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<< Mes amis, je vous souhaite toute espèce de bonheur « ici-bas et plus haut. Ceci est pour vous faire savoir

«

qu'il a plu à Dieu, dans sa providence, de vous met« tre dans mon lot, de vous confier à mon soin. C'est « une affaire que jusqu'à présent je n'ai point entre«prise, mais Dieu m'a donné la conscience de mon << devoir et un esprit honnête pour agir droitement.

« J'espère que vous ne serez point contrariés par ce « changement et par le choix du roi, car vous voici << maintenant solidement établis, et non pas à la merci « d'un gouverneur qui vient pour faire grande for

« tune.

« Vous serez gouvernés par les lois que vous ferez « vous-mêmes; vous vivrez libres, et, si vous voulez, « comme une nation sage et industrieuse. Je n'usur« perai aucun droit, et n'opprimerai personne; Dieu « m'a inspiré une meilleure résolution et m'a donné sa « grâce pour l'exécuter.

«En somme, je me prêterai cordialement à tout ce « qu'un homme sage et libre peut raisonnablement « désirer pour sa sûreté et son bonheur. Je prie Dieu « de vous diriger dans la voie de la justice, pour que « vous prospériez, et vos enfants après vous.

« Je suis votre véritable ami.

<< Londres, le 8 du mois d'avril 1681. »

« WILLIAM PENN.

Toutes ces promesses devaient être fidèlement tenues.

L'enthousiasme, déjà grand pour la personne de

Penn, fut au comble à son arrivée en Amérique. On le reçut avec les honneurs qu'on eût rendus à un roi, et il est de fait qu'il méritait la reconnaissance qu'on lui témoignait, car il avait permis à tout pauvre émigrant de s'établir sur ses terres. Il n'exigea aucune compensation pour lui-même et promit, en outre, d'assurer à tous leur entière liberté de parole et de conscience. Lorsque Penn descendit à terre, la population, composée de Suédois, d'Anglais et de Hollandais, se porta à sa rencontre, et on donna lecture devant elle des actes signés du roi; puis, s'adressant au peuple, Penn, le « roi-quaker, » comme on l'appelait quelquefois, répéta avec un accent sincère les engagements qu'il avait pris dans sa lettre du mois d'avril.

En 1683, Penn acheta le terrain où il désirait fonder sa principale ville, à quelques Suédois qui l'avaient eux-mêmes obtenu des Indiens. Il lui donna le nom de Philadelphie (ce qui veut dire amour fraternel), et en traça le plan suivant celui de la vieille cité de Babylone.

Au début, la nouvelle ville de Philadelphie n'eut que quatre ou cinq petites chaumières, mais au bout de la première année on y pouvait compter une centaine de maisons, et en trois ans elle prit plus d'importance que New-York n'en avait acquis en cinquante ans. Toutefois cette dernière a depuis longtemps regagné sa supériorité sur Philadelphie, à cause des avantages que lui donne, pour le commerce, sa situation géographique.

Il semble que la seule préoccupation de Penn ait été de rendre sa colonie aussi heureuse que possible. Il assista, avant de retourner en Angleterre, à un grand conseil des chefs indiens, tenu sous un vieil orme, à Shackamaxon, et dans l'allocution qu'il prononça à cette occasion, il leur dit : « Nous sommes « ici, vous et nous, sur le large sentier de la bonne « foi et de la bonne volonté; aucun avantage ne doit « être pris par l'un sur l'autre. Je ne comparerai pas « notre amitié à une chaîne, parce que les anneaux « peuvent se rouiller, et qu'un arbre, en tombant, peut la rompre, mais nous sommes les deux parties « d'un même corps; nous sommes faits de la même « chair et du même sang. D

Les Indiens, touchés par ces douces paroles, lui répondirent : « Nous vivrons en paix et en amitié avec << Penn et ses enfants tant que le soleil et la lune lui

«ront. »

Ce traité ne fut point écrit; les Indiens en conservèrent le souvenir par des chapelets de wampum 1, et Penn aimait à en parler, disant que c'était le premier traité auquel on n'eût point juré fidélité et qui ait été aussi fidèlement observé, car, dans les guerres que les Indiens eurent si fréquemment avec les colonies européennes, ils ne versèrent jamais une goutte de sang d'un quaker.

Penn retourna alors en Angleterre, après un séjour

1 Coquillages qui leur servaient de monnaie.

de près de deux ans en Amérique. Pendant son absence, la colonie se gouverna elle-même, en choisissant ses magistrats, et en votant ses lois. Il n'y eut aucune taxe en faveur des pauvres, parce qu'aucune n'était nécessaire. Les témoins en justice n'étaient point forcés de prêter serment, et tout homme payant les impôts qui avaient été acceptés par tous avait le droit de voter sans avoir à rendre compte ni de sa nationalité, ni de ses croyances religieuses.

Après quinze années d'absence, Penn revint à la colonie avec sa famille pour y vivre le restant de ses jours, mais il la trouva bien changée. Quoiqu'il demeurât très-populaire et chéri par son peuple qui se rappelait la générosité dont il avait fait preuve en abandonnant entièrement aux premiers colons la terre qui lui avait été donnée, il ne put faire cesser les dissensions et les conflits qui avaient pris naissance depuis son départ. Il fut aussi vivement contrarié par les réclamations des trois colonies qui s'étaient établies sur les rives du Delaware. Elles se comparaient avec regret aux autres colonies, où chaque fermier possédait, en toute propriété, les terres qu'il cultivait, et en définitive, voulant se séparer de la colonie-mère, elles demandèrent un gouvernement pour elles seules. Penn acquiesça à cette demande, en leur envoyant un gouverneur, et en leur accordant le droit d'élire une assemblée; mais ces colonies restèrent sous l'autorité suprême du gouvernement de la Pennsylvanie jusqu'à la révolution. Enfin, les colons de la Pennsylvanie

cherchèrent à éluder les taxes que Penn, pour se faire rembourser de ses dépenses, avait établies sur eux et affaiblirent ainsi l'autorité de leur bienfaiteur. Amèrement désabusé sur la reconnaissance qu'il avait espérée des habitants de sa colonie, Penn retourna en Angleterre, où il mourut dans l'obscurité et la misère.

En 1767, la ligne de démarcation entre les deux colonies de Pennsylvanie et de Maryland, qui avait toujours été incertaine et avait donné lieu à des disputes que chaque colonie, se croyant spoliée dans ses intérêts et dans l'étendue de son territoire, arrosait de son sang, fut enfin fixée par les inspecteurs Mason et Dixon qui lui laissèrent leurs noms. Pendant de longues années, cette ligne de démarcation eut une grande importance, parce qu'elle divisait les États de l'Union, où l'esclavage était admis, des autres États qui en réclamaient l'abolition.

Au moment de la mort de William Penn, Philadelphie était devenue ce qu'on peut appeler une « jolie ville de province, c'était à cela d'ailleurs » que s'était bornée toute l'ambition de son fondateur. Les maisons étaient généralement construites en pierres ou en briques, et chacune avait un petit jardin ou verger. Un voyageur allemand raconta, en 1748, que les pêches étaient en si grande quantité dans les environs de la ville qu'on avait pris l'habitude d'en donner aux pourceaux, et il faisait cette comparaison qu'en Europe on gardait avec plus de soin les navets ou les betteraves que les fruits les plus délicats à Philadelphie.

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