de l'âme, qui rescommandent l'homme et » le mettent en vogue; mais l'amour de ma patrie, ce comme parle >> Homère de son Ulysses, le désir d'en revoir encore la fumée. »

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Jean de Glen, pour rattacher ses gravures au sujet traité par son frère, fait ensuite une courte exhortation et brief formulaire de passer et employer salutairement la journée, tant pour l'âme que pour le corps.

Ces cinq pages semblent être tombées de la plume de l'Augustin. Celle

qui vient après est remplie par un sonnet à Madame :

L'un s'efforce à gaigner le cœur des grands seigneurs,

L'autre désire avoir une exquise richesse,

L'un aspire aux estats, pour monter en altesse,

Et l'autre par la guerre allèche les honneurs.

Quant à moy, seulement pour chasser les langueurs,
Je me sens satisfaict de vivre en petitesse,
Et de faire si bien qu'aux dames je délaisse
Quelque contentement en mes petits labeurs.

Preez doncques en grès (Madame), je vous prie,
Ces pourtrais ouvragez, lesquels je vous dédie,
Pour tromper vos ennuys et l'esprit employer.

En ceste nouveauté, pourez beaucoup apprendre,
Et maîtresse en la fin en cest œuvre vous rendre,
Le travail est plaisant, si grand est le loyer.

Les planches gravées en blanc sur fonds noir sont des modèles de broderies et même de dentelles, à en juger par le dessin. Les dentelles étaient alors une nouveauté dont j'ai parlé ailleurs (1).

Le nombre de ces planches, qu'un fréquent usage a dû singulièrement compromettre, varie ordinairement suivant les exemplaires; voilà pourquoi M. Arthur Dinaux, ce connaisseur si fin et si exercé, n'en a compté que 12; il y en a 20 dans l'exemplaire de M. L. (2).

Au reste, ces deux ouvrages peuvent être à juste titre rangés parmi les raretés bibliographiques. Je n'ai fait que mentionner vaguement le second dans le mémoire indiqué en note; Paquot ne les avait certainement pas vus, car il signale très-incomplétement le titre du premier, et M. de Villenfagne, qui s'était occupé des frères de Glen, avait avoué à M. Van Hulthem qu'il n'avait jamais rencontré celle de leurs productions dont nous venons de parler (3).

(1) Mémoire sur l'état de la population, des fabriques et manufactures et du commerce, dans les provinces des Pays-Bas, pendant les XV et XVIe siècles. Brux., 1822, in-4o, p. 94.

(2) Voy plus bas, Revue bibliographique, p. 350.

(3) Paquot, Mémoires in-fol., II, 214, 216. De Villenfague, Mélang. de litt. et d'hist. Liége, 1788, in-8°, p. 171 et suiv.; Recherches de l'hist. de Liége. Liége, 1817, t. II, pp. 471-520.

L'exemplaire de la bibliothèque royale (cat. V. H., no 4543 (1) ), est bien conservé, malgré de petites taches; il est doré sur tranche et relié en parchemin avec filets et fleurons d'or. D'un côté sur le plat on lit ces mots : TOUT A SOUHAIT. A.-S. et de l'autre : IAttent la fortune. m. d. v. Celui qui avait adopté cette devise attend peutêtre encore dans son cercueil la fortune capricieuse : c'est le lot des trois quarts du genre humain, et De Glen lui-même, malgré son mérite, a pu en faire l'expérience. DE RG.

Les anciens manuscrits aztèques ou mexicains.

Soyez tranquilles ; à propos du Mexique je ne viens point vous entretenir de Santa-Anna, ce héros fanfaron, pillard et lâche, ni de ces tristes républiques de l'Amérique du Sud, sans lois, sans moralité, sans population, sans instruction, sans industrie et sans commerce. Nous ne franchirons pas les limites de notre domaine, en nous autorisant de tant de glorieux exemples, pour nous mêler avec autorité de ce qui ne nous regarde pas. C'est à la bibliologie que nous restons fidèles, quoiqu'elle ne donne ni pensions ni faveurs; cet attachement désintéressé pourra paraître ridicule, mais aucun calcul n'a jamais dirigé nos affections. Causons en conséquence de bibliologie.

On sait qu'à considérer les choses de la manière la plus générale, il existe trois systèmes graphiques : l'écriture figurative, l'écriture symbolique et l'écriture phonétique. Les Aztèques, qui se servaient d'hieroglyphes, comme les Égyptiens, connaissaient ces trois systèmes, mais tandis que les Égyptiens préféraient les caractères phonétiques, les Aztèques employaient plus volontiers des signes figurés ; ils étaient au pied de l'échelle, les Égyptiens au sommet.

Dans les derniers temps, il est vrai, les Aztèques employaient des signes phonétiques, mais ils en bornaient généralement l'emploi aux

(1) Cf. nos 1786, 9083, 9628, 15595.

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