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érudition bizarre et trop peu étayée d'autorités à établir des idées plus bizarres encore (1), avoit avancé, mais sans en donner aucune preuve, que tous ces Dragons n'étoient qu'un emblême solaire. Il vous appartenoit, Monsieur, de démontrer que les monstres qui ont jadis ravagé tant de contrées et n'ont pu être détruits que par l'intervention miraculeuse d'un être surnaturel, se rapportent aux thêmes astronomiques de Persée, libérateur d'Andromède menacée par une baleine, d'Orion, vainqueur du serpent; emblêmes euxmêmes de la victoire du soleil du printemps sur l'hiver, de la lumière sur les ténèbres; et, en laissant tomber tous les voiles allégoriques, de la vertu sur le vice, du principe bienfaisant sur le principe du mal.

N'étant pas sur le chemin de cette solution heureuse, je me bornois à recueillir les faits analogues, et à assigner la variation que le temps a fait éprouver à leur application et à leur explication. Si les renseignemens que j'ai réunis n'occupoient point un espace trop considérable, ils mériteroient peut-être de former une note à la suite de votre excellent Mémoire.

(1) Lettre du Muphti de Constantinople, etc. In-8.. Paris, chez Desenne; an II [1793], pag. 97.

§. I...

Dragons détruits par un être miraculeux le fait étant admis dans le sens propre des mots.

Comme vous le remarquez, Monsieur, Saint Michel, Sainte Marguerite, Saint Georges, tous trois vainqueurs d'un dragon infernal, appartiennent à des temps que la chronologie ne prétend point fixer. Les autres Saints qui ont partagé l'honneur d'un semblable triomphe, ont presque tous, comme nous le verrons, brillé sur la terre au premier siécle de notre ère, et de la fin du quatrième au commencement du huitième. Leurs biographes, qui longtemps ont fait autorité, ne révoquoient point en doute cette victoire. L'un d'eux, par exemple, en parlant du serpent dont triompha Saint Marcel, entre dans un détail qui prouve que le fait ne lui paroît pas incertain. « Ce serpent, dit-il, parut «<< hors de la ville, près du tombeau d'une « femme de qualité qui avoit vécu dans le « désordre (2). » Voilà une circonstance qui rappelle l'énorme serpent trouvé dans le

(2) Les Vies des Saints pour tous les jours de l'année. 2 vol. in-4.°. Paris, 1734. Tome II, pag. 84, Vie de Saint Marcel, 3 novembre. On croit que Saint Marcel occupa le siége épiscopal de Paris, vers la fin du quatrième siècle.

tombeau de Charles Martel (3), de ce guerrier qui sauva la France et peut-être l'Europe entière du joug des Musulmans, mais qui, ainsi que d'autres grands hommes, eut le malheur de déplaire aux moines.

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Mézerai, en rapportant ce dernier fait, ne paroît pas convaincu de, son exactitude; et le biographe cité avoue lui-même que la vie de Saint Marcel fut écrite quelque temps après sa mort, et que l'auteur « n'eut d'autres « mémoires que la tradition populaire. »

Le sens naturel paroissant trop difficile à défendre, il fallut chercher un sens allégorique à ces légendes multipliées, et presque partout identiques.

S. II.

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Dragons considérés comme l'emblême des ravages produits par des rivières débordées.

Saint Romain, en 620 (ou 628), délivra la ville de Rouen d'un Dragon monstrueux. « Ce miracle, est-il dit dans une Disserta«tion sur le miracle de Saint Romain et « la Gargouille, n'est que l'emblême d'un << autre miracle de Saint Romain qui fit ren

(3) MÉZERAI. Abrégé chronologique de l'Histoire de France. 3 vol. in-4.o; tome I, pag. 71. Année 741.

❝trer dans son lit, la Seine qui étoit dé<«< bordée et qui alloit inonder la ville. Le « nom donné par le peuple à ce serpent fa «buleux en est lui-même une preuve : Gar<< gouille vient de gurges, etc. (4). »

A l'appui de son opinion, l'auteur cite cette strophe d'un hymne de Santeuil :

« Tangit exundans aqua civitatem ;
« Voce Romanus jubet efficaci ;
« Audiunt fluctus, docilisque cedit
« Unda jubenti. »

Il observe enfin qu'une institution semblable à celle qui rappeloit à Rouen le souvenir de ce prodige, étoit établie à Orléans, ville fréquemment exposée aux, ravages des eaux qui baignent et fécondent son territoire.

Il auroit pu citer un plus grand nombre de traditions propres à étayer son système. L'île de Batz, près Saint-Pol de Léon, étoit désolée par un serpent monstrueux. Saint Pol, mort en 594, précipita le monstre dans la mer, par la vertu de son étole et de son bâton. Dans cette expédition, il s'étoit fait accompagner d'un jeune gentilhomme, comme Saint Romain d'un criminel.

(4) Histoire de la ville de Rouen, par S...., avocat. 1775. 2 vol. in-12. Tom. II, pag. 147.

Cambry, qui rapporte cette tradition (5). nous apprend que la seule fontaine qui existe dans l'île de Batz est alternativement couverte et découverte par le flux et reflux de la

mer.

Il raconte plus bas que « près du château << de la roche Maurice, près de l'ancienne << rivière de Dordoun, un Dragon dévoroit « les hommes et les animaux (6). »

Il semble assez naturel de voir dans ces deux récits, l'emblême des ravages de la mer et de ceux de la rivière de Dordoun.

Saint Julien, premier évêque du Mans, en 95, détruit un Dragon horrible qui avoit pour retraite un temple de Jupiter, au village d'Artins, près de Montoire (7). Ce Dragon, dans le système que nous discutons, retracera les débordemens du Loir qui coule dans le voisinage. Ils seront aussi figurés par le Dragon de neuf ou dix toises de long que Saint Bié ou Bienheuré vainquit près de Vendôme, au cinquième siècle (8); comme

(5) CAMBRY. Voyage dans le département du Finistère. 3 vol. in-8.". Tom. I, pages 147, 148. (6) Ibid., pag. 137.

(7) MORERI, article Saint Julien, M. DUCHEMIN LACHENAYE donne, au théâtre de cette victoire, le nom de la Roche-Turpin. Mémoires de l'Académie Celtique, tome IV, pag. 311.

(8) M. DUCHEMIN LACHENAYE, ibid., pag. 308..

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