Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

§. 29.

De la juridiction criminelle à exercer par le ministre sur les personnes de sa suite.

En tant que l'on accorde pour les personnes de la suite du ministre l'immunité de la juridiction du pays, c'est aux deux cours de déterminer, jusqu'à quel point le ministre peut exercer lui-même une juridiction sur ses gens, et dans quel cas il doit les renvoyer aux autorités compétentes de son gouvernement1). Tous les ministres prétendent à la juri– diction civile sur les gens de leur suite. On l'accorde généralement aux ambassadeurs et aux nonces du pape; quelquefois aussi aux ministres de seconde classe. Quant à ceux de troisième classe, tout en leur accordant une autorité plus étendue sur leurs gens, qu'on ne l'accorderait à tout autre particulier, elle est cependant très-limitée, surtout dans les grandes cours2).

1) Tous les chefs de mission envoyés à Constantinople, jouissent d'une juridiction criminelle plus étendue que celle qu'on leur accorde dans les autres cours; aussi la Porte exige-t-elle que les ambassadeurs qu'elle envoie en Europe, jouissent sur les gens de lear suite d'une juridiction bien moins limitée encore.

2) L'acte du parlement d'Angleterre de 1708, et l'ordonnance publiée à Lisbonne, en 1748, la précisent. On trouve aussi dans le traité de Kainardgi, de 1774, art. 6, une disposition particulière touchant la punition des crimes et délits commis en pays étrangers; voyez, DE MARTENS, Recueil des traités, T. 4, p. 615.— Il y a des gouvernemens qui ne livrent jamais leurs sujets pour être jugés par les tribunaux étrangers; voyez par ex. les lois rendues à cet égard en Prusse, en 1820.

Quant aux délits commis par les gens du ministre, soit dans son hôtel, soit au-dehors, les puissances chrétiennes n'accordent plus aujourd'hui à leurs agens diplomatiques, pas même à ceux de première classe, le droit d'exercer sur les coupables tous les actes de la juridiction criminelle.

Pour bien juger la question de droit, sur la compétence réciproque de l'autorité du pays et de celle du gouvernement duquel dépend le ministre, il faut distinguer les deux cas suivans: lorsque le crime a été commis par un sujet du gouvernement auprès duquel celui-ci est accrédité, le prévenu a le droit d'être jugé par les autorités du pays; mais lorsque le crime a été commis sur un sujet du pays, par des personnes appartenant à la suite du ministre, il faut distinguer entre ces prévenus, ceux qui jouissent du privilège de ne pouvoir être traduits que devant leurs juges naturels, de ceux qui, quoique appartenant à la suite du ministre, ne peuvent se prévaloir d'une immunité, laquelle, réservée uniquement aux employés du gouvernement, ne s'étend pas aux individus attachés à la personne du ministre pour son service particulier1).

1) Selon BYNKERSHOEK il semblerait indifférent que le prévenu soit sujet ou non du gouvernement près duquel le ministre réside; voyez, son Juge compétent, etc., chap. 15 et 20. La distinction que l'on fit en 1791, à ce sujet à Munich, semble selon l'opinion de M. DE MARTENS, ne point être admissible; voyez, son Précis du droit des gens, p. 330. Il s'agissait du chasseur du comte de Brühl, ministre de Prusse à Munich, qui s'était suicidé dans une auberge. Le ministre demanda l'extradition du cadavre; le gouvernement bavarois s'y refusa, en alléguant qu'il fallait distinguer la suite proprement dite d'un ministre, d'avec les gens qui lui étaient simplement

[ocr errors]

Ainsi, lorsque les prévenus d'un crime ne sont ttachés qu'au service personnel du ministre, ils ne peuvent être soustraits à la juridiction des autorités ocales, et le ministre est tenu de les livrer. Si, au contraire, les prévenus sont, par la nature de leurs fonctions, attachés à la mission même, ils cessent d'être justiciables des autorités locales, et doivent être traduits devant leurs juges naturels. Néanmoins, si, dans ce cas, il n'appartient pas aux tribunaux du pays où le délit a été commis, de prononcer un jugement contre les prévenus, la procédure n'en doit pas moins être instruite par eux. Aucun privilège ne saurait dépouiller la partie offensée et plaignante, du droit de faire procéder aux informations sur les lieux, par les autorités locales auxquelles la loi commune en défère le pouvoir.

Ces autorités pourront donc faire comparaître devant elles toutes les personnes dont les déclarations ou les dépositions seraient nécessaires à l'enquête, tant que ces actes ne compromettront pas d'une manière réelle et non fictive les intérêts politiques

attachés, tels que les officiers de sa maison et les laquais, sur lesquels la juridiction appartenait au gouvernement bavarois; voyez, le Journal polit. de 1791, p. 322. En 1812, le chasseur du ministre de Bavière à Berlin, ayant assassiné un laquais du même ministre, mais hors de l'hôtel de la légation, et le ministre ayant fait arrêter l'assassin dans son hôtel, le gouvernement prussien abandonna l'information et la punition de ce chasseur à l'autorité bavaroise, attendu que le criminel n'était point sujet prussien; le coupable fut conduit à Munich sous escorte militaire bavaroise, et le magistrat de la ville de Berlin se borna seulement à ordonner la visite légale du cadavre et l'audition des témoins,

« VorigeDoorgaan »