de près de deux ans en Amérique. Pendant son absence, la colonie se gouverna elle-même, en choisissant ses magistrats, et en votant ses lois. Il n'y eut aucune taxe en faveur des pauvres, parce qu'aucune n'était nécessaire. Les témoins en justice n'étaient point forcés de prêter serment, et tout homme payant les impôts qui avaient été acceptés par tous avait le droit de voter sans avoir à rendre compte ni de sa nationalité, ni de ses croyances religieuses. Après quinze années d'absence, Penn revint à la colonie avec sa famille pour y vivre le restant de ses jours, mais il la trouva bien changée. Quoiqu'il demeurât très-populaire et chéri par son peuple qui se rappelait la générosité dont il avait fait preuve en abandonnant entièrement aux premiers colons la terre qui lui avait été donnée, il ne put faire cesser les dissensions et les conflits qui avaient pris naissance depuis son départ. Il fut aussi vivement contrarié par les réclamations des trois colonies qui s'étaient établies sur les rives du Delaware. Elles se comparaient avec regret aux autres colonies, où chaque fermier possédait, en toute propriété, les terres qu'il cultivait, et en définitive, voulant se séparer de la colonie-mère, elles demandèrent un gouvernement pour elles seules. Penn acquiesça à cette demande, en leur envoyant un gouverneur, et en leur accordant le droit d'élire une assemblée; mais ces colonies restèrent sous l'autorité suprême du gouvernement de la Pennsylvanie jusqu'à la révolution. Enfin, les colons de la Pennsylvanie cherchèrent à éluder les taxes que Penn, pour se faire rembourser de ses dépenses, avait établies sur eux et affaiblirent ainsi l'autorité de leur bienfaiteur. Amèrement désabusé sur la reconnaissance qu'il avait espérée des habitants de sa colonie, Penn retourna en Angleterre, où il mourut dans l'obscurité et la misère. En 1767, la ligne de démarcation entre les deux colonies de Pennsylvanie et de Maryland, qui avait toujours été incertaine et avait donné lieu à des disputes que chaque colonie, se croyant spoliée dans ses intérêts et dans l'étendue de son territoire, arrosait de son sang, fut enfin fixée par les inspecteurs Mason et Dixon qui lui laissèrent leurs noms. Pendant de longues années, cette ligne de démarcation eut une grande importance, parce qu'elle divisait les États de l'Union, où l'esclavage était admis, des autres États qui en réclamaient l'abolition. Au moment de la mort de William Penn, Philadelphie était devenue ce qu'on peut appeler une « jolie ville de province, » c'était à cela d'ailleurs que s'était bornée toute l'ambition de son fondateur. Les maisons étaient généralement construites en pierres ou en briques, et chacune avait un petit jardin ou verger. Un voyageur allemand raconta, en 1748, que les pêches étaient en si grande quantité dans les environs de la ville qu'on avait pris l'habitude d'en donner aux pourceaux, et il faisait cette comparaison qu'en Europe on gardait avec plus de soin les navets ou les betteraves que les fruits les plus délicats à Philadelphie. Quoiqu'en ces jours l'abondance fût extrême, puisqu’un Philadelphien, dit ce voyageur, aurait pu vivre comme un roi sans sortir de sa maison, néanmoins les habitudes et l'installation générale restaient primitives : les rues n'avaient pas encore de trottoirs et n'étaient même pas pavées. Dans les commencements, William Penn, trouvant, d'après ses principes religieux, que toute représentation théâtrale était mauvaise et contraire au maintien des bonnes meurs, avait interdit le théâtre dans sa colonie, mais lorsqu'il fut mort, les habitants recherchèrent les amusements dont ils avaient été privés : une école de danse et un bal public furent organisés, ainsi que des courses et une meute pour la chasse. Pendant longtemps la Pennsylvanie jouit d'une prospérité plus grande qu'aucune autre colonie. La majeure partie des émigrants arrivant en Amérique venaient directement à Philadelphie, et se fixaient dans la ville ou dans l'un des villages qui en dépendaient. Il a été établi qu'en une seule année 12,000 Allemands vinrent ainsi grossir la population, mais l'élément qui dominait était l'élément anglais et les deux tiers des habitants étaient quakers. > CHAPITRE XII Fondation de la colonie de Virginie. Le capitaine John Smith; ses nombreuses aventures. Il est nommé président de la colonie. Manière dont il l'organise; son appréciation sur ses compagnons. Il est fait prisonnier par les Indiens. Ceux-ci le regardent comme un demi-dieu. Il est condamné à mort, puis sauvé par la fille du chef, qui épouse un des colons. La première charte de la colonie lui est retirée ; mécontentement de la population. Smith part pour l'Angleterre. Situation critique des colons. Ils décident de retourner dans leur patrie; arrivée d'un vaisseau envoyé par la Compagnie de Londres. Second remaniement de la charte. Prospérité générale qui s'ensuit. Le tabac employé comme monnaie courante. Restrictions apportées au commerce de la colonie. Introduction de l'esclavage; ses conséquences. Attaques des Indiens. Retrait à la colonie de sa troisième charte. Elle est déclarée province royale. La population se divise en deux camps. Soulèvement du parti populaire qui chasse le gouverneur. Incendie de la ville de Jamestown. COLONIE DE LA VIRGINIE. Il n'est aucune colonie dont la fondation soit plus ancienne que celle de la Virginie. En avril 1607, treize ans avant l'arrivée des pèlerins de Plymouth, les premiers établissements sur la terre de la Virginie furent créés par la Compagnie de Londres, qui en avait reçu la propriété du roi Jacques Ier. Les premiers habitants de la colonie étaient peu faits, par leur caractère et la position qu'ils avaient occupée en Angleterre, pour supporter les peines d'une installation dans un pays jusqu'alors inhabité, en sorte qu'avant la fin de l'automne leur nombre était déjà diminué de moitié. Parmi eux se trouvait le capitaine John Smith dont la vie n'est qu'une suite d'aventures. Néen Angleterre dans le comté de Lancashire en 1579, il n'avait que treize ans lorsqu'il vendit ses livres d'étude et son sac pour fuir la maison paternelle et s'engager sur un navire marchand. Mais son père étant venu à mourir subitement, John Smith se décida à rester deux années encore en Angleterre; au bout de ce temps, n'ytenant plus, il partit pour la France, puis pour la Hollande, qu'il servit dans ses guerres pendant plusieurs années. Il se trouvait, un jour, sur un navire qui se rendait en Italie, lorsqu'une violente tempête s'éleva : accusé par ses compagnons de voyage d'avoir attiré sur tous le courroux céleste parce qu'il était protestant, il fut jeté à la mer. Smith, dont les forces étaient très-grandes, se soutint sur l'eau, nagea plusieurs heures et finit par aborder à une île où un vaisseau corsaire français le recueillit. Tandis qu'il était à bord, ce vaisseau attaqua un navire d'une nation ennemie; Smith prit part au combat et il se distingua tellement par son courage et son impétuosité qu'une part du butin conquis lui fut attribuée. Aussitôt après son débarquement, il se mêla aux guerres qui avaient justement lieu contre les Turcs, et, acceptant le cartel proposé par un officier musulman, il tua cet officier et deux autres qui voulurent le venger. Mais dans la bataille qui suivit, Smith fut fait prisonnier, et, dépouillé de ses vêtements, |